Yacine Mihoub, reconnu seul responsable du meurtre de Mireille Knoll avec circonstance aggravante d’antisémitisme a été condamné à la perpétuité assortie d’une période de sûreté de 22 ans.
Les jurés de la cour d’assises de Paris ont jugé ce mercredi Yacine Mihoub seul responsable du meurtre de l’octogénaire, avec la circonstance aggravante de l’antisémitisme. Ils ont condamné à quinze ans de réclusion criminelle son co-accusé Alex Carrimbacus pour vol aggravé, avec une peine de sûreté des deux tiers. En outre, la mère de Yacine Mihoub a été condamnée à trois ans de prison, dont deux avec sursis. Elle était accusée d’avoir nettoyé le couteau utilisé pour tuer Mireille Knoll et avoir supprimé des objets liés à la scène du crime.
Après dix heures de délibéré, la cour a condamné Yacine Mihoub à la réclusion criminelle à perpétuité. Une peine assortie de vingt-ans ans de sûreté, le maximum légal. « Aucun élément ne permet de dire que le meurtre a été commis à deux, chacun se renvoyant la responsabilité du crime et la cour n’a pas été convaincue de l’innocence de Yacine Mihoub », a fait savoir le président à la lecture de la feuille de motivations. La cour a estimé que Yacine Mihoub avait entretenu un ressentiment envers Mireille Knoll, ce qui a créé chez lui une « haine sourde ». La circonstance aggravante de l’antisémitisme a également été retenue. « Le crime a été alimenté par la haine dûe au ressentiment mais aussi à la religion de la victime », a indiqué le président, avant d’ajouter : « cette haine a ressurgi avec la consommation d’alcool et a trouvé son apogée dans la discussion sur les juifs entre Yacine Mihoub et Mireille Knoll ».
En ce qui concerne Alex Carrimbacus, il a été condamné à quinze années de réclusion criminelle, avec une peine de sûreté des deux tiers. La cour l’a reconnu coupable de vol en réunion et a retenu les circonstances aggravantes de la vulnérabilité et de l’antisémitisme. Avant que le jury ne parte délibérer mercredi matin, Yacine Mihoub, 32 ans, s’était dit « désolé » pour la famille Knoll, mais a encore une fois, avait nié avoir porté les onze coups de couteau à la victime. Alex Carrimbacus, 25 ans, a lui exprimé ses « regrets » de n’avoir pas agi pour empêcher le crime.
À l’encontre de ce dernier, le ministère public avait requis mardi 18 ans de réclusion pour « vol aggravé ». « Il n’est ni complice ni auteur du meurtre », a souligné mardi l’avocat général, estimant toutefois que la circonstance aggravante de l’antisémitisme lui était également imputable, ayant assisté à la discussion sur les juifs entre Mireille Knoll et Yacine Mihoub. « Quand Alex Carrimbacus arrive chez Mireille Knoll, il comprend qu’il y a un “plan thunes” à se faire. Ce qu’il sait ensuite, c’est que Mireille Knoll est morte. Et qu’est-ce qu’il fait, M. Carrimbacus ? Il fait ce pour quoi il était venu : il vole. Pas grand-chose parce qu’il n’y avait pas grand-chose… Mais il vole. Il vole une morte dont le cadavre était encore chaud », avait souligné l’avocat général. Pendant sa plaidoirie, Charles Consigny, conseil de Yacine Mihoub, a fustigé un réquisitoire aux « termes moyenâgeux » et un procès qui a « réduit son client à sa religion ». « C’est un crime de rage, c’est tout sauf un crime crapuleux », a pour sa part martelé Karim Laouafi, avocat d’Alex Carrimbacus, exhortant les jurés à acquitter son client des chefs de vol aggravé.
Un ressentiment qui a fait naître une « haine sourde »
Pendant toute la phase d’instruction, puis pendant tout le procès, qui s’est ouvert le 26 octobre dernier, Yacine Mihoub et Alex Carrimbacus n’ont cessé de se renvoyer la responsabilité du crime. Deux versions irréconciliables, faites de nombreuses variations et incohérences. Tous les deux s’étaient rencontrés à la prison de Fleury-Mérogis dans le courant de l’année 2017. Alex Carrimbacus, un marginal aux antécédents psychiatriques, y purgeait une peine pour vol. Yacine Mihoub, lui, prétendait être détenu pour « trafic d’armes », alors qu’il avait en réalité été condamné pour « agression sexuelle », sur la fille d’une aide ménagère de Mireille Knoll, qu’il décrivait comme « une grand-mère de substitution ». La mère de Yacine Mihoub vivait dans le même immeuble que la vieille dame et son fils lui rendait parfois de menus services contre un petit billet. Zoulikha Khellaf, la mère de Yacine Mihoub, comparaissait également au procès pour « destruction de preuve ».
À son encontre, l’avocat général avait requis trois ans d’emprisonnement, le maximum prévu pour le chef d’accusation. « Je demande la peine la plus lourde, car les circonstances dans lesquelles Mme Khellaf a agi ont contribué à la difficulté de ce dossier et ont terni un peu plus la mémoire de Mireille Knoll », a estimé l’avocat général lors de ses réquisitions. Elle était notamment accusée d’avoir jeté au vide-ordures une bouteille de porto et un verre provenant de chez Mireille Knoll, ainsi que le téléphone portable de la vieille dame. Elle a été condamnée à trois ans de prison, dont deux avec sursis.
Selon le récit d’Alex Carrimbacus, c’est à la demande de Yacine Mihoub qu’il s’est rendu le 23 mars 2018 chez Mireille Knoll. Il avait alors compris qu’il s’agissait d’un « plan thunes », entendre : un cambriolage. Dans le box, il a raconté que la discussion s’était envenimée entre la vieille dame et Yacine Mihoub, au moment où ce dernier avait commencé à parler « des juifs et de l’argent ». Puis tout était allé « très vite », selon Carrimbacus. Yacine Mihoub aurait « porté » Mireille Knoll jusqu’à sa chambre, le laissant seul dans le salon. Il aurait alors entendu Mireille Knoll crier et se serait rendu dans la chambre d’où il aurait vu Yacine Mihoub mettre des coups de couteau à l’octogénaire, atteinte de la maladie de Parkinson et incapable de se déplacer seule. « Je le vois mettre un coup à la gorge de Mireille Knoll en criant “Allah akbar”. Puis, il a pris son cou, m’a montré qu’elle était morte et m’a dit “elle a payé pour ce qu’elle a fait” », avait raconté l’accusé vendredi, lors de son interrogatoire sur les faits. Il aurait ensuite tendu son briquet à Yacine Mihoub pour que ce dernier mette le feu à l’appartement et ne l’aurait pas dénoncé car « tétanisé ».
De son côté, Mihoub a livré un récit en tout point inverse à celui de Carrimbacus. Si le mobile tenait selon l’accusation au fait que Yacine Mihoub a eu le sentiment d’avoir écopé d’une peine de prison pour agression sexuelle à cause de Mireille Knoll, lui se défendait d’avoir été animé par un quelconque sentiment de vengeance. « Ce jour-là, je suis venu lui dire bonjour, prendre des nouvelles […]. J’ai juste invité la personne qu’il ne fallait pas », a déclaré Yacine Mihoub lundi. Lui expliquait que ce vendredi 23 mars, il avait « invité » Alex Carrimbacus chez Mireille Knoll et qu’il l’aurait perdu de vue quelques minutes tandis qu’il fumait une cigarette sur le balcon. « Ces cinq minutes ont suffi pour que Mireille Knoll soit poignardée onze fois », a assuré Yacine Mihoub à la cour, s’évertuant à parler d’un vol qui aurait « mal tourné » en guise de mobile. Une version qui n’a pas convaincu la cour et les jurés. À l’annonce des peines, les deux accusés n’ont manifesté aucune émotion.
Source : Le Point
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