Le Professeur Maurice-Ruben HAYOUN est un auteur prolifique et des plus ouverts sur son temps. Il peut aussi bien nous parler d’Emmanuel Levinas, du Golem de Gustav Meyrink comme nous donner son sentiment sur la politique nationale et internationale. Ici même, sur JForum, il nous a ainsi livré de très beaux textes.

Autre exemple de sa capacité d’adaptation, il profite de son séjour à New York pour écrire plusieurs chroniques, que nous avons le plaisir de retranscrire ici.

Voici la neuvième et dernière de ces chroniques (pour lire les 8 précédentes : Chroniques New Yorkaises : Pessah à New York, Chroniques New Yorkaises II par Maurice-Ruben HAYOUN©Chroniques New Yorkaises III par Maurice-Ruben HAYOUN©Chroniques New Yorkaises IV par Maurice-Ruben HAYOUN©Chroniques New Yorkaises V par Maurice-Ruben HAYOUN©), Chroniques New Yorkaises VI par Maurice-Ruben HAYOUN©Chroniques New Yorkaises VII par Maurice-Ruben HAYOUN© et Chroniques New Yorkaises VIII par Maurice-Ruben HAYOUN©)

 


New York est une ville juive

 

Baroukh atta ha-Shem….. ha-motsi léhem min ha arets : Béni sois tu Eternel qui fait jaillir la nourriture de la terre !

Ce n’est pas dans un monde clos, dans un domicile privé à New York, que j’ai pu entendre chanter cette prière qui accompagne tous les repas des familles juives pratiquantes. Mais bien au second étage de ce restaurant italien Serafina, si prisé de Madison, et où les gens les plus distingués font la queue, le temps de leur trouver une table où dîner.Résultat de recherche d'images pour "serafina new york"

Mais hier, vers 19h30 à New York, c’est la fin de pessah et j’ignorais qu’à défaut de Mimouna comme en Israël ou en France, les juifs se rendaient dans des restaurants italiens afin d’y dévorer des pizzas et des pasta.

Nous arrivons parmi les premiers à Serafina puisque nous sommes logés au coin de la rue. Nous nous frayons un chemin parmi les clients parmi lesquels les Français ne sont pas rares. Nous croisons ainsi une dame française qui dit adorer les pâtes…

On nous installe les premiers et je reconnais les serveurs, les latinos, ces pauvres hommes qui survolent les étages, les plats à la main. New York n’est pas un lieu facile pour ceux qui sont pauvres, inéduqués et désargentés. Leur seule ressource est leur force de travail. C’est ce que je souffle à l’oreille de Paul W., le fils de Sophie, lequel venait de rudoyer un serveur sous mes propres yeux. Rien de méchant. Lui aussi sait travailler dur.

Nous sommes en train de passer commande, quand arrive une nouvelle fournée d’invités, une bonne vingtaine, tout le monde embrasse tout le monde. Les hommes se donnent l’accolade, les femmes, embijoutées de la tête au pied, s’inspectent et se regardent, l’œil vif.

Je dis à Danielle que ce sont des Italiens et qu’on ne pourra pas s’entendre, tant ces gens ont le verbe haut. Mais Jonathan qui est assis à l’autre bout de la table, me dit entendre la bénédiction juive de ha-motsi  léhem : nos voisins ne sont pas des Italiens mais de bons Juifs New Yorkais séfarades.

Une nouvelle table, plus jeune, s’installe tout près de moi. Je lance un sonore hag saméah et la réponse de la table voisine fuse : hag saméah…

Par les temps qui courent, ce n’est hélas pas à Paris qu’une telle expérience pourrait être vécue. Et c’est bien dommage. D’ici, la France semble être la tête d’une aiguille dans un océan sans fin. C’est-à-dire peu de choses.

Un exemple ou plutôt deux : je croyais que nos musées, notamment le Louvre et d’autres endroits étaient les plus beaux.. Mais j’avais oublié le Met et surtout je n’avais encore jamais vu la Frick Collection.

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C’est quelque chose d’unique au monde, einmalig comme disent les Allemands. Mon indigence en histoire de l’art me prive de l’avantage d’en parler car ce serait tenir des discours d’analphabètes, mais quand je suis ressorti de ce mussé, fondé par un éminent sidérurgiste américain originaire de Pittsburgh, je n’ étais plus le même : cet amateur d’art du début du XXème siècle a été un bon serviteur de l’humanité même si, dans sa jeunesse, il a financé des gens qui furent des briseurs de grève. Et au fond, s’il ne l’avait pas fait, aurions nous eu ces richesses artistiques inestimables ?

Il y a des portraits faits par Holbein qui sont stupéfiants. Et les pièces d’exposition sont majestueuses ; qui peut encore vivre dans de telles demeures fastueuses ?

En quittant cette fastueuse demeure où le généreux mécène n’a pu passer que cinq années de sa brève vie, le soleil brille sans discontinuer, la rue est calme et nous nous amusons à lire les noms gravés sur les plaques à l’entrée des portes cochères : que des noms de juifs ashkénazes : des médecins, des avocats, des kinésithérapeutes, bref tout est représenté.

Le jeune Oliver Braunschweig, venu nous rendre visite l’après midi avec son père Monsieur Arthur Braunschweig de Zurich, m’apprend qu’avant d’arriver à ce statut, les Juifs ont eu à combattre bien des antisémites et à surmonter bien des obstacles.

New York est donc bien une ville juive d’après le nombre de nos frères qui y résident, d’après le nombre de ses synagogues : comme il était agréable, les précédents jours, de contempler tous ces hommes qui sortaient des offices religieux leur taléth sous le bras, leur kippa sur la tête. Quel singulier contraste avec d’autres pays où il est désormais dangereux de s’afficher juif.

New York, la nouvelle terre promise… Mais je dois bien dire : la mimouna chez Annie et Jacques A. m’a tant manqué.

Maurice-Ruben HAYOUN

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Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève

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