La gauche a cherché à nier l’antisémitisme évident, derrière le viol de Courbevoie en convoquant la cause féministe comme substitut, alors que ce n’est qu’ un racisme antiblanc.

Mais se faisant, elle dénie aux juifs tout statut de dignité, parce qu’elle refuse de désigner la victime comme juive, comme elle refuse de désigner les bourreaux et leur responsabilité, puisqu’elle en porte leur cause en étendard de liberté et de fraternité.

Elle fraternise avec les bourreaux et porte une haine infinie pour les victimes juives déchues de toute dignité. Leur crime ; avoir rejoint leur terre ancestrale pour la revivifier, qu’elle veut lui arracher au profit des colons arabes.

Si le viol est une arme de guerre, il faut désigner et caractériser les ennemis dans ce conflit. D’un côté un peuple qui se bat pour sa survie, de l’autre un néopeuple qui se bat pour la disparition du premier, mais pas pour sa survie qui lui est garantie.

Dans ce contexte la gauche unie dans un combat contre le peuple juif, quoi qu’elle prétende, se cachant derrière une petite phrase de pure forme contre l’antisémitisme dans un programme rédigé à la hâte pour une union de façade, ne masquera jamais les phrases assassines et les comportements de haine qui ont armé et arment encore les bras des bourreaux.

Quel antisémitisme dans le viol de Courbevoie ?

Le viol à caractère antisémite d’une adolescente à Courbevoie provoque une réaction d’horreur et d’indignation. La philosophe Avishag Zafrani, en s’appuyant sur sa lecture de Jean-Paul Sartre ou de Marc Bloch, en dévoile les motifs fantasmatiques — aux effets bien réels. 

« L’effroi provoqué par la cruauté du viol à motif antisémite de la petite fille juive de Courbevoie est si grand qu’il relègue au second plan un élément crucial : celui de la dissimulation de son identité juive. On apprend que la victime aurait caché sa judéité à celui qui était son ex-petit ami, que le/les coupables l’auraient appris, et que cette information a suscité le déchaînement de haine, de violence, d’humiliation et de domination sexuelle décrit par les premiers éléments de l’enquête qui nous sont parvenus.

Dans la plupart des crimes de haine, antisémites ou racistes, ou à l’égard des femmes, des crimes donc ontologiques, liés à une catégorie d’appartenance, on s’interroge sur ce qui est susceptible de nourrir une détestation morbide d’un être qui ne fait rien d’autre que d’exister, mais sur lequel on exercera volontiers (car il y a une jouissance) un pouvoir de domination, d’humiliation ou d’anéantissement, ou les trois à la fois. Est-ce une haine qui, parce qu’elle serait irrationnelle, serait pour autant sans raison ? Elle n’est en tout cas ni sans cause ni sans stimulation ; il existe une généalogie de cette haine archaïque, parfois en sommeil, et parfois très vivace. Ici en particulier, les ressorts du mensonge, de la trahison et de la duplicité ont été mobilisés et ont, selon les premières informations qui ont présidé à l’ouverture de l’enquête, justifié ce que les auteurs ont nommé une “vengeance”. Le moteur d’une violence inouïe fut la révélation d’une identité cachée par survie, comme si cette identité était en elle-même un affront et une souillure. Mais la révélation d’une identité cachée suggère aussi une autre source de détestation, plus archaïque. 

On ne reviendra pas sur ce qui a poussé la jeune fille à ne pas dire qu’elle était juive, et à adopter une autre identité pour être “acceptée” (il faudrait avoir accès à l’enquête en cours) : pour la plupart des Juifs en diaspora, il existe hélas déjà des détours variés pour se protéger, changer de lieu, enlever des vêtements ou des objets distinctifs, la vigilance et le qui-vive sont une seconde nature. Ce qui apparaît comme une stratégie de protection est cependant interprété différemment dans le cadre d’un système d’accusation et de quête de boucs émissaires. Dans plusieurs travaux que j’ai pu mener sur les causes de l’antisémitisme, il y en a une en particulier qui revenait souvent, et qui s’avère être une sécularisation de la diabolisation des Juifs : la projection d’une duplicité, de la trahison, le fait d’être un être suspect, infidèle, divisé en deux, dont une partie invisible serait aussi le lieu d’une force occulte, élément notamment convoqué lors de la chasse aux sorcières. La duplicité ici génère alors une détestation “panique”, hallucinée. 

Mais la puissance occulte et cachée est polymorphe, et pas seulement de l’ordre de la démonologie gnostique (selon laquelle le monde est mauvais, et précisément lui-même le résultat d’une contrefaçon). On en retrouve en effet la structure dans le conspirationnisme politique, les thèses de la domination financière invisible, celles encore de la double allégeance dans la modernité, qui font du Juif un être à nouveau toujours suspect – mais nous pouvons aisément nous douter qu’il existe une continuité entre ces différentes formes, pré-modernes et modernes, de l’antisémitisme. Aujourd’hui la duplicité recherchée est de savoir si vous êtes Juif ou sioniste, le dernier vous condamnant absolument, mais le premier restant suspect, rattaché par la détermination au seul État juif – sans omettre que “sioniste” est bien sûr un autre terme pour cibler les Juifs avec une justification politique : songeons ainsi à son usage lors des purges staliniennes ou communistes en Tchécoslovaquie lors du procès de Prague. En tout état de cause, cette fantasmagorie sur le double et l’occulte permet la projection d’affabulations sur le Juif comme une réserve narrative de fictions disponibles, susceptibles d’expliquer par exemple la cause des malheurs sociaux ou géopolitiques pour notre époque. Aussi la haine se justifie-t-elle, déclare-t-elle être une vengeance, ou une épuration nécessaire – elle se prémédite et trouve des légitimités. 

Il ne faut pas sous-estimer alors plusieurs choses dans la stimulation de cette haine : une violence sémantique et lexicale qui verse dans l’inflation depuis plusieurs mois au sujet du conflit israélo-palestinien, et par la suite un effondrement épistémologique – la faculté de juger est atrophiée au profit d’un désir de détestation qui à l’occasion prend une tournure insurrectionnelle. Marc Bloch, dans une analyse fragmentaire sur les fausses nouvelles en temps de guerre, disait qu’il y avait précisément un désir des fausses informations : la vérité est impuissante dans l’immédiat. Il y a donc une performativité du langage, d’autant plus efficace qu’il est accompagné par l’accumulation des images neutralisant les capacités d’analyses. Au sein d’une atmosphère mortifère et délétère, nous sommes fébriles, dit encore Bloch, et donc sans doute plus disponibles à la déformation de la vérité.

Notre difficulté est de nous rendre audible – tandis que la douleur des évènements nous convie plutôt au mutisme – et de faire comprendre le lien qui existe entre l’investissement fétichiste de la “critique” du sionisme et ses conséquences existentielles sur la vie des Juifs. Ce lien, explicité par l’augmentation des actes antisémites en conséquence de l’importation du conflit, est pourtant refusé encore par certains groupes et individus, parfois par souci “révolutionnaire”. L’antisionisme serait par conséquent révolutionnaire et une force de renversement social ; il permettrait d’afficher en outre un humanisme anti-impérialiste exclusif, et d’être ainsi “du bon côté de l’histoire”, tandis que les réels et multiples rapports de force de la région sont occultés (pensons à l’absence de critique des dictatures théocratiques, ou non, environnantes qui font très peu ou pas l’objet d’analyses et de rejet).

Mais si l’analyse échoue, le réel montre aussi des conséquences plus graves de ces biais idéologiques s’ils rencontrent des esprits poreux à la vengeance, confondue avec la justice. Nous pouvons reprendre ici une formulation de Sartre : “L’antisémitisme canalise les poussées révolutionnaires vers la destruction de certains hommes, non des institutions”, de sorte que seule la violence demeure, désinhibée, s’abattant sur les hommes comme dit Sartre, mais aussi sur les petites filles. »

Avishag Zafrani et JForum.fr

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Guidon

IL FAUT DIRE LES CHOSES TOUT HAUT : LA CAUSE « PALESTINIENNE » EST UNE ATTAQUE COLONIALIDTE ET REACTIONNAIRE POUR CONTRE-CARRER L’INDÉPENDANCE D’ISRAËL !