Les conséquences de la crise entre le Shin Bet et le gouvernement

Israël : tensions croissantes entre sécurité et pouvoir politique

Un nouvel épisode de tensions s’est ouvert en Israël, alors qu’un document confidentiel du Shin Bet a fuité, révélant des commentaires du chef de l’agence de sécurité intérieure, Ronen Bar, qui jettent une lumière crue sur les rapports entre les institutions sécuritaires et le gouvernement. Ce document, dévoilé le 23 mars par le journaliste Amit Segal (Channel 12), ravive un climat de défiance, alors que plusieurs affaires judiciaires et politiques fragilisent déjà les équilibres institutionnels du pays.

Le texte divulgué est un compte-rendu présumé d’une réunion tenue six mois plus tôt, au cours de laquelle Bar aurait mis en garde contre l’influence croissante du kahanisme – une idéologie d’extrême droite interdite en Israël – au sein des forces de l’ordre. Selon lui, il revenait au Shin Bet de surveiller ce phénomène, tout en agissant avec prudence, compte tenu des ramifications politiques. Il aurait aussi évoqué la nécessité de rassembler des éléments de preuve sur l’implication de responsables politiques dans des activités sécuritaires potentiellement illégales.

Cette déclaration aurait été motivée par les événements du 13 août sur le mont du Temple, jour du jeûne juif de Tisha Beav. Le ministre de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir, s’était alors rendu sur ce site sensible et avait affirmé que les Juifs pouvaient désormais y prier librement. Une déclaration aussitôt contredite par le bureau du Premier ministre. Bar aurait été chargé d’enquêter sur une éventuelle ingérence de Ben-Gvir dans les opérations policières, mais aucune preuve n’aurait été trouvée à ce sujet.

Face aux accusations, le Shin Bet a nié avoir ouvert une enquête officielle sur cette affaire, tout en affirmant son droit légal à le faire, notamment en raison de la menace représentée par le groupe extrémiste Kahana Chai, classé comme organisation terroriste en Israël.

La situation s’est envenimée lorsque le Département des enquêtes policières (DIP) a arrêté, le 9 avril, un responsable du Shin Bet soupçonné d’être à l’origine de la fuite. Selon les autorités, le suspect aurait transmis à des tiers des documents confidentiels, abusant de ses fonctions. Les bénéficiaires présumés seraient le ministre Amichai Chikli et les journalistes Amit Segal et Shirit Avitan Cohen. Si la fuite vers Segal concernait le document sur les forces de l’ordre, celle adressée à Avitan Cohen aurait porté sur des éléments sensibles de l’enquête interne du Shin Bet sur les attaques du 7 octobre.

Les avocats du suspect ont tenté de justifier ces divulgations par la volonté de servir l’intérêt public, sans compromettre la sécurité nationale. Malgré cette ligne de défense, l’affaire a relancé une série de tensions institutionnelles déjà vives entre le Shin Bet, la procureure générale Gali Baharav-Miara et le gouvernement Netanyahou.

L’affaire intervient dans un contexte particulièrement chargé : en mars, le gouvernement a décidé de limoger Ronen Bar, l’accusant de manquements graves, notamment de ne pas avoir empêché les attaques du 7 octobre. Cette décision a été prise malgré l’avis contraire de la procureure générale, qui a dénoncé une procédure irrégulière. Le limogeage, prévu pour le 10 avril, a été suspendu deux jours avant par la Haute Cour, qui a prolongé le mandat de Bar jusqu’au 20 avril.

En parallèle, l’enquête connue sous le nom de « Qatargate », dans laquelle plusieurs proches de Netanyahou seraient impliqués dans des affaires financières avec des entités qataries, complique encore davantage la situation. La procureure générale estime que cette enquête place le Premier ministre en situation de conflit d’intérêts, rendant son initiative de renvoyer Bar juridiquement problématique.

S’ajoute à cela le procès pour corruption de Benyamin Netanyahou, dont le témoignage, commencé en décembre, a connu plusieurs tentatives de report. Bar affirme que Netanyahou aurait tenté de faire classer la salle d’audience comme non sécurisée par le Shin Bet, afin de retarder sa comparution.

Les tensions entre exécutif et institutions judiciaires s’étendent également à la procureure générale, visée par une motion de censure votée par le gouvernement fin mars. Un comité chargé d’examiner sa destitution est en cours de formation.

Ces enchevêtrements politiques et judiciaires mettent en lumière une polarisation extrême au sein des institutions israéliennes. Tandis que la police, la justice et les services de renseignement cherchent à préserver leur indépendance, le gouvernement semble déterminé à renforcer son contrôle. Le Shin Bet, qui occupe une place cruciale dans la sécurité intérieure du pays, se retrouve ainsi au cœur d’un affrontement sans précédent, dont l’issue demeure incertaine.

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