Entre aversion et fascination, les débats sont vifs autour de la première demeure du dictateur, dans la ville de Braunau, en Autriche.
« Chaque année, c’est le même cirque », marmonne un passant à la vue du maigre rassemblement devant la façade jaune décrépite. Soixante-dix ans après le suicide d’Adolf Hitler, le 30 avril 1945, le dictateur continue de jeter une ombre sur Braunau-am-Inn, sa ville natale. Ce samedi 18 avril, les quelques dizaines d’antifascistes en sweat-shirt noir à capuche, avec des lunettes de soleil malgré la pluie, détonnent dans le paysage pastel de cette bourgade de l’ouest de l’Autriche, à la frontière avec la Bavière allemande.
La grosse bâtisse fatiguée de 800 mètres carrés devant laquelle ils se rassemblent est la maison natale d’Hitler. Elle symbolise, en plein centre-ville, ce passé qui ne passe pas. Malgré la pierre mémorielle en hommage aux victimes du nazisme, Astrid Hainz, organisatrice du défilé, accuse d’ailleurs la ville de faire comme si la maison n’existait pas. « Elle est là, pourtant, et il faut faire avec. C’est un devoir. » Le gouvernement autrichien, soucieux d’éviter que l’endroit ne devienne un lieu de pèlerinage néonazi, avait signé un bail en 1972 avec la propriétaire Gerlinde Pommer.
La maison de trois étages est vide depuis 2011, au grand dam de l’État qui a dépensé depuis lors quelque 240 000 euros pour la location d’un bâtiment à l’abandon, et qui perd patience. « Nous avons fait une offre d’achat, mais nous envisageons aussi une expropriation », confirme Karl-Heinz Grundböck. À Braunau, 17 000 habitants, les débats sont vifs entre ceux qui voudraient faire de la maison un centre d’accueil pour réfugiés et ceux qui préféreraient y voir un musée sur la libération de l’Autriche.
Un héritage encombrant
La propriétaire, elle, garde un silence dont elle ne s’est jamais départie. Sa famille possède les lieux depuis plus d’un siècle, avec une courte interruption pendant la période nazie. « Elle a hérité de la maison et empoche l’argent sans respecter les termes de l’accord », accuse l’historien local Florian Kotanko : « Elle pourrait faire quelque chose d’historique en donnant la maison à la République. » Comme la poignée de militants antifascistes qui reviennent chaque année, il juge que la ville, où le dictateur naquit le 20 avril 1889, se doit d’affronter cet héritage encombrant.
« Laisser la maison s’écrouler ou la faire sauter » ne résoudra rien « parce que la fascination demeurera », dit-il. « Les gens veulent voir où est né celui qui a été capable d’exterminer une grande partie de la population en Allemagne, en Autriche et au-delà. » « Les gens d’ici ne méritent pas la marque d’infamie » qu’est la maison, se lamente en retour le maire Georg Wojak. « Braunau n’est pas l’endroit où les crimes ont été commis. Son seul crime, c’est qu’Hitler soit né ici. » Qu’ils le veuillent ou non, les habitants de Braunau devraient encore longtemps être confrontés au passé de leur ville, citée dès les premières lignes de Mein Kampf, le livre écrit en 1924 par Hitler, alors jeune putschiste à demi obscur.
Certains résidents commencent à regarder ce passé davantage en face, assure la journaliste Monika Raschhofer, rédactrice en chef du journal local. D’après elle, l’habitude qu’avaient les habitants d’envoyer dans la mauvaise direction les touristes cherchant la maison appartient au passé. « Quand j’ai des invités, dit-elle, je leur montre toujours la maison d’Hitler et le mémorial. Cela fait partie de Braunau. »
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Fouiller sa maison et verifier s’il n’y a pas d’objets de valeur voles aux juifs .
Car c’etait cela aussi » la race superieure » .