« Tu institueras des juges (choftim) et des magistrats (chotrim) dans toutes les villes (chaârekha) que l’Eternel ton Dieu te donnera (…). N’accepte point de présent corrupteur (choh’ad)… (Dt, 16, 18 et sq). Bible du Rabbinat.

Choftim: « Tu institueras des juges et des magistrats »

C’est dans cette paracha, avec la paracha Ytro, que l’on retrouve les éléments essentiels du système juridique d’Israël et de son éthique de la justice.

Mais quel est l’apport singulier de cette paracha-ci par rapport à la parachat Ytro? Précisément qu’il y soit question non seulement des juges, à proprement parler, des chophtim, mais aussi des chotrim, des officiers d’exécution de leurs sentences.

Qu’est ce qu’un choter? En hébreu contemporain, un policier. En quoi consiste la fonction de police ainsi entendue? Il faut une fois de plus se rapporter à l’étymologie du mot hébraïque.

ChOTeR est construit sur la racine ChTR que l’on retrouve dans ChTaR, la traite, l’effet civil ou commercial qui a force jugée et qui devient opposable légitimement et légalement. Cette racine est affine à la racine STR qui désigne cette fois la contradiction plus intense.

Autrement dit, pour un peuple qui se prépare à vivre de sa vie propre, désormais sans miracles et sans manne, il importe de bien le comprendre: la vie d’une collectivité humaine n’est pas réellement assurée lorsque la Loi n’y est acceptée que de bouche, que l’on reste porté à se faire justice à soi même, si cette expression avait le moindre sens, ou bien une fois que la sentence est rendue que l’on se mette en situation de ne pas lui donner suite, de ne pas la rendre effective.

Dans ce cas, de proche en proche, le jugement, puis l’institution judiciaire, puis la Loi elle même seront vidés de leur sens.

Pour le dire avec les philosophes du droit, dans ce cas, guette le retour à l’état de nature, celui de la guerre de tous contre tous.

La fonction essentielle des chotrim est d’éviter que l’institution judiciaire ne se dégrade au point de perdre elle-même toute effectivité.

Telle est l’une des contraintes de l’Etat de droit. Comme l’a indiqué Thomas Mann à la fin de son livre Das Gesetz (la Loi): « Que j’aie tort, ou que j’aie raison: la Loi ».

Il incombe ainsi aux chotrim de veiller à ce que les jugements rendus dans les Baté dinim par des juges inaccessibles au lucre et à la corruption soient effectivement exécutés.

Ce n’est pas qu’il faille imposer une vision «totalitaire» de la Loi. Mais il ne faut pas oublier qu’en droit hébraïque la fonction judiciaire a pour finalité de réconcilier les parties en présence.

Lorsqu’une sentence judiciaire n’est pas appliquée, c’est cette réconciliation, ce renouement du lien social qui se retrouve en extrême souffrance.

D’où la nécessité de traduire, là encore, aussi exactement que possible le mot chaâr, qui désigne les lieux particuliers où doivent être situés chophtim et chotrim.

Ce mot ne signifie pas exactement «ville» qui se dit en hébreu îr mais plus précisément les lieux de transit, les points de passage potentiellement conflictuels.

Pour un peuple libre, plus les transactions de toutes sortes se multiplient plus les risques de friction deviennent grands.

On observera dans ces condition que les lettres du mot ChaÂR se retrouvent en premier lieu dans le mot RaÂCh, qui désigne le bruit, le tumulte, ce qui empêche les uns et les autres de s’entendre au risque de se mécomprendre et donc de laisser malentendus se multiplier et bientôt la violence ressurgir.

Aussi ces mêmes lettres se retrouvent – elles cette fois dans le mot RaChÂ: le méchant, terme qui n’a pas besoin d’être commenté plus avant – on soulignera simplement que dans la Haggada de Pessah le rachâ est bien celui qui récuse le principe que la loi commune lui soit applicable.

Enfin quant au redoublement du mot «tsedek», comme pour tout redoublement de terme dans la Thora, il signifie que la justice elle même ne doit pas être impulsive mais réfléchie; qu’il n’est pas de bonne justice sans respect de deux principes vitaux: celui du contradictoire entre les parties, et celui du double degré de juridiction, de la capacité pour tout justiciable de faire appel.

JForum avec Raphaël Draï zatsal raphaeldrai.wordpress.com

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Asher Cohen

Article intéressant, comme le précédent sur chotrim, mais ces idées juives, datant de l’Antiquité, ne sont pas appliquées en France.

Il faudrait faire apprendre par coeur le texte de la paracha chotrim aux magistrats français, leur en faire étudier nos commentaires rabbiniques multiséculaires, et contrôler, par un examen, qu’ils ont bien assimilé ce sujet, avant de prétendre pratiquer la Justice. Les juges français ont en effet besoin de comprendre et savoir ce qu’est la Justice, et cela commence par la recherche implacable de la vérité. J’ai vu des magistrats français se laisser berner par des sociopathes en liberté qui jouaient aux médicaillons dans le système de santé français, manipulant, exploitant, et violant les droits fondamentaux des autres, des conditions communes aux gens en prison. Il est effrayant de voir combien sévissent à des postes aussi sensibles que médecin, des médicaillons totalement irresponsables, incompétents bien sûr, et vivant dans des mondes de fantaisie marqués par l’illusion, tout cela avec tous les morts qui découlent de ces sociopathes. Je sais que c’est souvent difficile à détecter, mais n’est-ce pas le métier des magistrats, rémunérés par le con-tribuable, d’apprendre à identifier la Réalité des sociopathes en liberté dans la société française ?

Quand aux policiers corrompus, complices de la criminalité et de la délinquance de la médicaillerie, ce ne sont sûrement pas les chotrim, inconditionnels de la vérité et de la Justice qu’évoque cet article.

Les Juifs de France qui acceptent de vivre avec un système judiciaire putréfié de corruption, ont vraiment adopté les penchants de l’hypocrisie catholique. Les Juifs sensés fuient ce pays d’injustices graves. Qui a raison des deux?