Ne nous faisons aucune illusion, nous devons tout faire pour sortir de ce dilemme du ni LFI et ni RN. Mais tout choix est une violence qu’il faut assumer. C’est un NON rédibitoire et sans appel pour LFI et ses complices.

Nous sommes face à un risque majeur pour la communauté juive de France. Tout indique que nous aurons trois blocs d’importance différente qui seront là au second tour. Le RN avec 35%, l’extrême gauche avec 27% et le centre avec 22%. Ce sont des moyennes nationales. Voter pour autre chose que le bloc central c’est gâcher sa voix au bénéfice du RN ou de LFI.

Le centre nous a toujours déçu, c’est une réalité. Mais il a su se tenir malgré tout, même si la politique française à l’égard d’Israël est illisible au mieux et inamicale souvent.

L’extrême gauche du Nouvel afFront Populaire, est clairement antisémite, et antisioniste. Les mots sur l’antisémitisme dans un accord, qui n’est qu’une bouée de sauvetage pour survivre à la dissolution, n’engagent que le temps d’une campagne existentielle pour ces partis. C’était soit l’union soit la mort. Ils auront je l’espère et l’une et l’autre.

Le RN a depuis plus de 10 ans choisi la stratégie de la dédiabolisation. Il a choisi bon gré mal gré de se « cachériser ». Son programme est une suite de slogans tous négociables. Les sondages servent de boussoles à ce parti, et comme Macron, il navigue au jour le jour. Dites-lui qu’il faut conserver l’abattage rituel, parce que cela pénalise les Juifs, il revient sur sa position, comme pour la double nationalité. Le RN veut être un centre droit, et pour cela il cherche le plus grand commun dénominateur. Il ne serait pas à 36 ou 37% des intentions de votes, malgré son handicap qui pèse à travers l’histoire du FN. Sans ce handicape il serait à 60%. Alors soyons pragmatiques, autant que faire se peut. Oui le RN a une histoire. Mais son avenir passe par une volteface sur l’antisémitisme. D’un autre côté l’extrême gauche revendique sa radicalité et son antisionisme.

Le RN ne pourra pas faire grand-chose. Elu mi-juillet il va jouer le chronomètre jusqu’en septembre 2024. Il aura moins de deux ans avant septembre 2026, où il sera – si Macron ne démissionne pas -dans le dur de la campagne présidentielle. Et d’ici là il doit bien se tenir, car c’est de l’élection de Marine Le Pen dont il s’agit. Le RN ne fera rien qui puisse entraver cette élection. C’est vingt années de combats pour arriver à la Présidence. Il ne s’agit plus de faire une quelconque erreur si près du but.

Donc entre un RN et l’extrême gauche, si je veux voter utile, je voterais RN. Mais si j’ai un autre choix, à savoir Gabriel Attal, je voterai au centre. D’autant plus, que je suis sûr que ce centre, va s’émanciper de Macron, avec perte et fracas. Le huit au matin, les dagues et les épées assassines seront défouraillées. Ce n’est qu’un début que nous avions décrit voilà 30 mois, quand lors de la campagne présidentielle de 2022 nous écrivions : Pourquoi Macron de doit pas être réélu.

Le dilemme de la communauté juive entre RN, NFP-LFI et le camp présidentiel.

Serge Klarsfeld parie que le RN a fait sa mue et n’est plus antisémite. Les institutions juives invitent les électeurs à ne choisir ni le parti de Marine Le Pen ni le bloc de gauche, à cause des relents d’antisémitisme de LFI.

À l’heure du vote, les Juifs de France sont dans le désarroi.

Chez lui, à Paris, rue La Boétie, traîne son dernier livre, On pensait qu’il allait revenir (Flammarion, 2024), récit de son enfance de fils de déporté mort à Auschwitz. Mais, à l’heure des élections législatives anticipées des 30 juin et 7 juillet 2024, notre échange porte sur sa position électorale médusante. « En cas de duel entre le Rassemblement national (RN) et le Nouveau Front populaire (NFP), bloc de gauche sous l’emprise de La France insoumise (LFI), parti qui est devenu anti-israélien et distille des relents antisémites, je conseille aux Juifs de voter RN, plutôt que de s’abstenir », assène Serge Klarsfeld, 88 ans.

Incroyable volte-face : la figure morale qui, avec son épouse Beate, s’est échinée à traquer et à faire juger les criminels de guerre nazis pendant 60 ans, l’homme qui jusqu’en 2022 exhortait à barrer la route à Marine Le Pen, a radicalement changé d’opinion. À l’initiative de leur fils Arno, et par l’entremise du maire RN de Perpignan Louis Aliot, dont la mère est juive, une rencontre avec Marine Le Pen a eu lieu ici, dans son appartement, cet hiver.

Alors, oublié le négationnisme de Jean-Marie Le Pen, l’allié de Waffen-SS fondateur du Front national, que le couple a fait condamner pour antisémitisme ? L’ancien avocat affirme que non. Mais, à l’heure d’un regain de la vieille haine, il fait confiance à sa fille, Marine Le Pen, « qui soutient Israël et veut protéger les Juifs ». « Le RN, devenu un grand parti plébiscité par des millions de Français, a abandonné l’antisémitisme, qui est l’ADN de l’extrême droite », estime-t-il.

Plus encore depuis l’attaque du Hamas en Israël le 7 octobre 2023, il voit « le diable » en Jean-Luc Mélenchon et les siens. « L’extrême gauche véhicule aujourd’hui la tradition antijuive, explique-t-il. LFI est devenu un ennemi politique. Le RN, c’est seulement un adversaire. S’il commet des excès au pouvoir, je protesterai. »

Attirés par le centre ?

Comment les électeurs juifs de France voteront-ils les 30 juin et 7 juillet ? Suivront-ils les conseils de Serge Klarsfeld ? Pour le sociologue Danny Trom, les voilà « dans la nasse ». « Depuis longtemps, leurs votes se répartissent sur tout l’échiquier politique, à l’exception du FN hier, car ce parti, héritier de Vichy qui a collaboré avec l’Allemagne nazie, leur apparaissait comme antisémite. Depuis le 7 octobre, alors que Jean-Luc Mélenchon et certains chez LFI affichent un antisémitisme ouvert que l’antisionisme permet de dévoiler, les Juifs de France sont pris entre deux camps dont ils ne savent pas lequel est le plus dangereux. Le RN leur semble parfois le meilleur rempart contre l’antisémitisme, ce qui est quand même un comble », analyse le cofondateur de la revue en ligne K. Les Juifs, l’Europe, le XXIe siècle.

Autre créateur de cette revue, le philosophe et directeur des études à l’EHESS Bruno Karsenti abonde dans ce sens : « La position de Serge Klarsfeld est irresponsable, signe de panique et expression outrée du déchirement des Juifs français. Ces derniers visent à équilibrer protection et opinion politique sensée. Des idées libérales, socialistes, conservatrices, sont sensées. Une opinion insensée, c’est le choix de l’extrême droite, avec un parti conservateur qui est surtout nationaliste agressif. Et la protection de la part du RN, c’est une illusion. Côté extrême gauche, des arguments antisémites ont pu s’exprimer, qui sont déniés. Quand on dit que les Juifs sont une minorité avantagée par rapport à d’autres minorités, quand on parle de déicide au sujet du Christ, quand on refuse de condamner des attaques clairement antisémites, c’est de l’antisémitisme. Le bloc de gauche devra mettre cette question en haut de la pile des sujets à traiter. »

À l’en croire, les électeurs juifs seraient, depuis cette dissolution qu’il réprouve, plutôt attirés par le centre et les positions médianes. Les indécis pencheront-ils pour le RN, comme les y invite Serge Klarsfeld ? Peut-être. Gisèle, 67 ans, institutrice à la retraite à Romainville, a longtemps voté à gauche, puis à droite depuis 20 ans. Cette fois, elle envisage de s’abstenir. « On en est réduit à choisir le parti qui nous fait le moins peur. Or, entre le RN et LFI, formation devenue clientéliste, celui qui me fait le moins peur, c’est le RN », se désole celle qui voit avec effroi des coreligionnaires préparer leurs valises.

Son frère Yves, 69 ans, ingénieur retraité à Montélimar, a tranché. « Il y a deux ans, j’aurais dit l’inverse. Mais, à présent, le parti de Marine Le Pen ne m’effraie pas, et je voterai pour lui. Le RN ne vocifère pas contre Israël et les Juifs, mais LFI oui ! Et le NFP, c’est un faux nez pour LFI. Le RN a évolué. En tout cas, je préfère prendre ce risque-là que l’autre », dit-il, séduit aussi par Reconquête !, d’Éric Zemmour.

À l’opposé, Sophie, 56 ans, cadre à Paris, choisira le bloc de gauche. « On ne peut pas reprocher à Serge Klarsfeld d’avoir la mémoire courte : cette forte conscience a construit les mémoires juives de France ! Voter RN, c’est insultant pour les morts de la Shoah, non ? », s’offusque-t-elle. De même, la rescapée d’Auschwitz Ginette Kolinka, 99 ans, déclarait ces jours-ci : « Si même les Juifs se mettent du côté de l’extrême droite, on n’en finira jamais ! Et une fois qu’il aura les voix, que fera le RN ? »

Le ni-ni des institutions

Dépitées, les principales institutions juives plébiscitent le ni-ni : ni RN ni LFI. Yonathan Arfi, le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif), juge le choix du RN « indigne et dangereux », autant que celui d’un bloc de gauche qui fait la part belle à un parti non philosémite. Jean-Luc Mélenchon ne fait-il pas état d’« antisémitisme résiduel », quand les agressions recensées par le ministère de l’Intérieur sont en forte hausse et que l’actualité récente a été marquée par un viol en réunion d’une enfant juive de 12 ans à Courbevoie, le 15 juin 2024 ?

Le grand rabbin de France, Haïm Korsia, ne dit pas autre chose quand, s’exprimant sur le plateau de LCI, il déclare « impensable » de voter pour LFI. « Et je ne voterai pas Front national », poursuit il, se déclarant prêt à « mettre un bulletin blanc », afin de ne pas voter pour un parti qui ne représenterait pas cette « fraternité qui est dans la devise républicaine ».

Le président de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), Samuel Lejoyeux, souligne les mêmes tiraillements de l’électorat. « Ce qui motive le RN, c’est vraiment la lutte contre les musulmans, ajoute Bruno Karsenti. Les Juifs, peu nombreux dans le corps électoral, représentent une minorité symbolique. Le RN joue sur cette revalorisation des Juifs pour montrer qu’il est entré dans l’âge de raison. On sait que c’est parfois insincère, puisqu’il reste des antisémites profondément agissants dans ce parti. Sa politique vise à renforcer l’identité nationale, donc à empêcher que d’autres modes d’appartenance à la nation s’expriment. Le RN veut interdire l’abattage rituel pour les musulmans. Pourquoi pas aussi pour les juifs ? »

« Le RN devait absolument effacer son antisémitisme pour briser le plafond de verre. L’extrême gauche, qui vise à conquérir les musulmans de France et le public de la périphérie, table sur le fait que l’expression d’un antisémitisme non voilé est un marchepied pour le pouvoir. Entre les deux, les Juifs de France, pris en étau, nagent en plein désarroi », souligne Danny Trom.

Retour au domicile de Serge Klarsfeld. L’octogénaire, qui, avec son épouse, a été décoré fin mai 2024, par Emmanuel Macron à Berlin, envisage de voter Renaissance à Paris : « Mes convictions demeurent en faveur des partis qui ont construit un monde pacifique, centre droit et centre gauche. Le rejet de Macron est lié à son bilan et à sa décision de dissoudre l’Assemblée nationale, plus dangereuse que ma prise de position. Bien sûr, je ne peux pas être sûr de la sincérité de Marine Le Pen, mais, depuis 15 ans, l’extrême droite n’a pas commis un seul attentat contre nous ici. Ce soutien aux Juifs, est-ce une stratégie électorale ? Je fais un pari, pour ne pas rester inerte. Je refuse l’abstention. Mais dans la vie, on n’est jamais sûr de rien. »

JForum.fr &  Corine Chabaud

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Guidon

Espérons que nous n’aurons pas à choisir entre le rn et lfi mais le 30 juin au soir nous saurons si un de ces 2 camps est bien placé ou non pour l’emporter et alors il sera plus facile de décider ni l’un ni l’autre !

Guidon

Qu’aucun des deux ne doit l’emporter !

Adam

Le Ni-Ni dans un second tour RN-LFI est absurde, voire un suicide. Quoi qu’il se passe, un des deux candidats sera élu. Autant que ce soit le moins mauvais pour celui qui doit voter. Car s’abstenir revient à laisser les autres décider pour soi-même. Quelle légitimité ont les autres à décider pour moi et m’imposer leur choix ?

C’est bien connu, au 1er tour on choisit, et au second on élimine. Voter RN pour éliminer LFI est salutaire, et ne revient pas du tout à approuver le RN. Car LFi est dangereuse : si le NFP gagne ou a beaucoup de députés, il y aura une explosion de l’antisémitisme et ce sera un tremplin pour Mélenchon en 2027. Et il faut être lucide : ce RN (pas le FN du père Le Pen) se comporte jusqu’à présent correctement avec les juifs et Israel depuis le 7 octobre, et aucun juif n’a été tué par des extrémistes de droite. Au contraire, 100% des actes antisémites actuels relève des islamo-gauchistes antisémites de LFI.

Alors, même en se bouchant le nez et en mettant des gants, il faut par les urnes empêcher LFI d’accéder au Parlement et encore plus à Matignon.