Viol d’une jeune fille juive à Courbevoie: « une expédition punitive », selon son avocate

INTERVIEW. Selon Me Muriel Ouaknine-Melki, les trois mineurs ont voulu « punir » cette jeune fille de 12 ans pour ne pas avoir dit qu’elle était juive.

Par Valentine Arama

La victime a été approchée par les trois suspects alors qu’elle se trouvait au square Henri-Regnault, à Courbevoie.

La victime a été approchée par les trois suspects alors qu'elle se trouvait au square Henri-Regnault, à Courbevoie. La victime a été approchée par les trois suspects alors qu’elle se trouvait au square Henri-Regnault, à Courbevoie. © Benjamin Derveaux/MAXPPP/PHOTOPQR/LE PARISIEN

Mardi 18 juin, deux mineurs de 13 ans ont été mis en examen après avoir violé, agressé et menacé une fillette de 12 ans parce qu’elle est juive. Un troisième mineur, également âgé de 12 ans a été placé sous le statut de témoin assisté pour les faits de viol. Me Muriel Ouaknine-Melki, avocate avec Me Oudy Bloch de la jeune victime et de ses parents, qui préside aussi l’Organisation juive européenne (OJE), revient pour Le Point sur l’état de santé de sa cliente, qu’elle décrit comme « très courageuse » et sur ce qui a conduit les trois mineurs mis en cause au passage à l’acte.

Le Point : Pouvez-vous nous donner des nouvelles de la jeune victime ?

Muriel Ouaknine-Melki. Pour l’instant, elle est dans un processus médical. La réalité d’un viol commis par plusieurs agresseurs, c’est d’abord qu’il faut s’assurer de l’absence d’une grossesse. Cela veut dire pilule du lendemain et tout ce que ça implique pour son corps. Il faut aussi s’assurer de l’absence de transmission de maladies infectieuses et donc lui administrer le traitement préventif qui convient. Voilà pour la partie strictement médicamenteuse. Après, il y a la partie psychologique : plusieurs rendez-vous avec des médecins psychiatres et des psychologues pour évaluer comment elle se sent et la répercussion des actes qu’elle a subis son son état de santé psychique. Il faut ensuite commencer à poser les jalons d’une reconstruction qui va être très longue. Mais cela se fera, car cette petite fille est forte et courageuse.

La victime a eu l’immense courage de raconter immédiatement ce qui lui était arrivé à ses parents. Un réflexe important en pareilles circonstances.

En effet, c’est important pour sa reconstruction que sa parole ait pu se libérer, qu’elle n’ait pas eu honte et qu’elle n’ait pas gardé ça pour elle. Elle a fait preuve de force, de courage et d’une grande intelligence. C’est aussi le fruit de son éducation: quand elle a raconté tout ça à son père, elle était évidemment en larmes, mais il n’a pas hésité une demi-seconde à prendre le téléphone pour appeler la police.

Tout cela a permis aux enquêteurs de se rendre dès le samedi soir sur la scène de crime et de pouvoir faire les premières constatations techniques en présence de la petite, qui leur a indiqué les endroits précis où ça s’était passé. Raconter, retourner avec les enquêteurs sur les lieux, accepter d’être conduite dans un centre médico-légal pour se soumettre à des examens gynécologiques, aller en audition et raconter les faits dans les moindres détails… C’est autant d’éléments de preuve qui vont faciliter l’enquête. Raconter, c’est primordial, et elle l’a déjà très bien compris du haut de ses 12 ans.

Que sait-on des trois mineurs qui ont frappé, agressé, violé et menacé cette victime de 12 ans ? Est-ce qu’ils reconnaissent leur implication, en ont-ils conscience ?

L’enquête est couverte par le secret de l’instruction et ce sont des mineurs. Ce que je peux simplement vous dire, c’est que ce sont des jeunes qui ont exprimé des regrets, comme l’a dit le procureur de la République. Pour autant, cela signifie-t-il qu’ils reconnaissent les faits qui leur sont reprochés ? Il y a une reconnaissance partielle. Malgré le fait qu’ils sont auteurs de gestes criminels, étant très jeunes, disons qu’ils ne sont pas encore rodés au système judiciaire ; ils ont donc fait des déclarations croisées qui les impliquent les uns les autres. Quoi qu’il en soit, les constatations techniques et les prélèvements qui ont été réalisés vont permettre de déterminer très rapidement qui a fait quoi. Enfin, en tant qu’avocate, je me demande ce qu’il va falloir faire de ces jeunes. C’est une vraie question; je ne sais pas comment on peut rattraper des choses pareilles. Ça tourne en boucle dans ma tête.

Le caractère antisémite a été retenu pour les injures et violences – et non pas pour le viol. Comment expliquer que de si jeunes mineurs aient pu proférer des menaces et insultes de nature antisémite à l’encontre de cette jeune victime ? Doit-on parler d’antisémitisme « d’atmosphère » ?

Il y a une réalité, on ne va pas se mentir, sur les trois jeunes garçons : vous en avez deux qui sont imprégnés d’un islam en lien direct avec ce qu’on peut trouver sur les sites radicaux. On fait très attention: on ne veut pas que ce soit récupéré et c’est tout le problème. Mais c’est une réalité: elle a été traitée de « sale juive ». Il s’agit d’une expédition punitive, présentée comme telle par le mineur qui en est à l’initiative. Ils sont venus au pied de son immeuble, en bas de chez elle, pour la punir de ne pas avoir dit qu’elle était juive.

Ces garçons l’ont accusée d’être contre la Palestine, de pratiquer un génocide contre la Palestine Me Ouaknine-Melki

Ils l’ont interrogée sur Israël, l’ont accusée d’être un soutien d’Israël. Elle a tenté d’expliquer qu’elle était pour la paix, du haut de ses 12 ans. Ces garçons l’ont accusée d’être contre la Palestine, de pratiquer un génocide contre la Palestine. Ils lui ont crié : « Vous êtes des assassins. » Voilà ce qu’elle a entendu et subi tout en étant frappée et violée.

Comment l’Organisation juive européenne (OJE), que vous présidez, lutte-t-elle juridiquement contre cet antisémitisme ?

Nous sommes de tous les procès, toutes les affaires à caractère antisémite depuis la mort d’Ilan Halimi. Mais on fait aussi un nettoyage de la parole publiqueen luttant contre l’apologie du terrorisme. Et ces plaintes-là, elles ont explosé depuis le 7 octobre et les attaques du Hamas. Nous en avons déposé plus d’une centaine en tout. Certaines ont donné lieu à des condamnations, que ce soit contre la CGT à Lille ou contre l’imam de Beaucaire (Gard). Mais toutes ne sont malheureusement pas suivies d’effet. Tous les dossiers qui ont été gelés avec les élections européennes et maintenant législatives sont ceux qui concernent La France insoumise.

Nous avons systématiquement déposé une plainte face aux mots de haine qui se sont lâchés depuis le 7 octobre à l’encontre d’Israël, des juifs de France et finalement des deux, qui ont été assimilés pendant cette campagne. On alerte dans chacune de nos plaidoiries depuis dix ans sur le risque que ça infuse dans les esprits jeunes ou mal construits et que ça conduise à des passages à l’acte. C’est exactement ce qu’il s’est passé samedi 15 juin à Courbevoie. Les mots de haine qui se sont imprimés dans les esprits de ces jeunes ont fini par les conduire à un passage à l’acte criminel à l’encontre d’une enfant de leur âge, dont ils n’ont pas reconnu l’existence en tant qu’enfant, mais seulement en tant que juive, et donc en tant qu’ennemie qu’il fallait anéantir. Et il y a une responsabilité collective face à cela.

JForum.fr avec www.lepoint.fr

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