Les combats du Yishouv durant la Shoah (2)

Voici ce qu’écrivait Leïb Rochman, rescapé, sur le rôle joué par l’Etat d’Israël pour les survivants de la Shoah :

« Au cours des premières années post-Shoah, nous avons vécu des vies de désespoir. Mais désormais, la tasse de notre désespoir contient des gouttes de confort… Je vis ici depuis près de 25 ans, et je peux attester de ma propre réhabilitation. C’est là que sont nés mes enfants… J’ai maintenant une petite-fille. Je pensais ne plus jamais revoir ma mère, ma sœur ou mon frère. Aujourd’hui, je ne cesse de les voir – sous les traits de mes enfants et de ma petite-fille, dans mon domicile de Jérusalem, où c’est comme s’ils avaient pu renaître, sous mes yeux. Rien d’étonnant à ce que tout ce qui se passe ici soit si cher, à nos cœurs et à nos âmes. Peut-être que seuls ceux qui ont connu une vive douleur par le passé peuvent mesurer ce que nous avons accompli ici, ce que nous avons eu le privilège de réaliser. »

Les combats du Yishouv durant la Shoah (1)

L’immigration illégale s’intensifie

Malgré le Livre Blanc l’immigration clandestine continue, à un rythme ralenti, 50 000 à 60 000 « yekkes, ce surnom est donné aux immigrants juifs d’origine allemande et autrichienne, arrivés en Palestine avant le déclenchement du conflit.

Durant la guerre, environ 52 000 Juifs sont arrivés légalement en Eretz Israël. L’immigration illégale se développe et se heurte à de fortes contraintes. La surveillance des mers s’intensifie. Dans ce contexte ont lieu les épisodes des bateaux-cercueils.

Dès les premiers mois du conflit, un convoi de trois navires appelés Pacific, Atlantic, Milo, parvient à atteindre Haïfa. Les autorités britanniques redoutant une nouvelle vague d’immigrants, décident de déporter ces immigrants vers l’île Maurice.

Une tentative de la Hagana de saboter les machines du navire Patria pour en empêcher le départ, se termine en catastrophe. Le navire coule dans la rade de Haïfa et deux cent de ses passagers volontaires y périssent.

Au printemps 1941, le navire Darien, transportant huit cent juifs de Roumanie atteint Israël. Ce navire confié par les autorités britanniques à la Haganah est détourné. Les rapports entre la Haganah et les services secrets britanniques se dégradent.

L’immigration illégale prend fin en février 1942, avec le désastre du Struma, qui fait naufrage avec ses sept cent soixante dix passagers devant les rives de la Turquie. La politique britannique ne change pas, même quand la Solution Finale du problème juif décidée par les nazis n’est plus qu’un secret de polichinelle.

Au sein des institutions sionistes, l’organisation chargée de l’immigration illégale est le Mossad Alyah . En 1942, elle tente d’entrer en contact avec les réfugiés juifs de Pologne. Tout un réseau d’émissaires est mis en place qui s’étend jusqu’à Téhéran. Ainsi un réseau d’évasion et d’autodéfense juive se développe en Syrie, en Irak et en Iran.

Lorsque les premières informations concernant l’extermination sont connues, les institutions officielles du Yishouv réagissent en particulier le Mossad Alyah et la Histadrout. Elles décident d’envoyer à Istanbul une mission spéciale, chargée de contribuer au sauvetage du judaïsme européen.

Les moyens d’actions envisagés sont doubles. En premier lieu, il faut mettre en place, l’impôt volontaire pour le sauvetage. En mars 1943, cet instrument financier prend le nom de Fonds pour la Mobilisation et pour le Sauvetage.

En second lieu la mission d’Istanbul réussit à entrer en contact avec les militants juifs et des activistes des mouvements de jeunesse des pays suivants : Roumanie, Hongrie, Tchécoslovaquie, Grèce, Italie, France.

Durant l’été 1943, des contacts sont noués avec la Pologne, il est possible d’envoyer de l’argent, des passeports. Une partie des fonds disponibles est affectée à la corruption des fonctionnaires nazis de tous grades, afin de les amener à retarder l’application de mesures antijuives.

Cette stratégie de la corruption a contribué à l’arrêt de la déportation des Juifs de Bulgarie. Des Juifs ont été transférés d’endroits très dangereux vers des lieux un peu moins dangereux, comme le montre le Rabbin Weissmandel, de Slovaquie : à propos de l’aide apportée à ses coreligionnaires qu’il fallait sortir « du septième cercle de l’enfer vers le sixième ou même le cinquième. »

Ainsi le Yishouv se porte-t-il au secours du judaïsme européen. La Hagana négocie longtemps avec les Britanniques l’envoi de soldats dans les pays ennemis en Europe.

Il est convenu que ces envoyés ont un rôle à remplir dans les renseignements et un soutien des forces alliées mais la Haganah voit dans cette mission surtout la possibilité de s’infiltrer à l’intérieur des pays où sont appliquées toutes les opérations menant à l’extermination des juifs. Un contact est entretenu assez longtemps avec les renseignements britanniques.

En 1943, on lance un plan d’envoi d’une grande mission et il y a possibilité d’infiltrer un petit groupe de parachutistes dans les pays du Sud Est d’Europe. Soixante dix hommes du Palmach sont intégrés à ce groupe. L’unité choisie est entraînée longtemps.

En 1944, le parachutage a lieu : trente deux soldats arrivent à descendre dont deux parachutistes femmes ; Haviva Reik et Hanna Sennesh, neuf arrivent en Roumanie, trois en Hongrie, cinq en Slovaquie, dix en Yougoslavie et la frontière autrichienne, trois en Italie, deux en Bulgarie. Ce chiffre de trente deux parachutages est considérable en valeur relative.

Hannah Sennesh, une femme exemplaire

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En mars 1944, elle est parachutée en Yougoslavie avec Yoel Palgi et Peretz Goldstein. Ils rejoignent un réseau de partisans. Après leur atterrissage en Hongrie, Hannah Sennesh continue seule et se dirige vers la frontière où elle est arrêtée et emmenée à la prison de Budapest.

Pendant des jours elle est torturée, le 7 novembre 1944 elle est exécutée avant que les juges hongrois n’aient rendu leur verdict. Grâce à son journal qu’elle a tenu jusqu’à son dernier jour, elle a laissé des poèmes dont certains sont devenus célèbres.

Ainsi le poème Eli, Eli (« Mon Dieu, Mon Dieu ») qui est repris sous forme de chant :

« Mon Dieu, mon Dieu, faîtes que ces choses ne prennent jamais fin.
Le sable et la mer,
La ruée des eaux,
Le fracas du ciel,
La prière de l’Homme.
Ces lignes forment son dernier témoignage :
Un-deux-trois…huit pieds de long
Deux enjambées, le repos est sombre….
La vie est un point d’interrogation éphémère
Un-deux-trois….peut-être une semaine….
Ou le mois prochain pourra me trouver encore ici.
Mais la mort, je la sens proche.
J’aurais eu 23 ans en juillet prochain.
J’ai joué à ce qui importait le plus, les dés ont roulé. J’ai perdu. »

Le bilan des parachutages

Dans la plupart des pays, les parachutistes arrivent à leur but, à une période, où leur aide ne peut pas apporter beaucoup à l’organisation d’opérations de défense ou de sauvetage sur place. Douze parachutistes sont faits prisonniers et sept sont condamnés à mort. Les parachutistes participent à la révolte de Slovaquie pendant l’été 1944, et agissent dans les rangs de l’armée de Tito.

La réussite principale des parachutistes est symbolique : ils sont des envoyés du pays, arrivés en pays étranger à une période de destruction, avec la volonté d’apporter de l’aide et de la solidarité.

Ainsi la Shoah est un enseignement majeur pour le yishouv. A l’exemple de l’activité déployée par les soldats d’Israël en uniforme britannique en direction de la communauté juive italienne, la libération aboutit à un resserrement des liens entre le yishouv et le judaïsme européen.

Cela aboutit à la création du Shéarit Hapleita, les survivants des camps et des ghettos, qui est un facteur déterminant dans l’affirmation de l’état d’Israël.

En 1945, 90 000 réfugiés d’Europe arrivent en Palestine et au cours des trois années qui suivent plus de 60000 immigrants clandestins. Les développements survenus pendant la guerre en Palestine jouent en faveur de la construction d’un futur Etat. Le nombre de Juifs de Palestine a augmenté lentement. Pourtant Tel Aviv est devenu un foyer humain impressionnant après la guerre.

Après la guerre, le yishouv lutte pour abroger la politique du Livre Blanc afin d’ouvrir les portes du pays et établir les bases d’un état juif indépendant.

L’Exodus a été le cas le plus célèbre bateau d’immigrants clandestins arrêtés par des soldats britanniques aux lendemains de la Shoah. A bord de l’Exodus, 4515 passagers entassés, tous des rescapés des camps nazis, ces « personnes déplacées » veulent fuir l’Europe qui a réduit en cendres leurs familles et commencer une nouvelle vie en Israël qui est alors sous l’emprise britannique.

Pour cela ils sont prêts à tout : ils partent de Port de Bouc, arrivent à Haïfa d’où ils sont durement évacués par les troupes anglaises qui les renvoient vers les ports français. Les passagers refusent de descendre, ils sont alors ramenés par la force vers Hambourg et interner dans un camp.
L’affaire de l’ Exodus va populariser auprès de l’opinion mondiale le combat des juifs pour le retour vers leur terre, elle va renforcer la cause de l’État d’Israël à la recherche de son indépendance .

Adaptation par JForum 

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Asher Cohen

Nous venons de célébrer Pessah, zman hérouténou, le temps de notre liberté. Demain ce sera Yom ha-shoah et après-demain l’anniversaire du soulèvement du ghetto de Varsovie d’avril 1943. Gloire à nos parents qui, en 1942, Juifs d’Algérie déchus de la nationalité française, sont partis combattre les allemands tueurs de Juifs, avec le magen David cousu sur le col et en brassard, et chantant des malédictions d’ Hitler en hébreu. Gloire à tous les Juifs tombés au combat pour la survie de notre peuple. Sans eux et leur héroïsme, nous n’exiterions pas aujourd’hui.