Plus d’un million d’enfants endoctrinés dans les camps d’été des Houthis
Dans les camps d’endoctrinement des Houthis, l’enfance yéménite sacrifiée
Dans le Yémen en guerre, la jeunesse paye un lourd tribut. Outre les violences, les déplacements forcés et la faim, des centaines de milliers d’enfants sont également la cible d’un vaste mouvement d’embrigadement mené par les rebelles houthistes dans les territoires sous leur contrôle. Chaque année, à l’approche de l’été, ces derniers organisent dans différentes régions des camps censés être récréatifs, mais qui servent en réalité à endoctriner idéologiquement les jeunes esprits et à préparer leur conscription dans les rangs des milices.
Les chiffres précis divergent, mais permettent de mesurer l’ampleur du phénomène. Si les Houthis revendiquent 1,5 million de participants de moins de 18 ans pour la seule année 2024, le gouvernement yéménite reconnu par la communauté internationale évoque pour sa part quelque 300 000 enfants enrôlés, des dizaines de milliers d’entre eux ayant ensuite été recrutés comme soldats.
Sur le terrain, les témoignages accablants se multiplient sur le quotidien de ces colonies de vacances à la dérive radicale. « On leur apprend à réciter les slogans anti-américains, anti-israéliens et antisémites des Houthis : ‘Dieu est grand, mort à l’Amérique, mort à Israël, malédiction sur les juifs' », confie sous couvert d’anonymat un père de famille consterné par le lavage de cerveau subi par son fils de 13 ans.
Outre cet endoctrinement idéologique mêlant enseignements coraniques, rhétorique du conflit historique avec Israël et prêches des chefs rebelles, les enfants reçoivent également une formation militaire, théorique mais aussi pratique. Ils sont amenés à manier les armes et à visiter des sites stratégiques où ils côtoient les hauts commandants des milices houthistes.
« C’est un désastre pour l’enfance, une autre guerre dont on ne verra les ravages que dans des années lorsqu’une armée de fanatiques sera prête à mourir pour cette idéologie », déplore amèrement Dahan Al-Same’i, un père de famille de Sanaa contraint sous la pression d’inscrire ses trois enfants âgés de 8 à 14 ans.
Les refus d’inscrire les jeunes Yéménites dans ces camps sont en effet très mal perçus par les Houthis, prompts à réprimer toute velléité de dissidence. Ceux qui s’y opposent sont taxés de « déloyauté » voire de « trahison » et s’exposent à des représailles : harcèlement, privation d’aides humanitaires ou de services essentiels comme l’accès aux réserves de gaz domestique subventionné.
« Ces camps ne font que détruire la riche diversité culturelle du Yémen et remodeler les croyances de toute une génération, prête à se battre non par amour du pays mais par allégeance absolue aux Houthis », dénonce Ahmed Al-Muhanna, enseignant dans la capitale.
Le bilan de cette politique d’embrigadement des plus jeunes est déjà lourd. Selon l’ONU et les ONG internationales, plus de 10 300 enfants auraient été enrôlés dans les rangs des rebelles depuis 2014, avec une accélération inquiétante ces dernières années malgré les engagements houthistes à mettre fin à ces recrutements.
Sur les réseaux sociaux, des vidéos et photographies insoutenables circulent, montrant des chefs militaires, dont le porte-parole des forces armées rebelles Yahya Sari, effectuer des visites de ces camps pour galvaniser les troupes de la « Génération de la Croyance ».
Pour les experts, l’objectif des Houthis vise à façonner une future génération de combattants zélés, prêts à mourir pour leur idéologie et leur expansion régionale. Une stratégie déjà à l’œuvre qui sacrifie l’enfance yéménite sur l’autel des ambitions hégémoniques des rebelles chiites.
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