Le dictateur le plus cool du monde
Bukele, allié inattendu d’Israël
Le président du Salvador, Nayib Bukele, s’est récemment retrouvé au centre de l’attention internationale lors de sa visite à la Maison Blanche. Ce déplacement a mis en lumière ses liens étroits avec l’ancien président américain Donald Trump et son positionnement singulier sur la scène géopolitique, notamment à travers ses positions favorables à Israël, malgré ses origines palestiniennes.
Lors de cette réunion avec des responsables américains, Bukele a catégoriquement refusé d’accepter le retour d’un homme expulsé par erreur des États-Unis. Il s’agit de Kilmar Armando Abrego Garcia, un résident du Maryland, que l’administration Trump avait expulsé sans base légale. Bien que la justice américaine ait reconnu cette expulsion comme injustifiée, Bukele a tenu des propos fermes, affirmant qu’il ne souhaitait pas voir entrer un « terroriste » dans son pays. Cette déclaration, sans preuves tangibles, allait dans le sens des affirmations de Stephen Miller et Pam Bondi, proches de Trump, qui présentaient Abrego Garcia comme un membre du gang MS-13, bien qu’aucune condamnation ne le confirme.
De l’héritage palestinien au soutien d’Israël
Nayib Bukele, aujourd’hui âgé de 43 ans, est issu d’une famille d’origine palestinienne. Ses grands-parents paternels ont émigré au Salvador depuis Jérusalem et Bethléem au début du XXe siècle. Son père, un converti à l’islam devenu imam, entretenait d’excellentes relations avec la communauté juive locale. Malgré ces racines, Bukele a clairement pris ses distances avec toute posture identitaire religieuse, affirmant croire en Dieu et en la Bible, sans se réclamer d’une confession particulière.
Cette approche ouverte ne l’a pas empêché de faire l’objet d’attaques islamophobes pendant sa campagne présidentielle. Pourtant, loin de répondre par la victimisation, il a développé une posture résolument favorable à Israël, notamment après l’attaque du 7 octobre 2023 menée par le Hamas. Dans une publication virulente sur les réseaux sociaux, il a qualifié l’organisation palestinienne de « criminelle » et l’a comparée au gang MS-13, actif dans son propre pays. Pour lui, soutenir la cause palestinienne ne signifie pas cautionner les actions violentes du Hamas, qu’il considère comme un obstacle à la paix.
Une posture ambivalente face à la diaspora
Cette position surprend d’autant plus que le Salvador abrite l’une des plus importantes diasporas palestiniennes d’Amérique latine, avec environ 100 000 personnes d’origine palestinienne sur une population totale de 6,3 millions. La communauté juive, quant à elle, est très minoritaire, estimée à 200 membres seulement. Malgré cela, Bukele a su entretenir des relations étroites avec Israël. En 2018, alors qu’il était encore maire de San Salvador, il avait effectué une visite officielle à Jérusalem, visitant notamment le Mur Occidental et Yad Vashem. Il avait ensuite annoncé un don de 3 millions de dollars à la Fondation de Jérusalem.
Le président a également évoqué les origines juives sépharades de son épouse Gabriela Rodríguez de Bukele, une référence qui a suscité l’attention des médias israéliens. Ensemble, ils ont deux filles, et affichent régulièrement leur proximité avec la culture juive et les causes israéliennes.
Trump, immigration et prisons controversées
Le rapprochement entre Bukele et l’administration Trump ne s’est pas limité aux déclarations politiques. Il s’est aussi traduit par des accords de coopération en matière d’immigration. Les États-Unis ont collaboré avec le Salvador pour envoyer certains migrants dans les prisons du pays, malgré les critiques croissantes concernant les conditions de détention et les allégations de torture. Bukele a transformé son image de jeune président démocrate en dirigeant autoritaire, assumant même sur les réseaux sociaux le surnom de « dictateur le plus cool du monde ».
Cette évolution soulève des inquiétudes aux États-Unis, surtout depuis que Trump a menacé de faire incarcérer des citoyens américains dans ces centres de détention salvadoriens, sans procès ni condamnation. Des critiques, notamment du camp démocrate, ont assimilé ces structures à des camps de concentration, évoquant le fonctionnement en dehors des cadres légaux.
Entre stratégie politique et convictions
Nayib Bukele cultive une image à la fois moderne et provocatrice. Son soutien à Israël peut s’expliquer autant par conviction personnelle que par une stratégie politique destinée à séduire un électorat évangélique, très présent au Salvador. Dans un pays où la foi joue un rôle important dans la vie publique, le positionnement pro-israélien est bien accueilli, même s’il contraste fortement avec les attentes que certains pourraient avoir envers un chef d’État issu de l’immigration palestinienne.
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