Rwanda – Trente ans après le génocide, 7 avril 1994

par Alain Destexhe

Le 7 avril marque le 30ème anniversaire du génocide des Tutsis au Rwanda qui fit plus de 800 000 morts en trois mois en 1994.

Alain Destexhe était à l’époque le secrétaire général de Médecins Sans Frontières. Il a vécu de près cette tragédie. Trente ans plus tard, il est retourné sur place à la rencontre de rescapés et de génocidaires.

En 1994, Jean-Claude, un policier hutu devenu plus tard « chasseur de Tutsi », avait 26 ans et était l’un des 14 policiers de la commune de Nyamata, à une heure de Kigali, l’une des zones les plus touchées par le génocide.

Quatre ans plus tôt, le Front patriotique rwandais avait attaqué le Rwanda depuis l’Ouganda. Le mouvement était composé majoritairement de Tutsis, vivant en exil depuis 1959, que le régime rwandais ne voulait pas laisser revenir au pays.

En 1990, après cette attaque, Jean-Claude et ses collègues, sur ordre des autorités, ont commencé à harceler les Tutsis de la commune, les arrêtant sans raison et les tabassant. En 1992, des dizaines de personnes ont été tuées et leurs maisons incendiées… Jusqu’en 1994, lors des meetings, les autorités n’avaient cessé de répéter que les Tutsis étaient des « serpents » et des « cafards » , et que le Front patriotique rwandais, selon leurs plans tronqués, vision de l’histoire, « ramener le servage » (des Hutus par les Tutsis), thème puissant dans l’imaginaire du régime.

Les Rwandais ont reçu le message que les Tutsis, tous les Tutsis, qui étaient des citoyens de seconde zone depuis 1959, étaient des alliés du groupe en exil qui les avait attaqués. Lorsque l’avion du président rwandais Juvénal Habyarimana a été abattu, le 6 avril au soir, les autorités n’ont pas tardé à propager un discours accusateur : « Voici la preuve que ce qu’on vous a dit était vrai, ils ont tué notre président. »

« Je tire en brousse comme les autres »

Le soir du 10 avril, lorsque les militaires sont arrivés au Rwanda, la police leur a montré les maisons des Tutsis afin de les tuer. Beaucoup d’entre eux s’étaient réfugiés dans l’église locale, et d’autres dans un terrain en face de la maison communale, où se trouvaient plusieurs milliers de personnes effrayées, pensant que les autorités allaient les protéger. Au lieu de cela, les autorités ont décidé de les tuer sur place. Les soldats et les policiers, armés de fusils et de grenades, et les miliciens armés de machettes et de gourdins à pointes, ont encerclé les réfugiés et ont commencé à tirer sur la foule, lançant des grenades et des machettes .

Jean-Claude commence à tirer sur ses proches, puis, au fur et à mesure que les victimes sans défense tombent, vers le centre de la foule. Il tire, tire et tire encore. Il disposait de dix cartouches pour son fusil à un coup et, lorsqu’il en manquait, on lui en fournissait de nouvelles. Les miliciens finissent le travail à coups de machettes et de gourdins. Ce fut un véritable carnage, une boucherie, un massacre. Combien de personnes a-t-il tué ? Il ne sait pas ou refuse de le dire. Il a tiré sur la foule comme les autres.

Ce qui est sûr, c’est qu’il a tué tous les jours pendant un mois, d’abord au centre du village, puis plus tard dans les forêts et les marais, et qu’il n’a jamais manqué de munitions. Comment se sentait-il? « Au début, c’était la peur », nous dit-il, « mais ensuite la peur a disparu, il n’y avait plus de joie non plus, c’est devenu une habitude de tuer. C’était un travail ordonné par les autorités et nous avons fait notre devoir ». Il recevait les ordres et obéissait, comme Adolf Eichmann et les autres bourreaux nazis de la Solution finale… [L]es tueurs hutu n’ont montré ni culpabilité ni remords. Leurs aveux étaient mécaniques, faits en obéissance aux nouvelles autorités. Mais au fond, aucune trace de sentiment de culpabilité ne se dessine.

Extrait du livre à paraître, Rwanda 94 le Carnage : 30 ans après, retour sur place

Alain Destexhe était secrétaire général de Médecins Sans Frontières en 1994 pendant le génocide. Il a également publié Rwanda and Genocide in the Twentieth Century, New York University Press, 1995

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Sur la photo : quelque 90 000 réfugiés rwandais attendent de la nourriture de la Croix-Rouge le 20 mai 1994 dans le camp de réfugiés de Benako en Tanzanie. (Photo d’Alexander Joe/AFP via Getty Images)

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Filouthai

Il n’y a que cette pourriture de Macron pour oser dir que la France est responsable d’un genocide au Rwanda !
Relisez les livres et rapports de Bernard Lugan pour comprendre que Mr Kagame, ami des américains, est le principal responsable …

habibi

Allons, allons… derrière la mise en oeuvre du génocide au Rwanda, ce n’était pas la France, mais les anglo-américains et les services spéciaux britanniques.