Rima Hassan, l’Insoumise qui provoque le malaise au Parlement européen

Élue aux dernières élections européennes, l’Insoumise continue de mener campagne pour la cause palestinienne au Parlement, en multipliant les prises de position radicales et les coups médiatiques. Même à gauche, certains expriment leur malaise.

« Enlevez-le, s’il vous plaît ! » Depuis plusieurs semaines, l’injonction de la présidente de séance à retirer son keffieh, le foulard devenu symbole de lutte pour les Palestiniens, introduit invariablement chaque prise de parole de Rima Hassan dans l’hémicycle européen. L’eurodéputée Insoumise s’exécute, non sans marquer sa désapprobation.

Depuis trois mois, les 720 députés du Parlement européen découvrent leur nouvelle collègue française. Au printemps, la juriste et militante franco-palestinienne de 32 ans avait électrisé la campagne des européennes. Septième de liste mais en première ligne, l’égérie Insoumise avait placé la guerre à Gaza et la lutte contre le gouvernement israélien au cœur de son discours et de la stratégie électorale de LFI. Elle poursuit sur la même lancée à Bruxelles et à Strasbourg, verbe haut et offensives tous azimuts sur les réseaux sociaux. Au risque de dérouter dans les couloirs feutrés du Parlement.

« Elle cherche à se donner l’image d’une persécutée »

« Elle était inconnue des eurodéputés étrangers, elle est maintenant défavorablement connue », grimace un eurodéputé de premier plan, agacé par la scène récurrente du keffieh. « Elle aurait certes pu ignorer le premier jour cette règle qui veut qu’on n’affiche pas un quelconque symbole de militantisme quand on s’exprime dans l’hémicycle, mais là, elle le fait de toute évidence exprès : elle cherche à faire parler d’elle, à se donner l’image d’une persécutée », poursuit-il.

Interrogée, Rima Hassan fait valoir que d’autres eurodéputés portent le keffieh, à l’image de certains de ses collègues du groupe The Left ou même des sociaux-démocrates portugais. Mais elle assume ses tentatives de l’arborer au pupitre. « C’est un symbole militant mais surtout un symbole d’une identité qui risque de disparaître avec le génocide et la colonisation de peuplement. C’est la raison pour laquelle je tiens à le porter », souligne-t-elle.

Un détail vestimentaire qui prouve que Rima Hassan n’a pas laissé ses habits d’activiste au vestiaire en entrant au Parlement européen. « En juillet, elle est arrivée ici en mode campagne, elle n’en était pas sortie », se souvient une eurodéputée écolo.

Passe d’armes avec François-Xavier Bellamy

Elle poursuit ainsi sa bataille rangée avec la tête de liste LR François-Xavier Bellamy, commencée des semaines plus tôt. « Pour le moment, François-Xavier Bellamy et ses petits copains proches du régime génocidaire israélien dorment bien la nuit. Ça ne va pas durer », poste-t-elle avec violence, le 24 juillet, sur les réseaux sociaux. Tollé.

La présidente du Parlement européen, Roberta Metsola, réfléchit un temps à ouvrir une enquête sur une potentielle infraction au code de conduite de l’institution, avec, à la clé, de possibles pénalités financières, voire une interdiction temporaire d’exercer. Il n’y aura finalement pas de suite, nous explique son équipe pour qui cette initiative « a ensuite été supplantée par le lancement d’une procédure légale », une plainte pour « menaces de mort » et « incitation à commettre un crime contre un élu » déposée par Bellamy.

« Mon avocat n’a rien reçu », assure-t-elle, annonçant poursuivre en retour Bellamy pour « diffamation publique et dénonciation calomnieuse » pour l’avoir dépeinte en représentante du Hamas. La veille du message rageur qui le visait, l’eurodéputé de droite, membre du PPE, avait œuvré auprès de son camp pour que la militante propalestinienne ne soit pas élue vice-présidente de la sous-commission des Droits de l’homme, malgré les accords passés en amont entre partis, comme c’est l’usage. « Une manœuvre malsaine et malhonnête », enrage encore Hassan.

Prises de position radicales

Pour Bellamy, la trentenaire, dont les prises de position radicales lui valent des procès en antisionisme, s’est « disqualifiée à jamais » pour parler des droits de l’homme. En cause, notamment : une interview accordée fin 2023 au média Le Crayon, où Rima Hassan affirmait qu’il était « vrai » que le Hamas mène une action légitime. Un extrait « coupé » et trompeur, s’est défendue la militante. Mais qui avait néanmoins conduit la Direction nationale de la police judiciaire à l’entendre, le 30 avril, pour « apologie publique d’un acte de terrorisme, commise au moyen d’un service de communication au public en ligne ».

Au Parlement européen, l’élection pour le poste que Rima Hassan brigue est finalement reportée. La députée est nommée coordinatrice de la sous-commission. Mais l’épisode a laissé des traces. Et choqué chez Renaissance. Le 16 septembre, la députée Renew Nathalie Loiseau s’est fendue d’un rappel au règlement pour réclamer des sanctions. « Ce Parlement n’est pas un octogone, et nous avons une responsabilité dans une société de plus en plus traversée par la violence : celle de ne pas y participer, de ne pas l’encourager. Par ses propos, Rima Hassan a mis une cible dans le dos de notre collègue », lance-t-elle, suscitant des applaudissements, y compris sur les bancs de la gauche.

« Cette intervention m’a valu des félicitations pour l’ensemble des députés européens de différents bords, dont des socialistes, des Verts, qui ont trouvé son comportement inacceptable et ils m’ont remerciée d’avoir ainsi parlé en leur nom », confie Nathalie Loiseau.

Fin août, 51 députés Renaissance de l’Assemblée avaient déjà demandé la levée de l’immunité parlementaire de l’Insoumise en dénonçant une forme d’« apologie du terrorisme » après sa participation à une manifestation présentée comme « pro-Hamas » à Amman, en Jordanie. Des pancartes avaient alors été brandies par des manifestants en hommage au chef du Hamas Ismaïl Haniyeh, tué fin juillet.

Là encore, Rima Hassan s’était défendue de toute action provocatrice, justifiant un rassemblement « habituel » et « en rien pro-Hamas » organisé chaque vendredi à Amman, ajoutant qu’elle ne pouvait être tenue « responsable » de la présence de soutiens du Hamas.

« Elle ne parle que de Gaza »

Au Parlement européen, on lui reproche des prises de parole quasi uniquement consacrées au sujet de la Palestine. « Rima Hassan est toujours assidue en commission. Cependant, elle ne parle que de Gaza : même si ce n’est pas à l’ordre du jour, elle se débrouille pour revenir à ce sujet », remarque un député étranger de l’arc central siégeant à ses côtés, pour qui il y a « bien d’autres dossiers dont nous devons aussi nous saisir ». Des interventions « teintées d’un révisionnisme quant à l’existence d’Israël », cible Nathalie Loiseau.

« En même temps, il n’y a pas eu tromperie sur la marchandise : elle s’est fait élire pour être une militante de la cause palestinienne au niveau européen », fait remarquer le député écologiste David Cormand.

Rima Hassan avec Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne des européennes, le 1er juin 2024 à Toulouse.
Rima Hassan avec Jean-Luc Mélenchon pendant la campagne des européennes, le 1er juin 2024 à Toulouse. AFP/Hans Lucas/Martin Bertrand

Apparue soudainement dans le paysage politique des européennes via LFI qui l’avait repérée par ses prises de position, elle fait une apparition remarquée au soir du premier tour des législatives, déjà avec son keffieh, aux côtés de Jean-Luc Mélenchon, sur la tribune. Un geste perçu par certains comme une volonté de séduire l’électorat musulman, très attaché à la cause palestinienne.

« Sur les droits humains, je ne fais pas le tri »

L’eurodéputée LFI se défend pourtant de toute monomanie. « Je suis coordinatrice de la commission des Droits de l’homme, pas de la commission Palestine, que je sache ! J’ai porté comme coordinatrice des dizaines de textes qui couvrent d’autres aires géographiques. Sur les droits humains, je ne fais pas le tri », affirme-t-elle. Et de citer une résolution sur les prisonniers biélorusses, une autre sur la dégradation des droits des femmes en Irak, ou encore sur la défense des Ouïghours en Chine.

« Sur ce sujet, alors que LFI n’avait pas voté en 2022 la qualification de génocide pour les Ouïghours, elle est montée au créneau pour que son groupe vote pour leur défense et elle a gagné le point », salue une eurodéputée PS. Mais le 9 août, lorsqu’elle prend la parole lors du débat sur les « Ouïghours injustement emprisonnés en Chine », elle consacre la moitié de son temps de parole à une « parenthèse » sur Gaza et le Liban. Dans laquelle elle torpille « l’indignation sélective » de l’Union européenne « aujourd’hui complice du génocide et des crimes de guerre en Palestine et au Liban ».

La juriste reconnaît bien faire de la question palestinienne « une priorité », regrettant que le Parlement européen n’ait pas adopté de résolution sur le sujet depuis le 18 janvier. « J’aimerais parler moins de la situation à Gaza, mais cela supposerait que d’autres le fassent. Et j’assume de dire que c’est l’une des questions les plus urgentes sur le plan international : tous les experts et les acteurs humanitaires le disent. Et que c’est un sujet européen. Je ne comprends pas le procès qui m’est fait : a-t-on reproché à Raphaël Glucksmann d’incarner le combat des Ouïghours pendant cinq ans ? »

« Il est hors de question qu’elle terrorise nos députés »

Les eurodéputés critiques lui reprochent surtout son style et ses mots. Notamment sur les réseaux sociaux, où elle traque « les génocidaires » et leurs « complices » et qualifie Israël de « monstruosité sans nom », en mai, après des frappes sur Rafah. En août, elle affirme sur X que « l’ONU ne qualifie pas et ne rattache pas à du terrorisme » l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre, ce qui lui vaut un recadrage en règle… du député apparenté LFI Aymeric Caron.

« Je serai vigilant : il est hors de question qu’elle terrorise nos députés et que ça dérape comme pendant la campagne des européennes qui a été sale », met en garde un député européen socialiste. En cause, sa virulence en ligne, mais aussi celle de ses « trolls », parmi lesquels l’Insoumis Taha Bouhafs, lequel avait pensé se présenter aux législatives de 2022… avant d’être rattrapé par des accusations d’agression sexuelle.

Rima Hassan admet découvrir « avec humilité les fonctions et les rouages du Parlement européen. »
Rima Hassan admet découvrir « avec humilité les fonctions et les rouages du Parlement européen. » LP/Frédéric Dugit

Quant à son assistant parlementaire Hicham Touili-Idrissi (qu’elle a recruté à Sciences-po où il est membre actif du Comité Palestine), il a fait l’objet depuis le début du mois d’une saisine de la justice par le nouveau directeur de Sciences-po, pour des propos menaçants sur les réseaux sociaux qui visaient l’institution.

La propension de Rima Hassan à canarder en ligne fait même tiquer en interne chez les Insoumis. Un haut cadre, qui loue par ailleurs son intelligence, évoque un caractère éruptif. « Parfois, elle fait des embardées, reconnaît-il. Et elle ne mesure pas toujours sa relation au monde médiatique. Tout ce qu’elle dit et écrit est examiné, soupesé. » Un cadre socialiste soupire. « Je suis d’accord avec sa dénonciation de Netanyahou mais ce n’est pas par des tweets qu’on mettra fin à la guerre à Gaza. »

Découverte du Parlement

En filigrane, c’est son utilité qui est questionnée. « Elle utilise le Parlement pour faire le buzz, et lancer des affirmations extrêmes sans se préoccuper de convaincre les autres », déplore Nathalie Loiseau. « Ses effets de manche, ça n’impressionne personne au Parlement européen, où l’efficacité politique est inversement proportionnelle à la visibilité personnelle », insiste David Cormand. Et le député écolo de louer en miroir l’action de son collègue Mounir Satouri, président de la commission des Droits de l’homme, mobilisé « depuis des années sur le sujet » et pour sa « capacité à organiser des discussions moins visibles mais politiquement plus porteuses », comme un prochain voyage à la Cour de justice internationale.

Par Julien Duffé et Clément Solal 


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jrl

Cette merde ne défend pas les palestiniens, qui sont discriminés dans les pays arabes et furent massacrés en Syrie et bien avant en Jordanie. Elle ne s’intéresse aux palestiniens que si ça lui permet d’afficher son antisémitisme débridé.

Franck DEBANNER

Il fut un temps, pas si lointain, où ce déchet femelle aurait été lynchée à mort, très discrètement. Ses restes auraient été expédiés à ses sponsors…

Ce temps n’est plus. Mais qu’on ne dise pas que cette saleté ne peut pas être détruite, par l’un d’entre nous…

wall

destituez-la , cette merde