Des survivants aux attaques contre les Alaouites en Syrie accusent
Depuis le 6 mars, plusieurs villages alaouites de l’ouest de la Syrie ont été le théâtre d’attaques sanglantes, coûtant la vie à plus de 1 500 civils. Les témoignages de rescapés décrivent des scènes d’horreur et accusent le nouveau pouvoir d’être impliqué dans ces massacres.
L’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH), organisation basée au Royaume-Uni, a documenté ces violences à caractère religieux, visant principalement la communauté alaouite, minorité chiite à laquelle appartenait l’ex-dirigeant Bashar el-Assad. Avant le conflit, les Alaouites représentaient environ 12 % de la population syrienne, soit près de 2 millions de personnes.
Un climat de peur après la chute d’Assad
Le 29 janvier, les forces rebelles menées par Ahmed al-Sharaa, ancien chef du Front al-Nosra, groupe affilié à Al-Qaïda, ont renversé le régime d’Assad. Malgré ses déclarations en faveur d’une Syrie unifiée et protégeant toutes ses communautés, de nombreux Alaouites craignaient des représailles. Ces craintes se sont révélées fondées lorsque les premières attaques ont commencé en mars.
Une femme alaouite vivant aujourd’hui à l’étranger a partagé avec les médias plusieurs messages envoyés par des proches restés en Syrie. L’un d’eux, daté du 7 mars, décrit le massacre de quatre familles et le pillage des maisons et magasins. Un autre message du 11 mars fait état de « centaines de corps abandonnés dans les hôpitaux » et d’attaques systématiques contre les habitants des villages alaouites.
Des exécutions filmées et revendiquées
Les assaillants, dont l’affiliation reste floue, auraient documenté leurs actions, se vantant de « tuer tous les chrétiens », terme parfois utilisé pour désigner les Alaouites. Des scènes de violence extrême ont été rapportées, y compris des exécutions sommaires et des meurtres d’enfants.
Un témoin raconte qu’une amie, voyant l’inévitabilité de l’attaque, avait préparé un bidon d’essence et un briquet, préférant mettre fin à ses jours plutôt que de subir les assauts des miliciens. Un autre message évoque la présence persistante des groupes armés dans les rues, maintenant un climat de terreur.
Un comité d’enquête contesté
Face aux accusations, le régime d’Al-Sharaa a annoncé la création d’une commission d’enquête sur « les événements de la côte syrienne ». Cependant, de nombreux Alaouites considèrent cette initiative comme une simple tentative de diversion, le comité étant composé de personnes nommées par Al-Sharaa lui-même.
D’après Michael Milshtein, analyste israélien spécialiste du Moyen-Orient, les auteurs de ces crimes seraient les mêmes combattants qui ont pris le pouvoir en janvier. « Ils peuvent porter des costumes aujourd’hui, mais ce sont bien leurs hommes qui ont exécuté ces civils il y a trois semaines », affirme-t-il. Il estime que la situation est loin d’être résolue et que d’autres violences à l’encontre des Alaouites et d’autres minorités pourraient suivre.
Un avenir incertain pour la Syrie
Alors que le pays tente de redéfinir son futur politique, l’écriture d’une nouvelle constitution est déjà source de tensions à Damas. « Il n’y a aucune unité entre les différents groupes ethniques et religieux de Syrie », rappelle Milshtein. « Le pays a survécu sous une dictature autoritaire pendant des décennies, mais aujourd’hui, il n’existe aucune vision commune de son avenir ».
Pendant ce temps, les Alaouites, autrefois privilégiés par le régime Assad, vivent dans la crainte d’une élimination systématique. Si les massacres semblent avoir diminué en intensité, la présence continue de groupes armés dans leurs villages ne laisse rien augurer de bon pour leur avenir.
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