Sur la route qui doit logiquement le mener jusqu’à l’Elysée, un piège est tendu à Emmanuel Macron, arrivé en tête dimanche soir : croire que la victoire sera facile et, surtout, tellement large qu’il bénéficiera d’un grand élan pour l’aider à franchir tous les obstacles ensuite.

Il n’en est rien, et tout excès de confiance serait inopportun. Lors des présidentielles précédentes, en 2007 et 2012, le gagnant du premier tour recueillait autour de 30 % des suffrages. Cette fois-ci, le score du candidat d’En marche atteint tout juste 24 %.

En 2002, Jacques Chirac l’avait emporté au second tour avec plus de 80 % des voix. Personne n’imagine qu’il en soit ainsi le 7 mai prochain. On en sera loin, très loin.

La différence est que, en 2017, l’addition des suffrages des candidats qui veulent faire effectuer un virage à 180° à l’économie telle qu’elle fonctionne aujourd’hui est extrêmement élevée. Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon et les candidats d’extrême gauche représentent des forces qui n’ont plus rien d’anecdotique, tandis que la gauche dite « de gouvernement » ne pèse plus rien ou presque. S’il est élu, cette situation au sens propre extraordinaire imposera à Emmanuel Macron un doigté politique qui l’est tout autant.

Le même doigté s’impose aux milieux économiques. Ce n’est un mystère pour personne que leur cœur balançait entre François Fillon et Emmanuel Macron, l’audace programmatique du premier, transgressive du second. La victoire de l’un ou de l’autre leur convient.
Ce serait néanmoins une erreur de penser que l’élection ne sera qu’une page à vite tourner. Les plaies béantes qu’elle révèle au sein de la société française sont à prendre très au sérieux. Dès lors, quelle ligne de conduite adopter ?
Se mobiliser ardemment contre le Front national pour expliquer la folie de son projet, notamment économique : certainement. Faire pression pour que le candidat d’En marche, s’il l’emporte, réforme réellement : à coup sûr.
La France a besoin de changements pour faciliter les embauches, alléger la pression fiscale et améliorer l’efficacité de la dépense publique. Depuis trop d’années, la procrastination l’emporte sur l’action, les vains débats sur les résultats et le projet Macron aura besoin d’être davantage musclé que raboté. Mais les entreprises devront elles aussi agir pour éviter que le populisme ne finisse un jour par vraiment gagner. Les moyens de le faire sont multiples : réfléchir sur l’étirement des chaînes de production, sur l’équilibre entre les intérêts des consommateurs et ceux des producteurs, sur la répartition des activités sur les territoires souvent abandonnés… et bien d’autres sujets encore.

Dimanche, l’Europe et le monde économique ont poussé un ouf de soulagement. Ce « ouf » ne suffira pas pour que la France fasse définitivement barrage à la xénophobie et au repli économique.

DOMINIQUE SEUX

Dominique SEUX
Directeur délégué de la rédaction
Source : Les Echos

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

2 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
pioni

et puis lequel des deux aura le courage de rattraper le retard scientifique de la France en autorisant désormais la publication de toutes les statistiques ethniques dans ce pays ?

Danielle

Il lui faudra des épaules larges pour affronter Le Pen.
Je crains qu’il n’ait pas son « bagou » bien qu’il ait de grandes qualités.
Hier sur TF1 elle nous a cloué le bec, à charge de nous prouver le contraire !
Bon courage Macron !