Tu quoque mi fili?
On a le sentiment que l’enjeu tout entier du résultat de cette campagne tient sur le choix que fera ou ne fera pas Moshé Kahlon, un des dauphins pressentis de Netanyahu, de conseiller celui-ci au Président Rivlin, pour un nouveau mandat, au poste de 1er Ministre.
Une machine folle semble s’être emparée de la conscience collective israélienne où, même si, par le passé, on a promu de mauvaises solutions pour résoudre de vrais problèmes (exemple : le retrait de Gaza 2005, un processus d’Oslo qui mène à l’impasse, etc.), l’électorat semble prêt à redonner leur chance aux alternatives boiteuses, plutôt que de promouvoir « le changement dans la continuité », c’est-à-dire une formule transitoire limitant les « dégâts ».
Au centre de la focale, le souhait de non-renouvèlement à droite qui rendrait « insupportable » l’idée d’un quatrième mandat de Bibi Netanyahu, malgré toute l’expérience qu’on lui concède.
Certes, il a fallu toute l’énergie nocive de l’Administration Obama, dont on découvrira, mais un peu tard, qu’elle a financé une campagne illégale pour détrôner Bibi (« Tout sauf Bibi »). Mais, s’il n’y avait que ce seul facteur de la « conspiration américaine », on peut être persuadé que l’animal politique qu’est Netanyahu trouverait les ressources pour déjouer cette mise en touche déloyale, en s’appuyant sur le patriotisme de l’Israélien de la base.
Il y a autre chose qui tient d’un problème de renouvèlement des générations politiques et qui fait que Netanyahu n’a pas pu ou pas su (?) transmettre le flambeau du centre-droit à un homme plus jeune, mais capable, s’étant déjà frotté aux ténors de la politique intérieure et suffisamment avisé pour ne pas céder aux sirènes de l’étranger, leur chant viendrait-il de Washington.
Car le discours à gauche semble bien rôdé pour accuser l’actuel Premier Ministre de toutes les turpitudes d’une relation faussée depuis l’accès au pouvoir de Barack Obama. Or, cette politique gauchie d’une « hyper-puissance » qui ne veut plus s’assumer comme telle a conduit à la catastrophe du délitement du Moyen-Orient, à deux doigts de l’explosion permanente et truffé de conflit plus insolubles les uns que les autres, que le Président américain s’évertue à aggraver : lorsque les Frères Musulmans échouent en Egypte, il met tous ses oeufs dans le panier de la négociation nucléaire avec l’Iran, au prix de la constitution d’un véritable empire de Bagdad à Sana’a et jusque dans les contreforts du Golan. Or, Israël ne se trompe pas sur le diagnostic concernant sa propre sécurité. Elle est mise en danger sur l’ensemble de ses frontières, la moins pire étant le Sinaï, grâce à la poigne de Fer du Président El-Sissi, que méprise également la Maison Blanche.
L’alignement sécuritaire sur la politique américaine risque donc d’être mortel pour Israël et l’aveuglement de la gauche Herzog-Livni y mène tout droit. On voit, clairement, ces prédictions s’inscrire sur le mur et on ne voit plus bien comment empêcher l’enchaînement des circonstances qui feraient qu’immanquablement, la collision est de plus en plus proche et moins incertaine. Qu’importe! Il faut du « nouveau », même s’il est entièrement constitué de vieille recettes qui ont toutes échoué!
Quelles leçons ont réellement été tirées du passé pour que les mêmes causes ne produisent, plus jamais, les mêmes effets?
La 1ère conséquence cinglante pour la sécurité d’Israël ne tarderait pas à surgir, le 24 (ou le 31) mars, Obama passera au forcing un accord nucléaire avec l’Iran, en faisant taire la démocratie représentative du Congrès et du Sénat, par un détour devant le Conseil de Sécurité de l’ONU. Ainsi, sans doute pour la première fois depuis Alexis de Tocqueville, La Démocratie en Amérique n’aura pas pas son mot à dire et la dictature des Mollah l’emportera sur les premières loges, avec les Israéliens endormis par une campagne atone et sur la République étatsunienne des Bipartisans opposés à toute imprudence en matière de prolifération… C’est absurde, injuste et illogique, puisque la base électorale d’Obama a été défaite aux Mid-Terms. Mais le degré de cynisme du personnage outrepasse toutes les lignes rouges.
Alors, il y avait des hommes neufs derrière Netanyahu, tout prêts à se présenter pour conserver l’héritage, voire à lui donner encore plus d’accent « radicalisé » : on pense au fils Begin, il y a aussi Naftali Bennett, mais dont le placement résolument pour les implantations le prive des voix du centre et de la gauche libérale « raisonnable ». Et puis, il y a Moshe Kahlon, qui ne s’est plus vu d’avenir au Likoud, tellement le « patriarche » prenait de place et favorisait un équilibre subtil entre les droites de Lieberman et Bennett opposés aux coupes de Lapid. Une fois le problème de l’éviction de Yaïr Lapid résolu, lui qui faisait des économies sur une Défense devenue sujet crucial dans un environnement régional radicalisé, il aurait, sans doute, fallu recentrer pour redynamiser l’adhésion minimale nécessaire au fonctionnement politique. La guerre à Gaza, cet été, a dramatisé les controverses ouvertes avec les plus droitistes : Lieberman et Bennett. Il aurait fallu une solution de moyen terme.
Là-dessus, Kahlon n’a pu aller, à la tête de divers ministères, jusqu’au bout de son action, limité par cette coalition des « plus ultra ». Il en a pris ombrage et se voit, désormais dans la posture du « faiseur de roi ». S’il favorise l’union avec Lapid au centre, la gauche passera. Si Lieberman revient sur les griefs qu’il conserve comme les chiots de sa chienne à l’encontre de Bibi, il peut avoir une chance de ramener (et rédimer) Kahlon dans le giron de ce centre-droit introuvable.
Et si Kahlon entrevoit son propre avenir à l’issue d’une refonte complète du camp de la droite, évinçant Netanyahu, ou, apparemment moins pire, en favorisant un gouvernement d’union nationale où il jouerait les arbitres, deux scénarios restent possibles : celui d’une coalition unitaire gauche-droite quasi-ingouvernable ; ou celui d’un pays qui fait pénitence durant 4 ans, à travers le tandem Herzog-Livni. Mais le fait d’avoir toutes les cartes ou presque, en mains, -à la notable exception de la force d’opposition intérieure contre « Israël, Etat du peuple juif », avec les 13 sièges pressentis à la liste arabe, qui mènera une politique pro-palestinienne de l’intérieur,- donne à Kahlon un destin politique qui semble se jouer sur « la mort du vieux ».
Ainsi, une fois encore, les intrigues politiques paraissent ne pouvoir se passer de ce sentiment de trahison vécu par Jules César au moment de voir se dresser les poignards contre lui : Tu Quoque mi Fili? Toi aussi mon fils?
Faute d’avoir pu réformer le fonctionnement interne du Likoud et du camp de droite tout entier, chacun des hommes forts semble aller à la bataille doté de ses arrières-pensées de carrière, alors que la gauche, même bancale, avec la transfuge Livni, et les partis arabes, de leur côté, ont joué la carte de l’Union, ne serait-elle que de circonstance, avant d’éclater.
Chacun de ces scénarios est, certes, encore évitable, tenant au caractère mature et raisonnable de l’électeur, en son âme et conscience. Néanmoins, le système politique israélien semble en surchauffe : trop d’ambitions personnelles tirent leur ressource d’un système des petits partis qui fragmentent le spectre, offrant cet espace en trompe l’oeil du « centre » introuvable aux outsiders qui entendent redistribuer le jeu à leur convenance.
L’absence de dauphin, ou la concurrence entre tous les « seconds couteaux » risque toujours de conduire à un retour du « déjà vu » et à une nouvelle forme d’immobilisme, par neutralisation réciproque de tous ceux capables de mener à un véritable « renouvèlement »…
Les jeux ne sont pas faits. A la démocratie proportionnelle, incapable de se dégager des majorités viables, de faire le reste…
Marc Brzustowski.
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Kahlon repousse l’offre de Netanyahu
Le président du parti Koulanou Moshe Kahlon a exprimé des doutes dimanche sur la promesse du Premier ministre Benjamin Netanyahu de lui offrir le poste de ministre des Finances après les élections du 17 mars.
Kahlon a refusé d’annoncer s’il recommandera Netanyahu ou son rival de l’Union sioniste Isaac Herzog au poste de Premier ministre après les élections.
Samedi et dimanche, Netanyahu a déclaré dans plusieurs interviews qu’il choisirait Kahlon comme ministre des Finances, afin de mettre Koulanou de son côté.
Mais Kahlon a rejeté l’offre dimanche matin, disant qu’il ne pouvait croire en la promesse de Netanyahu.
« Netanyahu m’avait déjà promis dans le passé [la direction] de l’Administration des terres d’Israël et le ministère des Finances, mais n’a pas tenu [sa promesse] », a déclaré Kahlon, selon le site de nouvelles Ynet.
« [L’offre] est flatteuse, mais ne résout pas les problèmes graves de la société israélienne, » a-t-il ajouté.
Kahlon, qui était ministre de la Communication puis ministre du Bien-être et des Services sociaux avant de quitter brutalement le gouvernement en fin 2012, avait été désigné au poste de directeur de l’Administration des Terres d’Israël après les élections précédentes, avec pour tâche de baisser les prix des logements, de la même manière qu’il a baissé les prix des téléphones mobiles dans sa réforme du marché des télécoms.
Cependant, suite à un accord de coalition, l’administration est restée sous la juridiction du HaBayit HaYehudi de Naftali Bennett.
Selon certains, Netanyahu ne souhaitait pas vraiment garder Kahlon dans les parages, le percevant comme un rival.
A la radio israélienne, Netanyahu a déclaré que le Likud ne peut former de gouvernement sans Koulanou, et qu’ensemble, les partis pourraient faire baisser les prix du logement, comme Kahlon l’a fait avec les tarifs des cellulaires alors qu’il était ministre de la Communication (Likud).
Koulanou, qui doit recevoir huit à dix sièges, a placé les questions économiques au centre de sa campagne.
Selon les sondages, Netanyahu talonne ses rivaux de centre-gauche. Les deux derniers sondages publiés vendredi soir par des chaînes télévisées privées donnent à l’Union sioniste, dirigée par le leader travailliste Isaac Herzog, une avance de quatre places sur le Likud.
Isaac Herzog a également courtisé Moshé Kahlon. « Je le considère comme un partenaire important si je forme le prochain gouvernement », a-t-il affirmé sans toutefois lui promettre explicitement le portefeuille des Finances.
Un sondage réalisé par Dixième chaîne annonce 20 sièges pour le Likud, contre 24 pour l’Union sioniste, tandis qu’un autre de la Deuxième chaîne, 22 pour le Likud contre 26 pour son opposant.
Les résultats font écho à des enquêtes de vendredi – dernier jour où les sondages peuvent être publiés légalement avant les élections de mardi – qui prédisaient une victoire de l’Union sioniste.
Mais dans le système électoral israélien complexe, où de nombreux partis se disputent le pouvoir, la tâche de former un nouveau gouvernement n’incombe pas automatiquement au candidat ou à la liste gagnante.
Le nouveau Premier ministre doit former une coalition avec une majorité d’au moins 61 sièges sur les 120 de la Knesset.
Cette tâche sera d’autant plus difficile car au moins 11 partis composent l’ensemble du spectre politique, dont des partis ultra-orthodoxes et arabes.
Dans le mode de scrutin proportionnel, les électeurs choisissent les listes des partis, plutôt que des candidats individuels, et les sièges sont répartis selon le pourcentage des votes obtenu.
Les analystes estiment que les trois prochains jours seront cruciaux, 20 % des électeurs se déclarant toujours indécis.
Et des semaines de négociations pourraient être nécessaires avant la divulgation du nom du nouveau Premier ministre.
Les sondages de vendredi placent la Liste arabe unifiée, l’alliance nouvellement formée des principaux partis arabes, en troisième place, avec 13 sièges, et prédisent au parti centriste Yesh Atid 12 sièges.
Même s’il est à la traîne dans les sondages, Netanyahu pourrait être mieux placé que Herzog pour former une coalition, selon les analystes.
Dans l’intervalle, la guerre des mots entre Netanyahu et l’ancien chef du Mossad Meir Dagan continue, Dagan divulguant une lettre de démission qu’il dit avoir préparée au cas où Netanyahu commandait d’attaquer le programme nucléaire iranien.
Répondant aux accusations du Likud selon lesquelles il a fustigé Netanyahu seulement parce que ce dernier a refusé de prolonger son mandat à la tête du Mossad, Dagan a déclaré aux nouvelles de la Dixième chaîne : « Cela me blesse que le Premier ministre ne dise pas la vérité. Ce n’est tout simplement pas vrai. Je peux vous montrer une lettre que j’ai écrite au Premier ministre, que je lui ai envoyée, où je déposais ma démission. »
« J’ai décidé, et c’est en mon pouvoir de le faire, que s’il attaque l’Iran, je démissionnerais dans l’heure », a déclaré Dagan.
Mais selon des sources du Likud, la lettre a été écrite et envoyée deux mois et demi après que Dagan ait été informé que son mandat ne serait pas prolongé, rapporte Haaretz.
Plus tôt ce mois, Dagan a attaqué le Premier ministre lors d’un rassemblement de gauche massif à Tel Aviv, disant : « Nous avons un leader qui ne mène qu’une seule campagne – la campagne pour sa propre survie politique. »
« Au nom de cette guerre, il nous entraîne vers un Etat binational et vers la fin du rêve sioniste », a déclaré l’ancien chef espion.
Vendredi, le tribunal de district de Lod a statué qu’un journal haredi devait publier au moins une annonce pour la campagne du parti des femmes ultra-orthodoxes, « Bezchutan ». Le journal Yated Neemandevra également payer une amende de 10 000 shekels pour couvrir le coût de la procédure judiciaire.
Le parti Bezchutan [grâce à elles] a été initié en signe de protestation contre les partis ultra-orthodoxes exclusivement masculins, Shas et le Judaïsme unifié de la Torah.
Bezchutan ne devrait pas recueillir suffisamment de voix pour siéger à la Knesset.
La campagne doit se clôturer dimanche soir par un grand rassemblement à Tel Aviv des partis de droite – une semaine après que le centre-gauche a mobilisé des milliers de partisans dans la ville côtière.
Le Premier ministre fougueux a intensifié ses apparitions publiques ces derniers jours, donnant des interviews aux grands journaux et aux chaînes de télévision pour promouvoir la pièce maîtresse de sa campagne : la sécurité.
Netanyahu a averti qu’une victoire de l’Union sioniste porterait atteinte à la sécurité.
Herzog et Livni ont déclaré qu’en cas de victoire, ils partageraient en alternance le poste de Premier ministre, deux ans chacun.
Herzog a reçu le soutien de plusieurs personnalités israéliennes, y compris celui de l’ancien président Shimon Peres, qui a affirmé jeudi que le chef travailliste avait « la tête sur les épaules ».
Vendredi, Yuval Diskin, ancien chef de l’agence de sécurité intérieure Shin Bet, a écrit sur Facebook que Herzog doit devenir le prochain Premier ministre « parce que Netanyahu a échoué dans presque tous les domaines ».
Herzog a déclaré à la Deuxième chaîne samedi que l’élection était « un choix entre le désespoir et l’espoir ».
« La population israélienne en a assez de Netanyahu et sait que je suis le seul qui puisse le remplacer, » a-t-il dit.
Sur le terrain, le camp de la droite a lancé un ultime mot d’ordre de mobilisation générale pour un rassemblement au centre de Tel Aviv, dimanche soir juste avant la fin officielle de la campagne électorale.
Benjamin Netanyahu doit prononcer un discours, de même que les autres ténors de la droite alliés du Likoud, tels que Naftali Bennett, chef du Foyer juif, un parti nationaliste religieux fervent partisan de la colonisation des Territoires palestiniens, ainsi qu’Elie Yishaï, leader de Yahad, à l’extrême-droite religieuse.
L’AFP a contribué à cet article
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