La mémoire effacée : la disparition de la communauté juive syrienne, un héritage de 2 500 ans sacrifié

La communauté juive de Syrie, autrefois vibrante et ancrée dans une histoire riche de 2 500 ans, a été progressivement démantelée au cours du XXe siècle. Ce démantèlement, marqué par des persécutions, des déplacements forcés et des confiscations massives de biens, représente non seulement une perte humaine, mais aussi un effondrement culturel et économique estimé aujourd’hui à plus de 10 milliards de dollars.

Un rapport récent de l’organisation Justice for Jews from Arab Countries (JJAC) lève le voile sur ces événements tragiques. Après six années de recherches minutieuses, ce document dévoile les détails d’un effacement systématique de cette communauté autochtone, présente au Moyen-Orient depuis bien avant l’émergence de l’islam. Publié dans le contexte du bouleversement politique en Syrie, ce rapport est le premier d’une série de 11 études destinées à rétablir une vérité historique longtemps occultée.

Un déracinement méthodique et silencieux
Les Juifs de Syrie, principalement établis à Damas et Alep, étaient bien intégrés dans le tissu économique et culturel du pays. Commerçants prospères et pionniers dans les secteurs de la finance et du commerce international, ils jouaient un rôle essentiel dans la connexion de la Syrie avec d’autres régions du monde, telles que Bagdad, la Perse et l’Inde. Cependant, dès les années 1930, un climat d’hostilité s’installe. Les mouvements nationalistes arabes, influencés par des idéologies fascistes et antisémites, ciblent la communauté juive.

Cette hostilité s’intensifie après la Seconde Guerre mondiale, avec des politiques discriminatoires allant de la confiscation des biens à des restrictions sévères de mouvement, sans oublier des violences physiques. En 1948, la population juive de Syrie, qui comptait 50 000 personnes au début du siècle, avait déjà été réduite à 30 000. Dix ans plus tard, elle n’en comptait plus que 5 000. Aujourd’hui, seuls quelques individus restent, témoins silencieux d’une culture autrefois florissante.

Un héritage spolié et des mémoires à reconstruire
Le rapport de 94 pages du JJAC quantifie l’ampleur des pertes subies : des propriétés urbaines et rurales aux biens personnels, en passant par des actifs financiers considérables. Ces données illustrent l’impact économique, mais aussi humain, de cette tragédie. Pour le rabbin Dr. Elie Abadie, co-président du JJAC, l’objectif est clair : éduquer les générations futures et faire reconnaître cette injustice. « Ce n’est pas seulement une question économique. C’est une reconnaissance du déracinement d’une culture millénaire », affirme-t-il.

Le déracinement des Juifs syriens a laissé un vide profond. « Dépourvue de créativité, de culture et de finances, la Syrie a sombré dans le déclin après avoir expulsé sa communauté juive », déclare Abadie. Cette perte se reflète également dans d’autres pays arabes ayant suivi un chemin similaire, privant ainsi la région d’un potentiel culturel et économique inestimable.

Une résilience face à l’adversité
Malgré les souffrances et les exils forcés, les Juifs syriens ont su rebondir et reconstruire. Aujourd’hui, plus de 100 000 descendants de cette communauté vivent principalement aux États-Unis et en Israël, où ils continuent de préserver leur héritage. À Brooklyn, dans le New Jersey ou ailleurs, ces familles ont établi des communautés dynamiques, tout en transmettant leurs traditions et leurs valeurs.

Noam Harary, réalisateur et acteur d’origine syrienne, exprime cette fierté : « Je suis syrien avant tout. Mon identité est façonnée par cette culture, par nos chansons, notre cuisine et nos accents. » Il ajoute que cette histoire de déracinement et de résilience est centrale pour comprendre l’importance de leur identité, même loin de leur terre natale.

Une mémoire à réhabiliter
Le travail du JJAC ne se limite pas à documenter les pertes économiques. Il s’agit également de mettre en lumière une vérité historique : les Juifs du Moyen-Orient ne sont pas des étrangers ou des colonisateurs, mais bien des autochtones de cette région, où ils ont vécu en continu depuis des millénaires.

La reconnaissance de leur tragédie n’efface pas les autres récits de souffrance dans la région, mais ajoute une dimension essentielle à l’histoire complexe du Moyen-Orient. À travers leurs recherches et publications, des leaders comme Abadie et Sylvain Abitbol espèrent non seulement éduquer, mais aussi inspirer.

Comme le souligne Abitbol : « Nous avons perdu beaucoup, mais nous avons aussi construit et contribué là où nous sommes allés. Imaginez ce que nous aurions pu accomplir si nous étions restés. »

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meller danielle

il y a un sul pays pour les juifs Cela me rappelle les juifs allemands qui etaient securittes jusqu a la prise du pouvoir par les nazis

Jacques

N’y vous inquietez pas mi zami, syrien, syrien !