Ils étaient à l’école avec les enfants juifs recueillis dans ce château de Creuse de 1939 à 1943
Né en 1929, André Lelong fut scolarisé avec des enfants juifs hébergés pendant la Seconde Guerre mondiale au château de Chabannes (Fursac). Il réside à l’Ehpad de Fursac. © François Delotte
Les Américains Lisa Gossels et Dean Wetherell ont réalisé en 1999 le documentaire, Les Enfants de Chabannes, long-métrage consacré aux jeunes juifs recueillis dans un village de la commune creusoise de Saint-Pierre-de-Fursac, durant la Seconde Guerre mondiale. Ils assisteront à deux projections du film, jeudi 13 juin, à Fursac et à La Souterraine, en présence de Creusois qui furent scolarisés avec les enfants réfugiés, entre 1939 et 1943.
Voilà 18 ans qu’elle n’avait pas foulé le sol de Creuse. L’Américaine Lisa Gossels, auteure du film Les Enfants de Chabannes, sera à Fursac jeudi 13 juin. Elle sera accompagnée de Dean Wetherell, coréalisateur de ce documentaire paru en 1999, consacré au sauvetage de plus de 400 jeunes juifs recueillis dans un manoir du village de Chabannes, dans l’ancienne commune de Saint-Pierre-de-Fursac, entre 1939 et 1943. Un long-métrage qui fut distingué par plusieurs prix, dont les prestigieux Emmy Awards.
« Lisa m’a envoyé un mail il y a un mois et demi pour me dire qu’elle viendrait en France, relate Raoul Vaugelade, président départemental de l’Association nationale des anciens combattants et ami(e)s de la Résistance (ANACR), et qui était adjoint au maire de Saint-Pierre-de-Fursac en 1998. On s’est dit qui ce serait l’occasion d’organiser des projections du film. Les gens qui ont aujourd’hui 35-40 ans ne savent pas forcément ce qui s’est passé à Chabannes durant la guerre. »
Le père et l’oncle de la réalisatrice Lisa Gossels furent hébergés à Chabannes
Originaires de France et de divers pays d’Europe (Allemagne, Autriche, Pologne…), les filles et les garçons hébergés à Chabannes durant la guerre étaient âgés de 2 à 18 ans. Ils furent pris en charge par l’Œuvre de secours aux enfants (OSE), organisation venant en aide aux jeunes juifs persécutés. Parmi eux, figuraient le père et l’oncle de Lisa Gossels. La documentariste entretient donc un lien particulier avec ce petit bout de campagne limousine et ses habitants.
Singulièrement avec celles et ceux qui, enfants à l’époque, ont été scolarisés en compagnie des petits réfugiés. Comme ce fut le cas de Colette Pascal, aujourd’hui âgée de 90 ans, et qui avait une dizaine d’années en 1943. « C’étaient de très bons élèves. C’étaient des enfants de la ville, ils n’étaient pas habillés comme nous, se souvient-elle. Certains avaient encore des parents, d’autres non. Mais on ne le savait pas. Lorsqu’on les voyait la journée, ils ne se plaignaient pas. C’est après, lorsque j’ai su ce qui leur était arrivé, que j’ai ressenti de la tristesse à leur égard ». Elle ajoute :
Nous savions tout de même qu’ils étaient en danger. Plusieurs fois, certains sont allés passer la nuit dans la forêt. Un soir, un jeune a même demandé à mon père s’il pouvait dormir dans notre étable.
Ces pressions que feront peser les autorités de Vichy et les nazis sur Chabannes aboutiront à l’organisation de deux rafles, en 1942. Six jeunes seront déportés. C’est donc avec une certaine émotion que Colette se rendra à la projection du film, suivie d’une discussion en présence des réalisateurs, à la Micro-folie de La Souterraine, jeudi soir. « C’est important pour moi. Tout cela fait partie de mon existence », confie-t-elle.
Un héritage à transmettre
Plus tôt dans l’après-midi, Lisa Gossels et Dean Wetherell se seront rendus à l’Ehpad de Fursac, où une diffusion du film est également organisée, en présence des élèves de CM2 de l’école communale. École qui porte désormais le nom de Félix Chevrier, républicain à l’humanisme chevillé au corps, qui fut le directeur de la colonie du château de Chabannes durant la Seconde Guerre mondiale.
Les réalisateurs passeront aussi un moment avec André Lelong, 95 ans, et son épouse Ginette, 94 ans, qui ont accueilli Lisa Gossels en Creuse, à la fin des années 1990 et qui furent son relais sur place. « Lorsque je la reverrai, je vais d’abord l’embrasser et lui demander si elle s’est mariée. Et puis nous parlerons de Chabannes. Peut-être qu’elle pourra me dire qui est toujours vivant », livre André, ému.
Car, adolescent, celui-ci a fréquenté plusieurs “enfants de Chabannes”, au cours complémentaire (l’équivalent de l’actuel collège), à Fursac. Et certains sont devenus ses amis, à l’image de Norbert Bikales. « Norbert était très doué, se rappelle André. Il venait de Berlin et ne parlait pas un mot de français en arrivant en Creuse. Mais, quelques mois après, il a été reçu premier au certificat d’études ! »
Durant son séjour en Creuse, Lisa Gossels ira également se recueillir au château de Chabannes. Un lieu qui est aujourd’hui inoccupé. Ce que déplore André Lelong : « Il y a eu un loupé. Il devrait y avoir un musée. Grâce à l’action extraordinaire de quelques personnes, ces enfants ont été sauvés. Il faut s’en souvenir », dit-il. Car si la mémoire des témoins encore parmi nous est toujours vive, celle-ci n’est pas éternelle.
Le château de Chabannes (Fursac) est aujourd’hui inoccupé.
Au programme jeudi 13 juin. Une réception en l’honneur de Lisa Gossels et de Dean Wetherell aura lieu à 11 heures, à la mairie de Fursac Deux projections des Enfants de Chabannes (entrées libres) auront lieu en présence des réalisateurs. La première est prévue à 14h45, à l’Ehpad de Fursac et la seconde à la Micro-folie de La Souterraine, à 18h30. Cette dernière sera suivie d’une discussion avec Christophe Moreigne, auteur des livres La Mesure J. Creuse-Auschwitz été 1942 et La Mention rouge. Les Juifs dans la Creuse sous Vichy et l’Occupation.
JForum.fr avec www.lamontagne.fr
Texte et photos : François Delotte
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Ce château de Chabannes était, à l’époque, situé en zone sud, donc zone libre selon les accords d’armistice de juin 1940, donc sous l’autorité intégrale du régime vichyste au moins jusqu’en novembre 1942. Les enfants Juifs furent arrêtés et envoyés en déportation par des gendarmes français qui n’ont jamais été inquiétés après la Libération, comme d’ailleurs la quasi-totalité des politiciens vichystes responsables de ces crimes d’enfants. Avec tout cela, il fallait vraiment que les Juifs d’Algérie, écrasés et exploités par un siècle d’impérialisme colonial, soient complètement abrutis et masochistes pour se réfugier en 1962, 17 ans après la guerre, dans un pays aussi antisémite de ratés. Qu’avaient-ils à gagner d’un tel pays qui les écrasait depuis déjà un siècle ? Une super bévue dont il faut tirer les leçons. Et dire que des Juifs vont actuellement voter pour les partisans » du Pétain qui a sauvé les Juifs », du » Charles Maurras qui a approuvé l’abrogation du Décret Crémieux », et » les enragés de la destruction de l’État Juif ». Quelle déchéance de ces Juifs de France !