Les ambitions spatiales et militaires de l’Iran

Alors que la communauté internationale focalise son attention sur les pourparlers concernant le nucléaire iranien, un autre chantier stratégique progresse discrètement : le programme spatial militaire de l’Iran. En collaboration étroite avec la Russie, Téhéran affiche des avancées significatives dans ce domaine sensible, qui pourrait bouleverser l’équilibre géopolitique au Moyen-Orient.

Dès cette année, l’Iran prévoit l’inauguration d’une base spatiale de nouvelle génération dans la région de Chabahar, au sud-est du pays. Ce projet titanesque, étendu sur 14 000 dunams – soit environ trois fois la superficie de Tel Aviv – s’inscrit dans une stratégie ambitieuse de militarisation de l’espace. Le site, qualifié de pendant iranien à Cap Canaveral, est idéalement situé : sa proximité avec l’équateur offre un meilleur rendement pour les lancements orbitaux, optimisant ainsi les performances des fusées.

Derrière cette expansion spatiale se profile un partenariat solide avec Moscou. Le président iranien Massoud Pazakhian et son homologue russe Vladimir Poutine ont signé en janvier un accord stratégique englobant notamment la coopération spatiale. Cette alliance n’est pas seulement symbolique : en 2023, la Russie a contribué au lancement des deux premiers satellites iraniens conçus par des entreprises privées, renforçant les capacités technologiques de Téhéran.

Les États-Unis, eux, observent ces développements avec préoccupation. Déjà sous l’administration Trump, des sanctions avaient été imposées à l’agence spatiale iranienne, au motif que les technologies utilisées pour placer des satellites en orbite sont très proches de celles nécessaires au développement de missiles balistiques intercontinentaux (ICBM). Le général Anthony Cotton, à la tête du Commandement stratégique américain (STARCOM), a récemment déclaré que les progrès de l’Iran dans les lanceurs spatiaux pourraient accélérer la mise au point d’ICBM opérationnels.

Parmi les projets les plus sensibles figure un réseau de 20 satellites Internet nommé en hommage à Qassem Soleimani, ancien chef des forces spéciales iraniennes, tué en 2020 par une frappe américaine. Ces satellites pourraient offrir à l’Iran une précision accrue dans le guidage de ses missiles, ainsi qu’une réactivité stratégique renforcée. Selon John Sheldon, spécialiste en stratégie spatiale, ces capacités permettraient à Téhéran de cibler plus rapidement et avec une efficacité accrue.

Outre les considérations technologiques, la coopération russo-iranienne représente un échange stratégique : tandis que Moscou s’appuie sur les drones iraniens dans le conflit ukrainien, l’Iran bénéficie de l’expertise spatiale accumulée par la Russie depuis des décennies. Cette synergie illustre une convergence d’intérêts militaires entre les deux nations.

Cependant, cette montée en puissance ne fait pas l’unanimité. Plusieurs pays européens, dont le Royaume-Uni, ont imposé des sanctions à des figures clés du programme spatial iranien, notamment le général Ali Jafarabadi, à la tête de la division spatiale des Gardiens de la révolution. En parallèle, les pays du Golfe cherchent à organiser une réponse coordonnée. Le Groupe de coopération spatiale arabe, rassemblant 14 États membres, vise à promouvoir des programmes conjoints pour faire contrepoids à l’influence iranienne dans l’espace.

À Bahreïn, par exemple, le directeur général de l’agence spatiale, Mohammed Ibrahim Al-Asiri, a souligné que les « capacités avancées » de l’Iran ne sont pas à ignorer. Même si elles ne représentent pas une menace immédiate, elles exigent une vigilance accrue de la part des pays de la région.

Dans ce contexte, l’ouverture de la base de Chabahar marque un tournant pour l’Iran. Le directeur de l’agence spatiale iranienne, Hassan Salaria, a d’ailleurs évoqué des projets futuristes tels que l’envoi de capsules habitées dans l’espace. Ces annonces interviennent pourtant dans un climat économique morose. L’économie iranienne traverse une crise sévère, et une partie croissante de la population déplore que le gouvernement consacre d’importantes ressources aux ambitions militaires, au détriment des besoins civils.

Pourtant, certains signaux récents laissent entrevoir une timide amélioration de la situation économique, notamment depuis la reprise des discussions avec les États-Unis. Reste à voir si ces négociations auront un impact sur les ambitions spatiales de l’Iran, ou si celles-ci continueront de suivre une trajectoire autonome, portée par la coopération avec Moscou.

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