Comment ne pas faire une relation entre la célébration de TOU BICHVAT et la fête de SOUCCOT ? Les deux festivités sont un authentique hymne à la nature et nous lancent un vibrant défi face à notre style de vie et une évolution technologique inévitable.
Désormais et chaque jour davantage, nous perdons notre autonomie, sans nous en rendre compte. Nous dépendons de plus en plus des machines. Insensiblement, le monde se formate au high-tech sous toutes ses formes: informatique, wifi, internet, portables, boite vocale, objets connectés, applications mobile etc.. On nous prédit que ce n’est qu’un début. Les actes les plus courants tendent à disparaitre : on se parle de moins en moins, puisque c’est plus facile de se servir d’un téléphone mobile ou de laisser un texto, bien commode, puisqu’il autorise tacitement des fautes de français ou d’orthographe. On renonce à la correspondance et au papier à lettres personnalisé pour s’exprimer par le biais d’e-mails. On dirige à distance le fonctionnement des appareils ménagers de la maison grâce à une électronique obéissante. Désormais, il est possible de piloter son quotidien par des capteurs de proximité connectés et de contrôler la plupart des appareils à travers son smartphone, où qu’on se trouve, et sans avoir à se déranger physiquement. Déjà des couples se forment par le canal du Web et les transactions commerciales se font sans contacts humains : documentations, achats, ventes, échanges, tout prend le chemin planétaire d’Internet, puisqu’on peut commander n’importe quoi à l’autre bout du monde, s’enregistrer pour un vol aérien depuis son appartement ou son bureau. Inutile de s’époumoner à appeler un taxi, puisque une application vous permet d’être géo localisé en quelques secondes. Ce monde mécanisé nous enveloppe, nous encercle et grignote progressivement tous nos espaces de liberté, puisque on ne peut plus se passer de cette technologie, d’autant plus qu’elle nous est imposée. Dans quelques temps, la déclaration d’impôt en ligne deviendra obligatoire pour tous – personnes âgées comprises – au même titre que la plupart des formalités administratives. Petit à petit on perd le contact avec la réalité physique, humaine et relationnelle.
La fête de SOUCCOT évocation de la saison des récoltes, vient marquer une rupture radicale avec ce mode de vie actuel. L’obligation de sortir de nos demeures, si protégées recrée un environnement totalement différent de celui dans lequel nous évoluons, et sans le confort de la vie moderne. Le cadre est rudimentaire, le toit – « skha’h » – précaire, la porte d’entrée ouverte à tous les vents, la table fragile. Pendant quelques jours, on va mettre un terme à une vie accrochée à ses commodités matérielles. Ce séjour, hors de la demeure familiale, nous plonge dans un monde quasi primitif, un véritable retour à la nature, qui va susciter bien des questions de la part des convives. Finie la froide communication par médias interposés et voici la convivialité des repas familiaux sous la soukka où l’on se reçoit, on se réjouit et on se parle enfin. C’est l’occasion idéale pour échanger ses réflexions sur le sens de la fête. On oublie le quotidien et les enfants interrogent sur les nombreux symboles attachés à la souccah : les 4 espèces qu’on agite ensemble, l’injonction d’avoir plus d’ombre que de lumière dans la cabane, la dimension écologique de la Torah, et même des questions sur le réchauffement climatique ! Et la présence de fruits et légumes accrochés au toit évoque pour tous les bienfaits de la terre nourricière.
La fête de TOU BICHVAT, à son tour, nous transmet un message identique mais différent par la variété des fruits qu’elle nous propose. A l’opposé de fruits qui seraient tous de la même couleur et avec la même saveur, et donc d’une monotonie singulière, l’obligation de multiplier les espèces et les origines, constitue une symbolique des différences qui existent entre les humains. Voici des oranges, des cerises rouges, des citrons et des bananes jaunes, des prunes violettes, des figues vertes et noires et tant d’autres nuances fruitières ! Et de la même manière les êtres humains, si différents dans leurs croyances et leur mode de vie. Deux visions distinctes de ce même arc en ciel de coloris et d’aspects. D’une certaine manière, on pourrait dire que la fête de TOU BICHVAT n’est rien d’autre que l’aboutissement, l’accomplissement de SOUCCOT.
Remercions le Tout Puissant de nous offrir des temps où l’on peut goûter aux vraies valeurs de la vie et apprécier ce dont le Ciel nous gratifie.
Moîse COHEN
Président d’Honneur du Consistoire de Paris
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