WASHINGTON – La publication de propos explosifs du général McChrystal met la Maison Blanche en position délicate: Barack Obama aura du mal à passer l’éponge face à l’insubordination manifeste de son commandant en Afghanistan, à un moment clé de l’offensive contre les talibans.
Stanley McChrystal, patron des troupes américaines et de l’Otan en Afghanistan, a été convoqué à la Maison Blanche pour s’expliquer mercredi en personne après la publication par le bimensuel Rolling Stone d’un article dans lequel le général fait apparaître ses relations avec Washington sous un jour houleux.
Cet article revient sur les frictions apparues entre l’armée et la Maison Blanche à l’automne, quand M. Obama mûrissait sa décision d’envoyer des renforts en Afghanistan. Le général dit avoir trouvé cette période « pénible ».
Un de ses conseillers ajoute sous le couvert de l’anonymat que le général âgé de 55 ans, dont 34 sous l’uniforme, n’a pas retiré une bonne impression d’une rencontre avec M. Obama à la Maison Blanche.
Selon les propos retranscrits dans l’article, le général McChrystal et ses adjoints se sont aussi moqués du vice-président Joe Biden, connu pour son scepticisme face à sa stratégie en Afghanistan, employant le jeu de mots « Bite Me » (« va te faire voir ») sur le nom de M. Biden.
Le vice-président, interpellé mardi matin par des journalistes à la Maison Blanche, s’est contenté de répondre: « j’aurai tout le temps de parler de l’Afghanistan ».
Le général McChrystal, un ancien des forces spéciales, a immédiatement présenté ses « plus sincères excuses pour ce portrait » et affirmé que « c’était une erreur révélant un piètre jugement et cela n’aurait jamais dû se produire ».
Le vice-président américain Joe Biden, le 17 juin 2010 à Washington
Mais le mal est fait au moment où la campagne contre les talibans en Afghanistan est entrée dans une phase critique avec une concentration des efforts contre leur fief de Kandahar (sud).
Le secrétaire à la Défense Robert Gates a estimé que le général McChrystal avait commis une « faute importante », tandis que le chef d’état-major interarmées, l’amiral Michael Mullen, s’est dit « profondément déçu », ce qui augure mal de la pérennité du général à son poste.
En revanche, tant le secrétaire général de l’Otan, Anders Fogh Rasmussen, que l’ambassadeur des Etats-Unis en Afghanistan, Karl Eikenberry, l’ont soutenu.
Même tentative d’apaisement chez John Kerry, président démocrate de la commission des Affaires étrangères du Sénat, qui a appelé « tout le monde à reprendre son souffle » et à laisser M. Obama et le général « discuter face à face ».
Ses collègues républicains John McCain et Lindsey Graham, dans un communiqué conjoint avec l’indépendant Joe Lieberman, ont noté que les propos du général étaient « déplacés et incohérents avec la relation traditionnelle qu’entretient un commandant en chef avec l’armée », mais souligné que « l’avenir du général McChrystal doit être décidé par le président des Etats-Unis ».
M. Obama peut-il toutefois se permettre de se séparer maintenant d’un général par ailleurs salué pour sa maîtrise du terrain en Afghanistan’
« Le général McChrystal est un général de premier ordre », estime Michael O’Hanlon, expert de l’institution Brookings, pour qui les déclarations publiées par Rolling Stone sont « très dommageables » mais ne « correspondent pas à la personnalité » du chef militaire.
« Même si la Maison Blanche a toutes les raisons d’être profondément inquiète et en colère, j’espère que le président Obama gardera McChrystal, car le général sait l’extrême gravité de son erreur et il ne recommencera sûrement pas. En outre, nous avons besoin de lui dans cet effort de guerre et il serait très difficile de le remplacer », juge M. O’Hanlon.
Rolling Stone, le site (en anglais)
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