Tzachi Hanegbi, chef du Conseil de sécurité nationale,

Israël-Turquie : ligne rouge en Syrie

Dans un contexte de recomposition géopolitique post-Assad, Israël a récemment haussé le ton face à la Turquie concernant la situation sécuritaire en Syrie. Lors d’une réunion confidentielle en Azerbaïdjan, des responsables israéliens et turcs ont abordé la possibilité de mettre en place un mécanisme de coordination visant à prévenir toute friction militaire entre leurs forces. Un point de blocage majeur a été soulevé : l’établissement éventuel de bases militaires turques dans la région stratégique de Palmyre. Pour Israël, cela constitue une ligne rouge claire.

Dirigée par Tzachi Hanegbi, chef du Conseil de sécurité nationale, la délégation israélienne a prévenu que tout redéploiement turc menaçant la sécurité israélienne serait interprété comme une violation grave, et que le gouvernement syrien en porterait également les conséquences. Bien qu’aucun accord définitif n’ait été trouvé, les deux parties ont convenu de maintenir le dialogue afin d’éviter une escalade militaire.

Un contexte explosif

Depuis la chute du régime d’Assad en décembre 2024, la Syrie est dirigée par Ahmed Shara’a, un ancien chef du groupe Hayat Tahrir al-Sham. Soutenu par la Turquie et le Qatar, ce nouveau pouvoir cherche à restaurer ses relations régionales, notamment avec l’Arabie saoudite. Pourtant, du côté israélien, les inquiétudes sont vives : Shara’a est perçu par certains responsables comme un extrémiste islamiste, malgré une posture pour l’instant non hostile envers Israël.

Israël, qui menait régulièrement des frappes contre les positions iraniennes en Syrie, redoute désormais que l’influence turque vienne combler le vide laissé par Téhéran. À ses yeux, la menace pourrait simplement changer de visage sans pour autant disparaître. L’enjeu pour Jérusalem est clair : empêcher toute puissance étrangère hostile, qu’elle soit iranienne ou turque, de s’installer durablement près de ses frontières, notamment dans le sud syrien.

Le précédent russe

La situation rappelle le scénario de déconfliction mis en place avec la Russie à partir de 2015, lorsque Moscou avait déployé ses forces aériennes pour soutenir Assad. Pour éviter tout accrochage, Israël avait alors instauré un canal de communication permanent avec Moscou, tout en poursuivant ses frappes ciblées contre les positions iraniennes. Aujourd’hui, face à la Turquie, une logique similaire semble se dessiner : éviter la confrontation directe, tout en maintenant ses lignes de sécurité.

En 2018, Israël avait exigé que les forces iraniennes restent à 60 kilomètres de la frontière du Golan. Une demande restée lettre morte, l’Iran ayant persisté à implanter des unités du Hezbollah à proximité. D’où la crainte actuelle : qu’Ankara ne reproduise ce schéma, en installant ses propres systèmes d’armes ou conseillers militaires trop près du Golan.

Un partenaire stratégique mais ambivalent

La Turquie, membre de l’OTAN et alliée de longue date des États-Unis, dispose d’une industrie de défense solide et autonome. Elle fabrique ses propres drones, véhicules blindés et systèmes de missiles. En tant que voisine directe de la Syrie, elle est logiquement en position de force pour soutenir militairement le nouveau régime de Damas. Pour Israël, cela pose une question délicate : jusqu’où laisser Ankara s’impliquer sans remettre en cause l’équilibre stratégique régional ?

Le chef de la diplomatie turque, Hakan Fidan, a déclaré qu’un mécanisme de coordination était envisageable. Une position qui, si elle est mise en œuvre, pourrait réduire les tensions. Mais les relations entre Israël et la Turquie restent fragiles. Ankara héberge des cadres du Hamas, qu’elle soutient politiquement. Le président Erdogan, quant à lui, a parfois comparé Israël à l’Allemagne nazie dans ses discours.

Malgré ces tensions, certains analystes estiment qu’une coopération est inévitable entre deux puissances régionales connectées à l’Occident et engagées dans la stabilisation de la région. Le rôle médiateur de l’Azerbaïdjan, proche des deux pays, pourrait également favoriser un terrain d’entente.

Des négociations encore fragiles

Pour l’instant, les discussions restent à un stade préliminaire. Mais la combinaison de facteurs diplomatiques – soutien de Washington à Erdogan, médiation azerbaïdjanaise, volonté de Damas de renforcer ses liens avec Ankara – laisse entrevoir une nouvelle configuration régionale, où Israël tente d’imposer ses limites tout en restant ouvert au dialogue.

En toile de fond, la crainte d’un regain d’instabilité reste forte. Pour Israël, il s’agit moins de choisir entre Assad et Shara’a que de préserver sa sécurité nationale dans un environnement où les alliances évoluent rapidement.

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