BEYROUTH, 21 juillet 2010 (AFP)
Une délégation de 35 druzes israélo-arabes a été exceptionnellement autorisée à se rendre au Liban pour assister à un congrès international de cette communauté, a annoncé mercredi le dirigeant druze libanais Walid Joumblatt.
« Je me suis mis d’accord avec les autorités syriennes, libanaises et palestiniennes pour qu’elles leur donnent des laissez-passer » pour assister au « premier congrès de ce genre », de mardi à jeudi, a expliqué M. Joumblatt.
Le Liban et la Syrie sont techniquement toujours en guerre avec Israël et interdisent à quiconque possédant un passeport israélien ou n’importe quel passeport portant un tampon israélien de franchir leurs frontières.
D’après M. Joumblatt, la délégation druze israélo-arabe a traversé la Jordanie et la Syrie avant d’entrer au Liban pour participer au congrès. « Le but de ce congrès est de réaffirmer l’appartenance arabe et musulmane des druzes », a encore affirmé M. Joumblatt, qui recevra samedi tous les délégués dans la maison familiale, située dans le Chouf, au sud-est de Beyrouth.
Le congrès rassemble 840 délégués venus de 37 pays, notamment des Etats-Unis, d’Argentine, de Suède, d’Ukraine et d’Australie, ont indiqué ses organisateurs à l’AFP. D’après des estimations non officielles, les druzes, minorité musulmane hétérodoxe du Proche-Orient, seraient environ 250.000 au Liban, 150.000 en Israël et un demi-million en Syrie.
Souvenez-vous : c’était en mai 2008. Le leader druze Walid Joumblatt, chef du Parti socialiste progressiste (PSP) et figure éminente de la majorité politique libanaise, réclame, à l’occasion d’une conférence de presse la destitution de l’officier responsable de la sécurité de l’aéroport de Beyrouth, Walid Choucair, ainsi que l’expulsion de l’ambassadeur de la République islamique d’Iran, Mohammed Reda Chibani, et l’interdiction des vols de la compagnie Iran Air.
S’en suivront, quelques jours plus tard, des accrochages sans précédent entre le Hezbollah, épaulé par ses alliés de Amal et les miliciens pro-14 mars, fidèles à Saad Hariri, chef de la majorité et proche de Joumblatt… Les Libanais eurent chaud. Ils échappèrent de justesse à une nouvelle guerre civile, sauvée par les accords de Doha…
Un an et des poussières plus tard, c’est le même Joumblatt, ex-abonné aux salons feutrés des néo-conservateurs américains, lors de ses déplacements à Washington, et ex-ennemi déclaré du Parti de Dieu et de ses alliés de Damas et Téhéran qui fait la cour à … la République islamique d’Iran. Dans une interview avec Press TV -chaîne iranienne en langue anglaise – , il suggère haut et fort que le Liban se fournisse en armes chez les Iraniens pour se protéger d’Israël…
« Nous avons besoin d’armes anti-char… Je pense qu’on peut trouver ce genre d’armes en Iran, Russie ou Chine », dit-il. En précisant : « Les Américains ne sont pas disposés à nous fournir de telles armes. Ils ont peur qu’elles soient utilisées contre Israël. Okay, mais mon ennemi est Israël ».
En juin, il avait déjà surpris son monde en rencontrant Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah (voir photo ci-dessus).
Expert en coups tordus et retournement de veste, Joumblatt a tout du parfait politicien : il avance dans le sens du vent. Son divorce du 14 mars est avant-tout stratégique. Il a tiré les leçons des affrontements de mai de 2008 en réalisant la difficulté à faire le poids contre le Hezbollah, et surtout il a pris acte de la fin de la politique d’isolement de la Syrie.
Ce vieux briscard de la politique libanaise n’a pas fini de nous surprendre. Mais c’est aussi le secret de sa survie politique.
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