Des enfants syriens soignés après une attaque à l’arme chimique présumée à Khan Sheikhun, une ville tenue par les rebelles de la province d’Idleb, le 4 avril 2017. (Crédit : Mohamed al-Bakour/AFP)
Les Etats-Unis ont protesté mardi contre l’accession de la Syrie à la présidence de la Conférence du désarmement de l’ONU, qu’ils ont qualifiée de « farce » alors que le régime de Damas est accusé d’utiliser des armes chimiques contre son peuple.
Pour marquer son opposition, l’ambassadeur des Etats-Unis pour le désarmement, Robert Wood, a quitté la salle pendant le discours de l’ambassadeur syrien Hussam Edin A’ala qui a ouvert la session plénière au Palais des Nations à Genève.
La présidence de la Conférence du désarmement est assurée de manière tournante, en fonction de l’ordre alphabétique, et après la Suisse, c’est à la Syrie qu’est revenu ce poste pendant les quatre prochaines semaines.
« La présence de la Syrie ici est une farce (…) Il est inacceptable que (les Syriens) dirigent cet organe. Ils n’ont ni l’autorité morale, ni la crédibilité pour le faire », a déclaré à l’AFP le représentant américain.
De retour dans la salle, l’ambassadeur a ensuite pris la parole pour dénoncer « le massacre aveugle » du peuple syrien par le régime de Damas qu’il a accusé d’utiliser des armes chimiques.
« Aujourd’hui est un jour triste et honteux dans l’histoire de cet organe », a dit M. Wood devant les représentants des 65 nations membres de la Conférence du désarmement.
« Je vais être clair: nous ne pouvons pas permettre que ce soit ‘business as usual’ à la Conférence alors que la Syrie préside cet organe. Nous ne pouvons pas rester aveugles devant la présidence d’un régime qui soutient tout ce que cet organe a été conçu pour empêcher », a-t-il poursuivi.
Pendant les quatre semaines de la présidence syrienne, « nous serons présents dans cette salle pour nous assurer que la Syrie ne puisse pas prendre des initiatives qui iraient à l’encontre des intérêts des Etats-Unis, mais nous allons fondamentalement modifier la nature de notre présence dans les séances plénières », a averti l’ambassadeur américain.
Empoisonnement
L’ambassadeur syrien a répliqué en qualifiant le mouvement d’humeur de M. Wood de « propagande à sensation » et en l’accusant de tenir « un double langage ». Il a également rejeté les accusations d’attaques chimiques en affirmant qu’il n’y avait « pas de preuves ».
Plus de 350 000 personnes ont été tuées et des millions déplacées depuis l’éclatement de la guerre civile en Syrie en 2011.
A l’issue de son discours, M. Wood n’a pas regagné la place réservée aux ambassadeurs, mais s’est assis sur l’un des sièges réservés aux assistants.

L’ambassadrice d’Israël Aviva Raz Shechter a également quitté la salle après son discours, dans lequel elle a jugé cette situation « inacceptable ».
D’autres délégués, comme ceux du Royaume-Uni, de l’Australie et de la France, ont également exprimé leur opposition à la présidence syrienne.
L’ambassadeur britannique Matthew Rowland a affirmé que « les utilisations répétées d’armes chimiques par la Syrie au cours des sept années de conflit étaient bien documentées ».
« C’est donc une farce de voir la Syrie prendre la présidence, étant donné son mépris flagrant et constant à l’égard du désarmement international et des normes et traités de non-prolifération », a-t-il ajouté, en affirmant que le Royaume-Uni ne laissera pas la présidence syrienne « infliger des dommages au travail de la Conférence ».
Le représentant permanent adjoint de la France, Louis Riquet, a pour sa part déclaré que la Syrie « n’avait pas l’autorité morale pour diriger cet organe ».
« La Conférence du désarmement se trouve aujourd’hui dans une situation très singulière que nous ne pouvons que déplorer », a-t-il ajouté. Il a annoncé que « pour marquer sa réprobation vis-à-vis de cette situation, la France ne sera pas représentée par son ambassadeur auprès de la Conférence du désarmement pour les sessions plenières de cette enceinte durant les quatre semaines à venir ».
Dans ce concert de protestations, des voix dissonantes se sont toutefois exprimées.
Le représentant de la Chine a pris la parole pour féliciter la Syrie. « Félicitations pour cette présidence », a-t-il dit.
Et le représentant de la Russie, alliée de la Syrie, a reproché aux Etats-Unis et aux autres pays critiques d’ »empoisonner l’atmosphère » de la Conférence.
A quoi l’ambassadeur américain a répondu qu’il était « plus préoccupé par l’empoisonnement du peuple syrien ».
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