Pourquoi Hugo Jaeger, célèbre photographe allemand dans les années 30, nazi de la première heure et l’un des rares photographes admis dans le cercle restreint des intimes d’Hitler pour immortaliser le Führer, a-t-il réalisé ces photos exceptionnelles de juifs du ghetto de Kutno en Pologne ? 

 

 

Exceptionnelles, ces photos le sont à plus d’un titre. D’abord en raison de la personnalité du photographe, familier d’Hitler, envoyé en Pologne sous l’uniforme comme correspondant de guerre pour fixer des images de propagande telles qu’on en a vu des centaines. Ensuite parce que Jaeger est l’un des rares photographes allemand à utiliser alors la nouvelle technologie des films couleurs produits par Kodak, ainsi qu’un procédé permettant de visionner ces photos en 3D.

 

 

Ces clichés, une trentaine, ont été pris entre la fin de l’année 1939, peu après l’invasion de la Pologne par les nazis, et 1940, dans le ghetto de Kutno, une ville se trouvant à une cinquantaine de kilomètres de Lodz. Le ghetto, situé sur le terrain d’une ancienne sucrerie, comptera 8000 juifs et sera liquidé en 1942. Ses rares survivants seront exterminés dans le camp de Chelmno.

 

 

A contrario de la plupart des photos prises par les nazis dans les ghettos et connues jusqu’ici, visant à montrer les juifs comme des sous-hommes, des images de domination, de soldats aryens humiliant ces habitants, les photos prises par Hugo Jaeger font preuve d’empathie. De curiosité aussi, peut-être de fascination, du moins ne témoignent nulle hostilité, sinon de la misère et des privations régnant dans le ghetto.

 

 

Elles appartiennent au magazine Life, qui les a présentées à l’occasion du 72è anniversaire de l’établissement du ghetto de Varsovie. Leur histoire est également étonnante. Hugo Jaeger, craignant d’être arrêté par les alliés en 1945 en possession de plus de 2000 clichés d’Hitler, enterra ses négatifs dans des récipients en métal qu’il cacha aux abords de Munich. Il les retira de ses cachettes au fil des années qui suivirent la fin de la guerre, plaça les négatifs dans un coffre en Suisse en 1955, et les vendit à Life dix ans plus tard.

 

 

Il est bien sûr impossible de dire avec certitude dans quelles conditions ces photos ont été réalisées, visiblement pas sous la contrainte, et à l’exception d’une seule, sans présence de soldats. Qu’il l’ait voulu ou non, Hugo Jaeger a réalisé des portraits d’hommes, de femmes et d’enfants juifs promis à la destruction, dans toute leur humanité. Un témoignage unique et stupéfiant, d’autant plus fort que certaines de ces photos, tels ces portraits de jeunes femmes bouleversantes de beauté, semblent avoir été pris hier, et non voilà 72 ans dans un ghetto de Pologne, antichambre des camps de la mort.

 

 

 

 

 

 

 

 

Alain Granat

Photos © Time Life Pictures/Getty Images, merci à Clara Lainé Malinow

Article publié le 22 octobre 2012. Tous droits de reproduction et de représentation réservés © 2013 Jewpop

 

D’autres photos sont également visibles sur le site benatlas.com

 

Des informations sur le ghetto de Kutno sur le site de Yad Vashem (en anglais)

Consulter les photos sur la base de données Time Life

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ohayoun

ces photo sont tres belles et tres emouvantes n ont donnees des sanglots dans la gorge ce photographe a su saisir la beaute l humanite des personnages malgre leur condition de vie leur extreme denument leur pudeur devant le voyeurisme du photographe le drame qui se prepare qui aparait avec le deuxieme portrait cette fois ci plein de souffrance muette je ne sais pas ce qu il faut en faire …en tout cas aucune exploitation…sinon du receuillement.

Marc

Baroukh dayan Haemet. Il faut savoir que le camp de Chelmno est le lieux d’expérimentation des fameuses GazWagen de Walter Rauf, antichambre de l’antichambre d’Auschwitz. A quel moment précis de l’installation nazie dans les parages, ces photos ont-elles été prises et avec quelle « retenue » pour ne pas effrayer les victimes de cette « enquête anthropologique » avant la catastrophe réelle? Le témoignage demeure « étrange », il ne faut sans doute pas trop questionner et le conserver tel quel…