Avec la publication de son nouveau livre, HonestReporting s’est entretenu en exclusivité avec le Dr Manfred Gerstenfeld, au sujet de la délégitimation d’Israël et du rôle qu’y jouent les médias.

HonestReporting : Vous venez récemment de publier un livre : « La guerre d’un million d’entailles » qui est le premier livre à analyser la globalité du processus de délégitimation d’Israël. Quelles sont ses principales caractéristiques?

Manfred Gerstenfeld : « La guerre d’un million d’entailles » ne se limite pas à une description et à l’analyse des principes du processus entier de délégitimation et de son impact. Il présente aussi un plan pratique d’action pour combattre ce processus. Le livre commence par l’explication de la façon dont l’anti-israélisme contemporain et les deux types classiques d’antisémitisme religieux et ethnique, se chevauchent dans la mesure où on y retrouve des thèmes identiques.

Le thème central de haine de ces trois types d’antisémitisme est que les Juifs, et à notre époque, Israël, représentent le mal absolu. A notre époque, « le mal absolu » dans un pays ou un peuple est communément décrit comme se comportant comme les Nazis. Plus de 40% de la population adulte de l’Union Européenne pense qu’Israël est semblable aux Nazis dans son attitude envers les Palestiniens. Cette découverte réalisée par de nombreux sondages est un secret bien gardé, autant en Europe qu’en Israël.

En outre, mon livre décrit et analyse les principaux messages de haine contre Israël. Il présente la composition des principaux groupes qui promeuvent cette haine, dont des médias, des universitaire, les extrêmes, droite et gauche, les ONG, les Sociaux-Démocrates, certains chefs d’églises, des syndicats, etc.

La suite est une description de la façon dont les propagateurs de haine anti-israélienne livrent leurs messages à l’opinion publique et à quel point ils ont déjà commis des dommages envers les Juifs et Israël. La plus grande innovation de ce livre, cependant, est qu’il comporte un long chapitre sur la façon de combattre l’anti-israélisme ou antisionisme.

HR : Notre centre d’intérêt, à HonestReporting est essentiellement l’analyse de l’hostilité des médias contre Israël. Quels sont les principales lignes fortes du chapitre de votre livre concernant les médias?

MG : Les déformations produites par les médias ont provoqué de bien des façons d’énormes dégâts à Israël. Cela s’est exprimé à la fois par des omissions sur les faits essentiels qui placeraient Israël sous un jour favorable, et par des articles éditoriaux et des prises de position attaquant Israël. Simultanément, les crimes palestiniens sont ignorés, blanchis ou présentés de façon trompeuse en leur faveur.

La Guerre d’un Million d’entailles présente de nombreux exemples de malhonnêteté médiatique ou de déformations contre Israël, extraits d’une grande diversité de pays, offrant un panorama complet des problèmes que rencontre Israël avec les journalistes. La portée de cette présentation générale est bien plus utile qu’une focalisation étroite  uniquement sur un seul pays ou une seule langue. Le lecteur peut ainsi obtenir une vision surplombante sur ce qui est inhérent à l’ensemble des distorsions médiatiques anti-israéliennes et ce qui est plus typique à certains pays.

Certains éléments de déformation varient en effet d’un pays à l’autre. Par exemple, Shmuel Trigano, un penseur juif français de très grande importance et un analyste chevronné de l’antisémitisme a souligné l’uniformité des distorsions de la presse française contre Israël. C’est bien loin d’être le cas dans des pays comme la Grande-Bretagne. Malgré les activités de médias britanniques anti-israéliens comme la BBC, le Guardian et the Independent, tous les médias anglais font la démonstration d’autant de distorsions identiques. Le Telegraph, par exemple, un quotidien important,n’est pas entraîné dans un tel antisionisme congénital.

HR: De quelle façon les observateurs pro-israéliens des médias contribuent à la lutte contre les biais ou distorsions anti-israéliennes?

MG : La contribution des observateurs pro-israéliens des médias consiste à mettre en lumière à quel point les transgressions des médias sont énormes en ce qui concerne Israël. HonestReporting est l’un des principaux acteurs en ce domaine. Les observateurs pro-israéliens des médias sont en fait l’avant-garde de la mise en évidence d’un phénomène bien plus large, le préjugé et l’iniquité des médias dans un sens bien plus large, grâce à l’analyse qu’ils font des inexactitudes à propos d’Israël.

Au cours des décennies passées, de nombreux médias ont tiré parti d’une situation unique en son genre. Du fait qu’ils ont le pouvoir de critiquer autrui sans répit et parfois de façon très brutale, il y a peu de moyens de les rappeler au sens premier de leur mission. Le travail de leurs équipes ne fait l’objet que d’une auto-régulation qui est spécifique aux médias. Excepté dans des cas exceptionnels, les journalistes ne sont pas tenus responsables par quiconque en dehors de leur propre profession.

Les reporters peuvent choisir les faits qu’ils vont mentionner ou omettre, même si cela conduit à des distorsions essentielles dans les perceptions de leurs lecteurs. La guerre de Gaza en 2014 est l’un des exemples les plus extrêmes. Là, nous avons vu que les moyens de l’information diffamatoire, si les reporters le veulent vraiment, sont presque illimités. Les médias se critiquent aussi rarement les uns les autres, même si cela pouvait générer une responsabilité plus grande parmi les journalistes.

Dès qu’à l’avenir, le gouvernement israélien choisira d’agir de façon concertée et commencera à révéler certaines escroqueries médiatiques, l’importance du travail des observateurs pro-israéliens des médias deviendra plus efficace et plus clair. Je le dis de façon tout-à-fait intentionnelle : « Dès » et non « Si », parce qu’il arrivera bien un jour où le gouvernement israélien ne pourra plus fermer les yeux face aux problèmes cruciaux que créent les distorsions médiatiques pour le pays.

HR : Est-ce que le gouvernement israélien est en mesure de mieux combattre les distorsions médiatiques que les observateurs non-gouvernementaux des médias?

MG: Il est en capacité d’ajouter bien plus de force et de moyens que les observateurs non-gouvernementaux des médias. Le gouvernement israélien a largement négligé ce combat contre les mensonges médiatiques qui attaquent le pays. Un message central de mon livre est qu’Israël a besoin d’instaurer une agence de contre-propagande.

Ce n’est pas très difficile à comprendre. Lorsqu’Israël a intialement été menacé et, ensuite été attaqué par des armées étrangères, le pays a fondé sa propre armée – les forces de défense d’Israël ou Tsahal. De façon similaire, lorsqu’Israël a été attaqué par des services de renseignements ennemis, il a lourdement investi dans la construction de ses trois services de renseignements : le Mossad, le service de sécurité intérieure, le Shin Bet ou Shabak et les services de renseignements militaires, l’Aman.

Au fil des décennies, tous ces organismes ont acquis de l’expérience, appris de leurs erreurs, inventé de nouvelles méthodes et approches et amélioré le déroulement de leurs opérations. Même de nouveaux événements cruciaux et les méthodes utilisées pour les traiter ajoutent à leur expérience. De façon similaire, face au nombre d’attaques cybernétiques, Israël investit plus d’argent et de gens formés, entraînés pour bâtir une cyberdéfense. Bientôt, Israël sera un leader international dans le champ de la cyberdéfense, s’il n’a pas déjà atteint ce statut.

Depuis de nombreuses années, aujourd’hui, Israël a été et continue d’être attaqué par la propagande nourrie de la haine la plus extrémiste. Pourtant aucune organisation n’existe actuellement pour surveiller et étudier ces attaques majeures et recueillir et faire bon usage de l’expérience acquise dans ce domaine. De fait, Israël n’a rien appris du passé et ses ennemis jouissent de ce qu’on peut appeler un festin antisémite totalement gratuit.

Ce festin antisémite gratuit est une caractéristique fondamentale de ces distorsions médiatiques.Les journalistes hostiles savent qu’ils peuvent écrire tant qu’ils veulent – et sans aucun risque – les choses les plus négatives contre Israël, même et surtout si certaines d’entre elles sont complètement fausses. Les escroqueries médiatiques et leurs rédacteurs n’ont rien à craindre de la part des Israéliens. Ces reporters seront à nouveaux admis et reçus dans le pays. Ils seront en mesure d’interviewer des autorités israéliennes ou au moins d’assister à des conférences de presse.

Cependant, de façon à travailler avec les Palestiniens, ces journalistes ont besoin de la collaboration de l’Autorité Palestinienne. Si les dirigeants de l’AP ne désirent pas recevoir tel journaliste particulier, cette personne perdra son emploi, puisqu’il sera dans l’impossibilité de poursuivre ses reportages des deux côtés du conflit palestino-israélien.

Plusieurs cas classiques montrent que ces déformations se poursuivent depuis fort longtemps. Thomas Freidman du New York Times a dévoilé -bien des années plus tard – que les correspondants occidentaux stationnés à Beyrouth avant 1982 n’écrivaient pas une ligne sur la corruption légendaire des cercles dirigeants de l’OLP local. Il remarquait aussi que ces correspondants ont présenté les activités de l’OLP de façon nettement plus positive que les Phalangistes, les Israéliens ou les américains. Il a mentionné en outre qu’il était essentiel pour les journalistes de rester en bons termes avec l’OLP. Sans quoi, leur rédacteur étranger n’aurait pas pu obtenir l’interview désirée avec Yasser Arafat.

Un autre cas classique des distorsions des médias est apparue quand Ricardo Christiano, correspondant de la chaîne de l’Etat italien, la RAI, a écrit une lettre en 2000 au quotidien palestinien Al-Hayat al-Jadida. Cela concernait le lynchage de deux soldats réservistes de Tsahal par les Palestiniens à Ramallah.Il dévoilait qu’une autre chaîne italienne MediaSet avait filmé le lynchage et transféré clandestinement les images à l’étranger, ajoutant que lui, évidemment, n’aurait pas publié de telles images si elles avaient été en sa possession. Par la suite, le journaliste de MediaSet ne pouvait plus travailler dans cette zone.

HR : Que pensez-vous du travail des observateurs pro-israéliens des médias?

MG : Il y a deux catégories principales d’observateurs pro-israéliens des médias, les organisations et les individualités. Il existe les organisations les plus vastes qui suivent un certain nombre de médias de façon continuelle, comme HonestReporting et Camera et d’autres plus petites dans d’autres langues. En ce qui concerne HonestReporting, j’aime en particulier le prix du Reporter le plus Malhonnête. Il a été attribué à Sidsel Wold, cette correspondante norvégienne en Israël, pour la Chaîne d’Etat NRK, qui a diffusé une interview radio avec moi qu’elle a totalement inventée.

Puis, il y a les individualités, dont certains écrivent sur des questions particulières de temps en temps – Tom Gross en est un bon exemple. D’autres écrivent des livres ou des reportages sur des problèmes spécifiques. Sergio Minerbi, l’un des hommes d’avant-garde dans ce domaine, a écrit sur les distorsions des médias belges. Récemment Joel Kotek a publié un reportage  sur les distorsions des médias belges francophones. Trevor Asserson a fait des analyses profondes sur les déformations volontaires de la BBC au cours de la décennie précédente. Tous ces observateurs des médias, qu’il s’agisse d’organisations ou d’individus, ont récolté une mine d’or d' »informations, qui mises ensemble avec des méthodologies qu’ils ont développées, forment un socle pour des actions à venir. Aussi bien Israël que le peuple juif devraient leur en être reconnaissants.

HR : Que pourrait ajouter le gouvernement israélien à tout ceci?

MG : Le gouvernement israélien peut ajouter une dimension nouvelle, plus orientée vers l’action dans la bataille contre les médias anti-israéliens. Cela ne peut fonctionner efficacement que si Israël met sur pied une agence de contre-propagande comme on l’a mentionné précédemment. Dans mon livre, je décris sa structure et ses activités possibles en détail. Une telle agence de contre-propagande pourrait superviser le champ de bataille tout entier de l’incitation à la haine contre Israël.

Les médias représentent unfront important de la propagande contre Israël. Une agence nationale de contre-propagande serait en mesure de suivre tous les organes de presse importants. Elle pourrait travailler de façon systématique et avec persévérance. Elle pourrait conseiller le gouvernement sur la façon de traiter les médias hostiles. Et enfin, mais pas le moindre, elle aurait l’argent disponible pour des batailles exténuantes contre les médias spécifiquement et délibérément frauduleux.

HR: Qu’entendez-vous par « une approche systématique »?

MG: L’Agence de contre-propagande telle que je l’ai décrite dans ce livre serait constituée de trois principaux départements. Le premier s’occuperait de recherche. Dans le domaine des médias, il recueillerait, au début de ses activités, tout le matériel disponible sur les distorsions produits par les médias à propos d’Israël. Puis, il étudierait les informations disponibles pour analyser les procédés par lesquels les médias mentent. cela comprendrait le paysage médiatique dans les pays particuliers, les médias spécifiquement anti-israéliens qui s’y trouvent, ainsi que les journalistes particuliers coutumiers du genre. Une banque de données serait mise sur pied contenant des informations systématiques sur les médias et les journalistes hostiles. L’Agence étudierait aussi les méthodologies développées au fil des années pour lutter contre la désinformation.

Un deuxième département de l’agence observerait constamment les évolutions. Une de ses branches établirait le suivi des activités qui ont la haine pour spécificité, telles que la Nazification d’Israël et le mouvement BDS à travers le monde. Une autre branche suivrait l’incitation à la haine autour ou en Israël même, de la part de catégories d’auteurs comme les médias, les universitaires, les ONG, les syndicats, les églises anti-israéliennes et ainsi de suite. Une troisième branche serait formée par les spécialistes par pays. Ceux-là suivraient les formes d’incitation contre Israël et l’antisémitisme selon des pays spécifiques dont ils connaîtraient bien la langue.

Un troisième secteur de l’agence de contre-propagande mènerait des actions ciblées. Permettez-moi de prendre un exemple, dans un pays comme la Norvège. J’ai écrit un livre et de nombreux articles sur la propagation de la haine antisioniste et antisémite qui s’y donnait libre cours. S’il y avait eu une agence de contre-propagande, on se serait aperçu depuis des années de cela et beaucoup de gens dans le monde auraient été informés sur le fait que le quotidien Dagbladet, le troisième du pays par son lectorat, nazifie Israël depuis des années. Cela se caractérise par le type de caricatures publiés par ce journal. Elles sont dessinées par le caricaturiste Finn Graff qui a représenté les précédents premiers ministres israéliens Ariel Sharon et Ehud Olmert en Nazis et comparé Gaza au camp de concentration allemand de Buchenwald. Pourtant le Roi Harald V de Norvège a récompensé Graff en 2007 en lui accordant l’Ordre Royal du Mérite de St Olavs, la médaille ‘honneur la plus prestigieuse du pays. Lorsque cela s’est produit, on aurait pu, alors attiré l’attention de l’opinion internationale sur la façon dont les récompenses royales sont accordées à un manipulateur majeur de la mémoire de la Shoah.

Les actions ne devraient pas se limiter aux médias étrangers. Il existe un lobby pro-norvégien au Sénat et au Congrès. Il existe des organisations juives qui ont pu contacter certains des membres de ce lobby et leur dire : « Est-ce que ce que le Roi a fait n’est pas scandaleux? Pourquoi voulez-vous être associés à un tel pays? ». Puis, le Sénateur américain Sam Brownback a écrit une lettre bien plus révélatrice à l’ambassadeur norvégien à Washington sur la mauvaise conduite du roi Harald V et les ministres du gouvernement en 2010. Les médias juifs ont prêté très peu attention à cela. Une meilleure organisation du camp juif et israélien aurait eu la latitude de générer un scandale international sur la foi de cette lettre.

Ce que je dis là à propos d’une action efficace n’est en rien le fruit d’une de mes inventions. Quelques années plus tard, le roi a conféré un titre identique à un Musulman norvégien converti, Trond Ali Linstad, qui faisait fréquemment de l’incitation antisioniste. Il a fait partie de la liste des pires auteurs d’incidents antisémites, publiée par le Centre Simon Wiesenthal en 2012. La protestation organisée directement en Norvège et ailleurs a contraint le roi à envoyer un message à Linstad afin qu’il restitue sa médaille.

Pourtant, même après l’effet boomerang de sa récompense à Linstad, le roi Harald V a récidivé.Il a offert la médaille du mérite de St Olav à Mad Gilbert et Erik Flosse, deux médecins norvégiens qui font la promotion du Hamas. Il n’y a eu, cette fois, aucune protestation assez significative.

Dès que cette agence serait en capacité de mettre en oeuvre une base de données et d’observer la façon dont cette situation perdure, nous pourrions obtenir, en définitive un panorama détaillé du chmap de bataille contre l’antisémitisme et l’anti-israélisme. Ce serait assez similaire à la façon dont le Ministère israélien de la Défense et le gratin de l’armée israélienne disposent d’une vue d’ensemble détaillée du champ de bataille militaire, ou comme les chefs des services de renseignement ont un panorama du champ de bataille de la guerre secrète. Il n’y a pas d’organisation dans le domaine de l’observation des médias qui puisse disposer de l’argent suffisant pour préparer la mise en place d’un tel panorama.

HR : Le deuxième facteur que vous mettez en avant, c’est la perséverance. Pourriez-vous mieux expliquer ce point?

MG: Les organisations observatrices des médias ne disposent pas des financements pour suivre un journal ou un journaliste durant des années. J’ai entendu dire que les études d’Asserson ont grandement irrité la BBC, parce qu’ils ont pris conscience que ce qu’il a écrit concernant leurs déformations anti-israélienne n’était non seulement vrai, mais aussi très précisément détaillé. Et ce qui était encore pire, il soulignait qu’ils avaient violé le contrat qu’ils ont signé avec le gouvernement britannique, ce qui est le fondement même de leur monopole.

Cependant, ces travaux d’Asserson ont été réalisés il y a des années. L’agence de contre-propagande aurait pu continuer de surveiller les émissions de la BBC d’après sa méthodologie durant toutes ces années. Il me semble qu’il aurait alors été virtuellement impossible pour la BBC de poursuivre ses distorsions contre Israël de façon aussi brutale qu’Asserson nous l’a décrite. D’autant plus que cela aurait pu mettre en péril les bénéfices apportés à la BBC par l’énorme somme d’argent provenant de sa situation de monopole.

HR : Vous dites que le manque d’argent est un problème majeur?

MG : D’abord et avant tout, les opérations continuelles d’une telle agence de contre-propagande ont un coût. Selon mes estimations approximatives – après avoir consulté certains autres experts – cela pourrait peut-être nécessiter 250 millions de $ par an, pour faire fonctionner une telle organisation. Elle pourrait avoir des centaines d’employés disposant de connaissances dans des domaines spécifiques et de nombreuses personnes qui parlent couramment des langues étrangères.

Sur les dossiers spécifiques de problèmes concernant les médias anti-israéliens, l’agence pourrait être prête à dépenser des centaines de milliers de dollars afin de lancer des études détaillées et le suivi des combats en cours. Des organisations dépendant d’un gouvernement ou parrainées par lui pourraient devenir des cibles prioritaires. L’argent ne devrait pas nécessairement toujours provenir du gouvernement israélien ou de l’agence de propagande elle-même. On peut aussi intéresser d’autres organisations ou des individus fortunés, pour la parrainer. Evidemment les 250 millions de $ ne devraient pas être uniquement dépenser à contrer les médias. L’agence devrait aussi traiter beaucoup d’autres problèmes comme les relations avec les pays arabes, les Musulmans dans le monde occidental, les universitaires, les syndicats prêcheurs de haine et leurs exécutants, les dirigeants d’églises anti-israéliennes, les ONG et ainsi de suite.

HR : Question finale : que devraient être les principales actions d’une telle agence de contre-propagande?

MG : Une manière de faire plus affinée et sophistiquée se fera sentir avec le temps. Certaines démarches devront évoluer par un système d’essais et d’erreurs. Cependant, dès que vous disposez d’une base de données sur des journalistes, vous avez la possibilité de faire bien des choses. On peut en trouver un exemple intéressant dans les écrits de Matti Friedman, ancien membre de l’Associated Press en Israël. En août 2014, il a analysé  en détail les distorsions commises par l’AP contre Israël, qu’il a pu expérimenter de première main durant son travail auprès d’elle. Selon ses propres termes : « Les actions israéliennes sont analysées et critiquées, et tout défaut de la société est souligné dans les reportages de façon agressive » au rythme d’un récit négatif tous les deux jours sur une période de sept semaines, bien plus que le nombre de récits critiques similaires sur les Palestiniens, modérés ou extrémistes, sur une durée de 3 ans[1].

Le chef du Bureau de l’AP en Israël, à l’époque, Steve Gutkin, a donné une réponse bancale sur un site internet indien qu’il dirigeait. Des déformations anti-israéliennes de l’AP contre Israël étaoient accumulées depuis de nombreuses années. Si on revient à 2001, cette agence de presse a été une des lauréates du Prix du Reporter le plus malhonnête d’HonestReporting. Un des exemples de ces distorsions de l’AP s’est révélée à l’occasion du meurtre d’un bébé juif âgé de 10 mois par un sniper palestinien à Hébron. Le titre donné par les rédacteurs de l’AP était : «  »Un bébé israélien meurt en cisjordanie ». Ils ne faisaient aucune mention dans l’article de qui avait commis ce meurtre, ni même ne se préoccupaaient de savoir si c’était un meurtre. Si on s’en tient au titre, le bébé aurait pu mourir de causes naturelles ou d’un accident. HonestReporting a donné des exemples supplémentaires des reportages frauduleux de l’AP à cette époque. Un peu plus tzrd, cette année-là, le journaliste américian Jeff Helmreich a rédigé une analyse détaillée sur les procédés utilisés par l’AP pour embellir le discours de Yasser Arafat sur la Naqba, en mai de cette année, en rapportant les choses de façon inexactes.

Au cours de ces 15 dernières années, les distorsions anti-israéliennes exécutées par l’AP dans ses reportages ont certainement causé des torts considérables à ce pays dans l’arène internationale. Si on avait connu alors l’existence d’une agence contre la propagande, au cours de cette même période de temps, observant, régulant et attribuant des sanctions aux reporters fraudeurs si nécessaire, le tableau serait aujourd’hui fort différent.

Il est possible d’enquêter de façon significative et systématique sur les médias à orientation anti-israélienne et de rechercher bien d’autres journalistes qui ont assez de conscience professionnelle pour mettre à jour les impostures de leurs anciens employeurs. Je suis en train de travailler autour d’un cas semblable en Europe, et je connais un autre cas potentiel d’un journaliste retraité d’une importante agence de presse américaine. Dès que vous commencez à faire systématiquement ce genre de choses, cela peut représenter une menace importante pour des médias qui pratiquent des distorsions démontrées contre Israël.

L’un des principes fondamentaux dans le champ de la contre-propagande, c’est que la plupart des gens sont des lâches. Si vous pouvez révéler les pratiques d’une poignée de journalistes qui ont fait des reportages sur Bordure Protectrice en 2014 comme de la pure escroquerie, parce qu’ils ne mentionnaient pas que le Hamas utilisait les civils comme boucliers humains, vous faites peur à des centaines d’autres. Beaucoup de journalistes se préoccupent d’abord de leur réputation.

En 2007, j’ai présenté les manipulations d’un journaliste hollandais. Conny Mus, qui est décédé, était à la tête de l’Association de la Presse étrangère en Israël depuis de nombreuses années. Il était fier d’être le premier journaliste occidental à avoir interviewé le chef du Hamas, Ismaïl Haniyeh. Il disait qu’il avait pu lui poser toutes les questions qu’il voulait. J’ai publié qu’il n’avait pas posé la question la plus logique : Qu’en est-il de la promotion du génocide contre les Juifs, telle qu’elle mentionnée dans la Charte du Hamas?

S’il avait existé une agence de contre-propagande, il n’aurait guère été difficile de démontrer que Mus ne méritait pas sa place et de lui la faire perdre, en tant que directeur de l’Association de la Presse étrangère ou, alternativement, de démontrer le fait que cette association était dirigée par un prétendu journaliste qui omettait délibérément des faits essentiels. Et vous ne pouvez pas vous permettre de le faire efficacement ou de façon accidentelle parce que les médias sont, effectivement, très puissants. Dès que vous disposez d’une base de données sur certains journalistes, l’agence, à force de persévérance, peut faire bien plus .

Je n’ai apporté là que quelques commentaires et exemples, mais il en existe bien plus dans mon livre, et avec la sophistication grandissante d’une agence de contre-propagande, à partir du moment où elle se développe, on découvrira des nouvelles méthodes pour révéler les impostures médiatiques. Cela se passe de façon tardive alors que la partie est lancée depuis longtemps, mais il n’est jamais trop tard.

Le livre de Manfred Gerstenfeld, The War of a Million Cuts : The Struggle against the Delegitimization of Israel and the Jews, and the Growth of New Anti-Semitism, est publié par le Jerusalem Center for Public Affairs et RVP Press. On peut l’acquérir sur Amazon et, en Israël, auprès du JCPA.

Simon Plosker

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Le Dr. Manfred Gerstenfeld a présidé pendant 12 ans le Conseil d’Administration du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem (2000-2012). Il a publié plus de 20 ouvrages. Plusieurs d’entre eux traitent d’anti-israélisme et d’antisémitisme.

Adaptation : Marc Brzustowski

http://honestreporting.com/expert-urges-israeli-government-to-fight-the-media-war/

http://honestreporting.com/expert-urges-israeli-government-to-fight-the-media-war/2/

27 Octobre 2015

[1] http://www.tabletmag.com/jewish-news-and-politics/183033/israel-insider-guide

 

 

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edmondthetiger

Voici un projet, concret, pratique, allant dans le sens de ce que le Dr. Manfred Gerstenfeld préconise:

http://alyaexpress-news.com/?s=principes+de+contre-propagande+offensive