Une décision politique de « nettoyer » Beyrouth et sa route de l’aéroport des affiches et drapeaux du Hezbollah

Le ministre de l’Intérieur à Asharq Al-Awsat : Cela fait partie d’un plan gouvernemental pour accueillir les expatriés.

Dans la capitale libanaise, Beyrouth, le processus de retrait des drapeaux, des images et des slogans du Hezbollah de toutes les rues et de tous les quartiers, jusqu’à l’aéroport international Rafic Hariri, a commencé. Cette mesure fait suite aux instructions du ministre de l’Intérieur Ahmad Hajjar et du gouverneur de Beyrouth Marwan Abboud. La municipalité de Beyrouth, avec le soutien de l’unité de police de Beyrouth des forces de sécurité intérieure, a commencé à mettre en œuvre cette décision aux premières heures de mercredi matin.

Le ministre libanais de l’Intérieur et des Municipalités, Ahmad Hajjar, a expliqué à Asharq Al-Awsat que la suppression des images et des slogans « s’inscrit dans le cadre du plan global du gouvernement visant à améliorer l’image du Liban auprès des visiteurs, des Libanais, des frères et des amis, et à stimuler le tourisme dans le pays. » Il a souligné que « le président de la République s’est engagé dans son discours d’investiture à étendre l’autorité de l’État sur tout son territoire, et le gouvernement s’est également engagé à le faire, non seulement en limitant la possession d’armes aux autorités légitimes, mais aussi en fournissant à la population les nécessités de la vie et en améliorant l’image de la capitale et des grandes villes ».

Comprendre les partis

L’opération a débuté sous les directives du Premier ministre Nawaf Salam et du ministre de l’Intérieur Ahmad Hajjar, à partir du centre-ville de Beyrouth et s’étendant le long de l’autoroute menant à l’aéroport international Rafic Hariri. Le gouverneur de Beyrouth, Marwan Abboud, a expliqué que l’État « a informé les partis politiques de la décision qu’il avait prise de retirer les affiches et les slogans de l’intérieur de la capitale et le long de la route de l’aéroport ». Il a confirmé à Asharq Al-Awsat que le Hezbollah, le mouvement Amal et tous les autres partis politiques avaient exprimé leur compréhension, alors que les agences chargées de cette mission ont commencé le processus de décapage de la route de l’aéroport de toutes les images et slogans. Il a déclaré : « Il a été décidé que l’aéroport, sa route et la capitale seront l’incarnation de l’État libanais et de la nouvelle ère, et que la route de l’aéroport sera sûre et sous la garde de l’État et de ses institutions légitimes, sans aucune influence d’aucune autre partie. »

Au cours des derniers jours, des assaillants inconnus ont brûlé des panneaux d’affichage portant les mots « Une nouvelle ère pour le Liban », faisant référence à l’ère de construction de l’État et des institutions de l’État sous le président Joseph Aoun. Ces panneaux d’affichage ont remplacé les images des dirigeants du Hezbollah assassinés par Israël lors de la récente guerre, ainsi que du guide suprême iranien Ali Khamenei, qui avaient été plantées le long de la route de l’aéroport.

Même les publicités

Le gouverneur de Beyrouth a souligné que « des instructions ont été données pour retirer toutes les images, y compris les publicités commerciales, placées sur les propriétés de l’État, et pour veiller à ce que la route de l’aéroport et le centre-ville soient bien éclairés ». « Nous nous préparons à une saison estivale prometteuse pour accueillir les touristes de nos frères arabes, amis et expatriés libanais, et Beyrouth aura un nouveau visage, un visage de joie protégé par l’État », a-t-il ajouté, notant que « le voyage de mille kilomètres commence par un seul pas, et ici nous faisons un grand pas, car nous finirons de nettoyer la route de l’aéroport de tous les slogans partisans mercredi, et nous continuerons ce processus dans toutes les rues et tous les quartiers de la capitale, et nous espérons terminer cette tâche dans une semaine ou 10 jours au plus. »

Les services au Liban connaissent une nette amélioration, notamment dans le domaine de l’éclairage public. Le gouverneur de Beyrouth a déclaré : « Il y a quelques mois, nous implorions le monde entier de nous fournir du diesel pour faire fonctionner l’aéroport. Aujourd’hui, nous avons entrepris de relier l’aéroport au centre-ville et d’éclairer la route reliant le cœur de la capitale à l’aéroport. Un projet a également été lancé pour réhabiliter la route de l’aéroport et la rendre conforme aux normes. C’est la traduction fidèle du consensus national sur le redressement de tout le Liban. »

 

Des policiers municipaux retirent deux photos de l'ancien secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et de l'imam Musa al-Sadr (municipalité de Beyrouth)
Des policiers municipaux retirent deux photos de l’ancien secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah et de l’imam Musa al-Sadr (municipalité de Beyrouth)

Mise en œuvre de la décision politique

Les affiches partisanes ont longtemps causé des problèmes de sécurité dans les quartiers de Beyrouth, au point que les quartiers semblent être classés par affiliation politique en fonction des images des dirigeants qui occupent leurs murs, leurs poteaux électriques et les balcons de leurs immeubles. L’État n’a pas pu retirer ces affiches, même de la propriété publique, en raison de leur protection politique. Une source de sécurité a révélé que « le plan visant à supprimer les slogans partisans se déroule avec un succès total et qu’il n’y a eu aucune objection ». La source a confirmé à Asharq Al-Awsat que « les services de sécurité mettent en œuvre la décision prise par l’autorité politique, et il n’y a pas de place pour le favoritisme ou l’exclusion d’une région ou d’un quartier des mesures, que ce soit pour des raisons politiques, sécuritaires ou autres. » Il a souligné que « en échange du nettoyage des rues et des quartiers de tout ce qui est lié aux partis politiques, l’État respecte le droit de chacun à exercer librement une activité politique, mais sans slogans qui obligeraient les autres partis à recourir à la même méthode ».

Pour les habitants du Liban-Sud, le désarmement du Hezbollah n’est plus tout à fait tabou.

Si quelques voix affirment ne plus y être opposées après la destruction causée par la guerre, de nombreuses autres considèrent encore l’arsenal du parti comme une garantie de sécurité.  

« Ça n’arrivera pas. » Au bout du fil, Amal, mère de trois enfants qui réside à Tyr, s’oppose vivement au désarmement du Hezbollah. Pourtant, la trentenaire dit qu’à une époque, elle aurait pu « peut-être » accepter une telle option. C’était déjà au lendemain d’une guerre, celle de juillet 2006, entre les mêmes protagonistes. Mais à l’époque, les slogans à la gloire de la « résistance » et de sa « victoire divine » ne sonnaient pas aussi étrange. Puis, les canons de la guerre se sont tus, le Sud a été reconstruit et la vie a repris ses droits, à l’ombre d’une dissuasion que l’on pensait mutuelle et de « règles d’engagements » qui paraissaient établies… « On se croyait en sécurité, on avait oublié qu’Israël était juste à côté ».

Mais les treize mois qui ont jalonné le dernier conflit ont tout changé. « Il n’y a qu’à voir ce qu’Israël a fait de nous. Mon village a été détruit. Nos maisons aussi… Nous ne pouvons plus déposer les armes », lâche Amal, qui estime que l’armée libanaise n’est toujours pas en mesure de les protéger. « Seule la résistance nous a défendus toutes ces années ! Tant de martyrs se sont sacrifiés pour nous, c’est la moindre des choses de défendre les armes… » s’époumone-t-elle alors que, depuis plusieurs mois, c’est un véritable tabou qui semble en passe d’être levé.

« Dans quelle planète vivent-ils ? »

Privilège hérité de la guerre civile et de l’occupation israélienne jusqu’en 2000, la question de l’arsenal du Hezbollah – seule milice à ne pas avoir rendu les armes – a toujours constitué l’une des principales pommes de discorde entre les camps du 14 et du 8 Mars. Mais compte tenu de la réalité des rapports de force, elle semblait insoluble avant que les terribles coups portés par Israël au Hezbollah, et l’entrée en vigueur du cessez-le-feu entre le Liban et Israël, le 27 novembre dernier, ne remettent l’exigence de l’application de la résolution 1701 et du désarmement de la milice pro-iranienne sur la table. Une exigence imposée de l’extérieur, mais confirmée par le nouveau tandem exécutif lors de sa prise de fonction, le discours d’investiture du président Joseph Aoun comme la déclaration ministérielle ayant fait l’impasse sur le triptyque « armée, peuple, résistance », devenu incontournable depuis Taëf. Lundi dernier, Joseph Aoun a franchi un pas supplémentaire et affirmé lors d’une interview télévisée que la décision concernant le monopole des armes par l’État « a été prise » et que le désarmement de la milice se fera « sans avoir recours à la force » à travers un dialogue bilatéral avec le Hezbollah, en coordination avec le président du Parlement, Nabih Berry.

« Dans quelle planète vivent ceux qui parlent de désarmement ? Il faudrait déjà que l’État puisse assurer notre protection à 100 %… » cingle Ali, résident de Blida. « Israël continue de frapper le pays, et rien en face ne le dissuade », ajoute l’électricien d’une vingtaine d’années. Depuis l’entrée en vigueur du cessez-le-feu, 140 personnes ont été tuées au Liban, dont au moins 71 civils selon les premiers chiffres du Haut-Commissariat des Nations unies aux droits de l’homme, tandis que l’armée israélienne occupe toujours cinq positions dans le Sud. 

« On y croyait »

« Il ne nous reste plus rien. Nous avons perdu nos maisons, notre village… Et maintenant, ils veulent prendre ça aussi… » s’indigne, pour sa part, Mohammad, un habitant de Kfar Kila, avant de fustiger « cet État vendu à l’étranger », qui « devrait plutôt faire arrêter les violations et assurer le retrait total de l’armée israélienne… » Pour le jeune homme, qui se dit « non politisé », mais confie avoir perdu cinq « martyrs » dans ce dernier conflit, le débat sur le désarmement du Hezbollah « va faire imploser la rue libanaise (…) Et c’est exactement ce que veut Israël ».  

Il n’y a pas si longtemps, Khalil*, qui a toujours été un « indépendant », ne s’opposait pas non plus aux armes du parti chiite. Au contraire. « Pour moi le Hezbollah était assez fort pour faire face à Israël, on y croyait… » raconte cet habitant de Tyr. Mais tout a changé après l’intensification de l’offensive israélienne et l’assassinat de Hassan Nasrallah, en septembre dernier. « Le Hezbollah a été anéanti en l’espace de quelques jours ! » résume-t-il. Désormais, ce père de deux enfants confie, sous le couvert de l’anonymat, ne plus s’opposer au désarmement du parti. « Si ça permet de vivre confortablement. Nous ne sommes plus tenus à nous sacrifier pour les autres… Que d’autres pays défendent Jérusalem », lâche-t-il. 

Deux soldats libanais se déployant en février dernier à Kfar Kila, un village du Sud meurtri par la guerre. Mohammad Yassine/L’Orient-Le JourDeux soldats libanais se déployant en février dernier à Kfar Kila, un village du Sud meurtri par la guerre. Mohammad Yassine/L’Orient-Le Jour

Pour Akram, un autre opposant au parti, seul le désarmement du Hezbollah peut permettre au pays de retrouver la « prospérité ». Ce trentenaire qui vit actuellement à Beyrouth a perdu sa maison familiale dans son village de Meis el-Jabal et « chaque arbre » de son terrain. S’il dit comprendre l’entrée en guerre en soutien à Gaza, il estime que le Hezbollah aurait dû se retirer bien plus tôt de la bataille. « Nous avons perdu confiance en la résistance, qui n’était en fait pas une force de dissuasion… » lâche-t-il. Maintenant, son désarmement lui apparaît inévitable, mais « ça va prendre du temps… » dit-il.  

Un avis partagé par Racha, une résidente de Naqoura. « Nous sommes épuisés… Ça fait des années que nous parlons du désarmement, mais rien n’a été fait et nous en avons payé le prix fort », poursuit-elle. « C’est la meilleure chose qui est en train d’être faite, et je pense que le parti va accepter. Dans le cas contraire, ce serait faire un cadeau en or à Israël », dit-elle, avant de souffler : « Et au Liban, ce sera pire qu’à Gaza. »

Si la force de dissuasion de l’arsenal de la milice face à Israël fait donc davantage débat, certains ne limitent toutefois pas ce dernier au seul prisme de la « résistance », alors que la libération de la Syrie du joug des Assad, le 8 décembre dernier, a déjà été suivie d’affrontements sporadiques à la frontière en février et mars derniers. Au point de pousser un partisan à s’exclamer : « Si Jolani veut rentrer au Liban, qui va défendre le pays ? »

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Guidon

Et pourquoi Israël frappe votre pays merdique ?