Réeh: « Vois: J’ai donné devant vous.. la Bénédiction »

Raphaël DRAÏ Z'l mis à jour le 09.08.2020

Dans cette paracha, Réeh,  Moïse poursuit l’oeuvre d’édification historique, morale et spirituelle commencée avec Devarim.

Cette oeuvre est littéralement une tokhah’a, une admonestation au sens du Lévitique. L’on se souvient du principe fondamental en la matière «.. ne te venge pas, ne garde pas rancune, admoneste ton compagnon (okhiah’vetokhiah’) et tu aimeras ton  prochain comme toi même : Je suis l’Eternel ».

Si Moïse n’avait pas ressenti un immense et incorruptible amour pour le peuple libéré de l’esclavage pharaonique, d’abord il n’aurait pas contribué à sa libération, ensuite il ne l’aurait pas sauvé de ses fautes les plus graves ( Le Veau d’or, les explorateurs, Korah’, etc ) enfin, sachant que,  lui, ne traverserait pas le Jourdain, il l’aurait laissé à son propre sort, même si la relais avait été formellement pris avec Josué.

Cet amour a été éprouvé au creuset de ces épreuves. Il s’atteste à présent, depuis plusieurs parachiot, précisément par ces toh’akhot, par ces récits récapitulatifs, cette anamnèse  synthétique qui met en évidence, sans complaisance mais sans nul ressentiment  non plus, les échecs, les fautes, les transgression mais simultanément, il ne faut jamais l’oublier,  la capacité de surmonter ces échecs, ces fautes, ces transgressions. Moïse met réellement en application les prescriptions énoncées  dans le verset essentiel consacré à l’amour du Prochain.

C’est ainsi qu’une nouvelle fois, et sous un angle différent, le peuple est invité à faire preuve d’esprit de suite, de cohérence comportementale et intellectuelle.

Lorsque l’on fait un vœu, que l’on s’est engagé par un serment ou par une promesse, il faut donner suite à cette parole là.

De même lorsque l’on s’est porté partie prenante à l’Alliance du Sinaï, aux dix Paroles, capillarisées dans les 613 mitsvot, il n’y a plus d’autre alternative : il  faut en respecter les énoncés, mettre en application ce qu’elles autorisent ou s’empêcher d’accomplir ce qu’elles interdisent. D’où cette nouvelle admonestation: «Vois : j’ai donné devant vous aujourd’hui la bénédiction et la malédiction».

La bénédiction se réalisera à condition que la Loi soit respectée et réalisée. Sinon, ce sera la malédiction.

Afin que nul ne s’y trompe  l’une et l’autre s’identifieront à deux monts distincts, le mont Guérizim, dans le premier cas, le mont Êibal dans l’autre. D’où ces deux questions  aussi.

Pourquoi solliciter ici la vue, alors que la prière centrale, le Chemâ, sollicite l’ouïe? On aura compris qu’il ne s’agit pas ici de faire prédominer un sens par  rapport à l’autre. Dans chaque cas, est sollicité celui des sens qui se relie le mieux à son objet et permet de le discerner  de la manière la plus précise.

L’écoute est sollicitée  lorsqu’il faut saisir le sens d’une parole, la portée d’une prescription ; la vue lorsque le moment est venu de la réaliser en milieu physique, relativement aux êtres vivants. Dans tous les cas, les sens sollicités le sont corporellement mais le sont aussi intellectuellement et spirituellement. La vue, au sens optique, ne se dissocie pas de la vision, au sens intellectuel  et même prophétique.

Mais pourquoi avoir référé la bénédiction et la malédiction à deux monts distincts? Justement aux fins de différenciation, sans ambiguïté. La bénédiction est porteuse de vie, présente et future.

La malédiction a  partie liée avec la mort. Il faut à tout prix distinguer les deux domaines, ne pas s’imaginer qu’il soit possible de mixer ces deux contraires, de les synthétiser. Le choix est inéluctable et se formulera bientôt de manière on ne peut plus catégorique : «J’ai mis devant toi la vie et la mort, la malédiction et la bénédiction. Choisis  la vie». Nous aurons à y revenir.

La vie ni la mort ne sont des idées vagues, des notions fumeuses. La mort est l’inverse de  la vie. Elle la prend à rebours pour recouvrer les voies du chaos originel, toujours présent. En retour, la vie est le contraire de la mort. Plus le choix en est fait fortement et lucidement et plus l’emprise de la mort se desserrera.

Ce n’est pas  matière à débats académiques. La vie et la bénédiction résultent non pas de vœux pieux mais de la mise en oeuvre de la loi. La vie et la loi sont deux aspects conjoints de la même réalité. La Loi est loi de vie.

Elle préserve et consolide celle qui est déjà acquise ; elle favorise celle qui s’édifie ;  elle annonce celle qui surgira de l’une et de l’autre. Autrement, il ne faut pas croire qu’il ne se passera rien ; que la non- application de la Loi ne produira que de l’indifférence, du neutre. Cette illusion  par elle même est déjà mortelle.

C’est elle qui sévit en Erets Canaan  et qui a assigne leur  terminus  aux peuplades qui croient y vivre alors qu’elle n’y sont que posées, tels des objets sur un support.

Moïse en appelle à cette forme de pensée que l’on pourrait qualifier de «  calcul spirituel » assimilable au calcul mental.

Calculer mentalement c’est le faire en se passant d’objets  tangibles, pommes, petits cailloux, ou bout des doigts. Il n’en va  pas autrement de la réflexion morale en ce qu’elle anticipe des conséquences autrement inéluctables.

C’est pour en avoir douté que le peuple d’Israël fera l’amère  expérience de l’exil, et c’est pour en avoir recouvré la capacité que cet exil a pris fin.

Le pire des exils est celui de la pensée, celle, vivace, qui procède de cette sagesse de cœur grâce à laquelle le Sanctuaire du désert d’abord, le Temple de Jérusalem ensuite ont pu être édifiés. Pourquoi le proroger! La pensée disqualifiée parce que asservie au désir de mort n’en sera jamais assouvie.

Raphaël DRAÏ Z’l

 

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