La Haute Cour de justice a reporté l’arrestation de 22 mères de famille d’Emmanuel, qui ne se sont pas présentées auprès des autorités. Leur sort sera déterminé après de nouvelles discussions, vendredi matin, a précisé le juge Edmund Levy.
PHOTO: MARK NEYMAN/GPO , JPOST
En revanche, 35 pères d’élèves de l’école Beit Yaacov ont entamé leur peine de prison de deux semaines, pour avoir refusé d’appliquer une décision de la Cour exigeant que soient supprimées les méthodes discriminatoires de l’école en question. La communauté hassidique des Slonim a salué leur détermination à « privilégier la Torah » plutôt que la loi de l’Etat.
Plus de 100 000 ultra-orthodoxes (haredim) de Jérusalem et Bnei Brak ont défilé jeudi, en soutien aux parents d’élèves d’Emmanuel. Pour eux, la Haute Cour de justice tente d’intervenir dans leurs valeurs éducatives et manque de respect envers leurs rabbins. Une manifestation d’une telle envergure n’avait pas été organisée depuis plusieurs années et semblait souligner le fossé grandissant entre la communauté haredi et les institutions nationales.
Manifestation pacifique
Peu après 19h, deux autobus transportant les 35 hommes sanctionnés sont arrivés aux quartiers généraux de la police, à Jérusalem, d’où ils ont ensuite été conduits à la prison Maasiyahou, près de Ramlé. Vingt-deux femmes et quatre hommes, qui devaient également servir de courtes peines de prison ne se sont pas présentés à la police et tenteraient même d’échapper aux autorités. Jeudi soir, la police était à leur recherche.
Pendant les manifestations de masse, jeudi, les organisateurs ont réfuté, à plusieurs reprises, les accusations de ségrégation raciste attribuées aux pratiques de l’école Beit Yaacov. « Qui peut prétendre que nous agissons contre les séfarades, alors que nous étudions leurs formidables commentaires ? », a demandé le rabbin lithuanien Yossef Efrati. Si la grande majorité des protestataires s’avéraient être ashkénazes, l’un des trois pères séfarades sur le point d’être envoyé en prison a pris la parole au nom des parents d’élèves d’Emmanuel. « Je pars en prison, la tête haute », a déclaré Rephaël Elmaliah. « Nous ferons ce que nous conseillent nos rabbins et ils se chargeront de l’éducation de nos enfants, que nous laissons derrière nous. »
La manifestation de jeudi était également l’occasion pour la population haredi de se distinguer de certains courants ultra-orthodoxes minoritaires, généralement mobilisés sous l’influence d’Eda Haredit et dont les manifestations se soldent très souvent par des altercations violentes avec les forces de l’ordre. C’est précisément ce qui s’est passé la veille, à Jaffa, et il y quelques semaines à Ashkelon – concernant le déplacement de sépultures dans les deux cas. L’année dernière, de violents affrontements à Jérusalem avaient éclaté après l’arrestation d’une femme accusée d’affamer son enfant.
« J’appelle chaque personne présente aujourd’hui à suivre les ordres de nos rabbins et de ne pas troubler l’ordre public, de quelque manière que ce soit », a annoncé le porte-parole du mouvement de protestation. « Si vous voyez quelqu’un avoir recours à la violence, arrêtez-le tout de suite. » Aucun acte de violence n’a été rapporté par les forces de l’ordre.
Shas, pris entre deux feux
« Arrêter des femmes, des mères… qui laissent leurs familles derrière elles… Je pense que de tels événements n’ont pas eu lieu dans un pays civilisé depuis la fin de la guerre en Allemagne », a commenté le rabbin de la communauté des Slonim, Shmouel Barazovsky, mercredi soir. Il a ensuite donné 500 dollars à chaque parent convoqué par la police le lendemain. Ce serait, par ailleurs, sur les conseils de Barazovsky que les femmes sanctionnées auraient pris la fuite plutôt que de se rendre en prison – bien que les Slonim ont assuré qu’aucune coordination de la sorte n’a été effectuée entre la communauté hassidique et les mères de famille.
Par ailleurs, lors d’une réunion avec le président Shimon Peres, le vice-ministre de l’Education Meïr Poroush a éclaté en sanglots en déplorant l’hostilité croissante entre les différents segments de la population haredi, ainsi qu’entre les communautés religieuse et laïque. « Nous n’avons pas besoin de nous détruire de l’intérieur », a déclaré à son tour le rabbin de Migdal Haemek et lauréat du prix d’Israël, Itzhak David Grossman, qui accompagnait Poroush. Pour les deux hommes, deux jours de négociations avec les parents d’Emmanuel devraient leur permettre de trouver une solution acceptable pour tous. Mais, pour Peres, la loi est la loi, et la décision de la Cour doit être respectée.
Enfin, le Conseil des Sages (du parti Shas) s’est réuni jeudi soir et a publié un communiqué dans lequel il s’oppose aux pratiques discriminatoires de Beit Yaacov, mais critique également l’intervention de la Haute Cour de justice. Le parti Shas semble particulièrement embarrassé par l’affaire d’Emmanuel : il peut difficilement s’opposer à la loi juive et aux grands rabbins. D’un autre côté, il a choisi de s’opposer à la ségrégation ethnique et, d’ailleurs, l’un des initiateurs du procès n’est autre que le fils du leader spirituel du parti (Ovadia Yossef), le rabbin Yaacov Yossef.
Les ultraorthodoxes défient Israël
Ce jeudi, à Bnei Brak, près de Tel-Aviv, des dizaines de milliers d’ultraorthodoxes ont manifesté contre la décision de la Cour suprême de supprimer les discriminations entre Ashkénazes et Séfarades dans une institution scolaire.
Ils ont défilé ce jeudi pour protester contre une décision de la Cour suprême contraignant des parents d’élèves ashkénazes à accueillir des fillettes séfarades dans une école religieuse de la colonie d’Immanuel, en Cisjordanie.
Un nouveau contentieux entre les juifs ultraorthodoxes et les autorités israéliennes a déclenché ce jeudi des manifestations monstres à Jérusalem et dans d’autres villes du pays. En chapeaux et longs manteaux noirs sous un soleil de plomb, des dizaines de milliers d’ultraorthodoxes ont défilé ce jeudi pour protester contre une décision de la Cour suprême visant à interdire la ségrégation d’élèves séfarades dans une école religieuse ashkénaze de la colonie d’Immanuel, en Cisjordanie.
La police avait déployé un important dispositif pour prévenir tous débordements. Unités à cheval, hélicoptères et forces antiémeute avaient pris place dans les rues de la ville. Dans l’après-midi, plus de 80.000 manifestants ont défilé en cortèges serrés depuis le quartier ultraorthodoxe de Mea Shearim vers le Russian Compound, où se trouve la prison de Jérusalem dans laquelle devaient être incarcérés les parents d’élèves accusés d’avoir défié la décision de la cour. Les manifestants brandissaient des pancartes dénonçant le «fascisme» de la Cour suprême et défendant les parents d’élèves.
Environ 20.000 manifestants ultraorthodoxes s’étaient aussi rassemblés à Bnei Brak, près de Tel-Aviv.
Ce nouveau conflit entre le monde ultraorthodoxe et les institutions israéliennes a éclaté après un arrêt de la Cour suprême contraignant des ultraorthodoxes ashkénazes de la colonie d’Immanuel à accueillir dans leur école des fillettes séfarades. Des parents d’élèves ashkénazes, juifs originaires d’Europe centrale, appartenant au groupe hassidique Slonim, avaient exclu l’an dernier des élèves séfarades de l’école de Beit Yaakov, invoquant les différences entre les traditions religieuses séfarades et ashkénazes. Ils avaient ensuite retiré leurs propres enfants de l’école pour protester contre une première décision de justice les obligeant à intégrer les petites séfarades. Accusés de discrimination raciale, les parents d’élèves ont été condamnés à quinze jours de prison, et devaient être incarcérés hier à Jérusalem.
Discriminations récurrentes
L’affaire fait ressurgir les profonds clivages qui divisent le monde ultraorthodoxe et le reste de la société israélienne, mais aussi les Ashkénazes et les Séfarades, juifs originaires d’Orient et d’Afrique du Nord, qui font l’objet de discriminations récurrentes, quoique non dites.
Les autorités religieuses séfarades sont restées silencieuses sur cette affaire. Toutes mouvances confondues, les juifs ultraorthodoxes partagent le même refus d’ingérence des autorités dans les affaires religieuses, et récusent régulièrement l’autorité de la Cour suprême, la plus haute instance juridique israélienne, au nom de la primauté de la Torah et de la loi religieuse sur les juridictions temporelles.
Shimon Pérès, le président israélien, a rencontré le rabbin Meir Porush, figure de la communauté orthodoxe ashkénaze pour tenter de trouver un compromis, mais ces tentatives de conciliation ont échoué. Le premier ministre Benyamin Nétanyahou, dont la coalition dépend du soutien des partis ultraorthodoxes est resté silencieux, se contentant d’appeler à «trouver une formule de compromis satisfaisante pour tous».
Les juifs ultraorthodoxes vivent en vase clos dans leurs communautés fermées, rangées derrière leurs rabbins, attachées à leurs traditions religieuses et à la stricte observance de la Torah. Ils représentent environ 10% de la population israélienne, soit environ 700.000 personnes, mais leurs partis pèsent d’un poids important dans les différents gouvernements israéliens. Ils sont souvent critiqués par les médias pour leurs nombreux privilèges, notamment l’exemption de service militaire, et les subventions de leur système scolaire uniquement centré sur les études talmudiques.
Ils manifestent régulièrement dès que l’État s’immisce dans leurs affaires. Ces «guerres du sabbat», qui donnent lieu à des manifestations parfois violentes, sont récurrentes, déclenchées sous des prétextes variés, allant du non-respect du sabbat par des parkings fonctionnant le samedi à toutes formes d’interventions de l’État dans les affaires de leurs communautés. La police israélienne a réprimé ce mercredi à Jaffa une de ces manifestations, suscitée par des travaux qui avaient découvert des tombes anciennes. Une dizaine de personnes avaient été blessées dans les heurts avec la police. Les policiers israéliens n’ont cependant jamais recours dans leurs accrochages avec les ultraorthodoxes à des gaz lacrymogènes ou autres armes antiémeute, couramment utilisées contre les manifestants palestiniens.
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