Traverser « le territoire de Daesh » avec les combattants Givati

 

Alors que les enfants se baignent dans une piscine d’eau naturelle, du côté israélien du sud des hauteurs du Golan, un djihadiste de Daesh inculque aux enfants syriens, de l’autre côté, comment tirer au fusil d’assaut. Le correspondant d’Ynet s’est joint à une patrouille des Givati pour traverser la barrière de délimitation du territoire, dans la région la plus dangereuse et explosive, où Tsahal se prépare à d’éventuelles infiltrations de dizaines de terroristes de Daesh. 

Un groupe d’enfants balance leurs pieds dans une piscine, sur les pentes abruptes descendant en contre-bas du Kiboutz Meitzar, dans le Sud-Est des Hauteurs du Golan. Cette image ravissante est encore enrichie par la verdeur de la prairie voisine, où paissent et s’abreuvent des vaches et des chevaux au clapotis de l’eau provenant des fleuves du Yarmouk et de Ruqqad. Un tank de Tsahal protège les enfants à quelques longueurs au-dessus d’eux. La route serpente vers le Sud en direction du triangle frontalier avec la Jordanie. La vision depuis le poste de garde des soldats des forces blindés est stupéfiante. Le calme n’est perturbé que par les tirs d’artillerie qu’on peut entende d’ici à un rythme presque hebdomadaire.

De l’autre côté de la frontière, alors que les enfants israéliens se baignent sans être dérangés dans ce joyau  de verdure dissimulé en pleine nature, un garçon syrien du village voisin dAl-Sharaf apprend comment tirer au fusil d’assaut AK 47, guidé dans ses gestes par un membre de l’Etat Islamique, avec une portée de tir improvisée, entre un poste abandonné des Nations-Unies et les coteaux du fleuve Ruqqad.

« Tout est vert ici, les gens viennent ici faire du trekking et jouir de la nature et de ce paysage fascinant, et à à peine quelques kilomètres d’ici, c’est le chaos le plus total. », remarque le Lieutenant-Colonel Nir Ben Hamo, commandant de la patrouille de l’unité Givati, qui est responsable de ce secteur depuis quelques mois. Le même paysage en vue, mais à partir de deux mondes complètement différents.

Military exercise on the border triangle, the heart of the most explosive area (Photo: Ido Erez)

Exercice militaire à la frontière, le cœur de la zone la plus explosive de la région (Photo: Ido Erez)

Alors qu’en général, le régiment de Ben Hamo fait partie de la région Sud, gardant en permanence un œil sur Gaza à toutes les périodes, et que ses forces sont continuellement en état de préparation en vue d’une guerre dans la zone de domiciliation de Givati, au cours de cette dernière année, le Lieutenant-Colonel Ben Hamo et ses soldats ont été en charge de la région la plus dangereuse et la plus explosive, actuellement, au nord, sur laquelle ils ont un manque total de contrôle et des renseignements limités sur l’ennemi. Cette fois, ils n’ont à faire ni au Hamas, ni au Hezbollah, qui demeurent parmi les acteurs du scénario fondamental d’intervention de l’armée, ni même aux quelques 1.000 djihadistes de Daesh du Wilayat Sinaï, dispersés à travers une énorme zone désertique dans le Sinaï, que l’armée égyptienne s’applique à écraser.

La semaine dernière simplement, les médias arabes se sont fait l’écho d’une attaque – probablement la première de ce genre – contre des avant-postes de Daesh à la frontière syro-jordano-israélienne, qui a très probablement été menée par les forces aériennes de la coalition dirigée par les Etats-Unis. Selon ces sources étrangères, Israël aide les forces qui combattent Daesh en Syrie et en Irak, depuis des années, en leur fournissant des renseignements précis sur la situation des cibles et il est plus que probable que l’Etat hébreu ait fait la même chose cette fois encore. Quoi qu’il en soit, les tensions explosives et la contradiction incompréhensible entre cette vision pastorale et le moment où tout peut se mettre à exploser se poursuivent, alors que les forces se dirigent vers le nord le long de la barrière frontalière.

 

Photo: Yoav Zitun

Photo: Yoav Zitun

 

Israël ne prend pas en compte le problème des réfugiés syriens, mais ils frappent déjà à sa porte. Au cours de l’année passée, des campements de réfugiés se sont lentement mis sur pieds près de la partie nord de Har Chozek, proche des vergers de la ville druze de Buq’ata, à quelques dizaines de mètres de la barrière. Tsahal aussi institutionnalisé la prise en charge des blessés syriens : l’hôpital de campagne des hauteurs nord du Golan a été fermé et les équipes militaires sont entraînées à apporter des soins d’urgence sur le terrain et à examiner chaque personne blessée dans un baraquement, à la fois armé et sécurisé, à la frontière, avant de les évacuer vers Israël.

 

Photo: Yoav Zitun

Photo: Yoav Zitun

Les combattants le long de la frontière, n’entendent pas seulement le bruit des explosions et le crépitement des tirs d’armes à feu, mais ils lisent aussi les reportages de la presse qui, parfois, évoquent les attaques israéliennes présumées et les éliminations ciblées de partisans du Hezbollah et du régime syrien qui sont actifs sur les hauteurs du Golan syrien. « Ces incidents nous poussent certainement à élever notre niveau d’alerte et la tension est vive, parmi les combattants, sion tient compte du fait que le régime syrien peut réagir contre nous », explique  le Lt. Col. Gidi Kfir-El, commandant du 9ème Bataillon de la 401ème Brigade blindée, qui est responsable de la zone centrale et nord des hauteurs du Golan.

« La façon dont on perçoit notre activité, en matière de mission de défense, ici » ajoute t-il, « est devenue parfaitement identique à celle que nous menons à Gaza : les équipes de combat du régiment, qu’il s’agisse du Génie, des blindés, de l’infanterie ou des unités canines, avec le recueil de renseignements de combat et le guidage des forces aériennes si nécessaire, fonctionnent toutes dans le même sens. Nous sommes en mesure d’apprêter un tank pour passer à l’action en moins de quelques minutes, et, comme à Gaza, il dispose de cibles présélectionnées, en vue d’une contre-attaque, en cas de débordement des combats en Syrie du côté de notre frontière ».

 

Lt. Col. Nir Ben Hamo, commander of the Givati patrol unit (Photo: Yoav Zitun)

Le Lt. Col. Nir Ben Hamo, commandant des patrouilles de l’unité Givati(Photo: Yoav Zitun)

Le problème de la présence de Daesh sur les Hauteurs du Golan, c’est qu’il est largement composé de locaux – quelques milliers de résidents des villages soutenant Daesh dans le Sud du Golan, qui tentent de mener une guerre d’usure contre l’organisation de l’ex-Front Al Nusra, la branche d’Al Qaïda en Syrie, considérée comme « plus modérée » et qui contrôle encore une partie considérable de la bande frontalière avec Israël. Entre les deux, il y a un grand nombre de petits avant-postes qui appartiennent encore à l’armée du Président Bachar al Assad, qui a récemment répliqué et a réussi à reprendre le contrôle de quelques petites parties du Golan. La partie Sud demeure « noire », c’est-à-dire peinte aux couleurs de Daesh.

 

Photo: Yoav Zitun

Photo: Yoav Zitun

 

« C’est pour une bonne raison que Tsahal positionne constamment les unités régulières de reconnaissance à cet endroit-là, les meilleures unités ayant des capacités antitank de destruction et des patrouilles spécifiquement formées », déclare le Lieutenant-Colonel Ben Hamo, qui a remplacé son commandant, le Major Benaya Sarel, au cours de l’Opération Bordure Protectrice, tué près de Rafah en menant la chasse contre les kidnappeurs du Lieutenant Hadar Goldin. Ben Hamo demande à ses combattants d’exercer énormément de retenue et de recueillir un maximum de renseignements contre l’ennemi.

« Dans une région (militaire) supervisée par des effectifs de la taille d’un régiment ou même d’une compagnie », dit-il, « il peut y avoir une poignée de règles d’engagement, pour les mêmes combattants, en fonction du type d’hommes armés qu’ils aperçoivent et sont chargés de dissuader de toute action hostile. Dans cette région, nous parvenons à exercer nos capacités spécifiques de façon excellente. Nous observons les membres de la Shuhada al-Yarmouk (le nom pris par l’organisation Daesh sur les Hauteurs du Golan), qui attaquent de plus en plus de zones contrôlées par d’autres rebelles. Ils disposent d’armes diversifiées : des armes occidentales, des missiles antitanks, des engins explosifs et même certains véhicules blindés, dont quelques tanks ».

Photo: Yoav Zitun

Photo: Yoav Zitun

 

Le Lieutenant-Colonel Ben Hamo préfère se taire quand on lui demande si on fournit de l’aide humanitaire  aux blessés syriens également dans cette région du Golan. Jusqu’à très récemment, Israël tirait une certaine fierté de cette activité, mais ensuite, l’armée a décidé de garder profil bas pour certaines raisons, notamment, ici, l’appartenance supposée des combattants du secteur. L’hôpital de campagne qui avait été construit à la frontière (Tel Hazakah) a stoppé son activité, la raison officielle étant de procéder à une optimisation de la façon dont les blessés sont évacués vers Israël. Dans la partie Sud des Hauteurs du Golan, qui est contrôlée par Daesh, Tsahal préfère garder le silence sur la question humanitaire éventuelle.

Tsahal fait référence aux Syriens vivant sur les Hauteurs du Golan comme étant les « locaux » et a bien repéré qu’ils préfèrent très nettement que leurs villages restent à l’écart de la guerre autant que faire se peut. Quoi qu’il en soit, l’armée ne peut approuver le soutien des villageois du Sud apporté à Daesh, qui s’est exprimé il y a au moins neuf mois, quand Daesh a tiré des obus de mortiers et des coups de feu contre les forces Golani, qui menaient une opération en embuscade, dépassant la limite territoriale, tout en se maintenant sur une enclave israélienne du Sud des Hauteurs du Golan.

Il n’y a pas eu de blessés parmi les soldats, mais Tsahal a lancé une réplique foudroyante : des tanks et des avions de chasse ont tué les membres de la cellule terroriste  et détruit un poste d’observation des forces des Observateurs du Désengagement des Nations-Unies, utilisé par les djihadistes de la Shuhada pour piéger Tsahal.

 

Patrolling near the fence (Photo: Ido Erez)

Patrouiller près de la barrière (Photo: Ido Erez)

 

Quand le Premier Lieutenant Gal Yaniv, commandant-adjoint de la compagnie blindée du 9ème Bataillon de la 401ème Brigade Blindée, qui opère dans la région aux côtés des Givati, évoque « l’incident », il ne fait pas référence à cet incident vécu par les Golani ou à des incidents précédents qui ont eu lieu à la frontière. Il fait référence à un incident qui pourrait éventuellement se produire : l’infiltration d’une cellule de dizaines de terroristes de Daesh à travers des angles morts, des passages mal contrôlés. Ce n’est qu’une question de temps avant que cela ne se produise, pense t-il. « En moins de quelques minutes, nous sommes prêts à déclencher une puissance de feu féroce contre le départ de cet incident, même si cela survient sans alerte précoce des renseignements », affirme l’officier, alors qu’il dirige les tanks Merkava Mk4 dotés du système de protection active Trophy.

 

Photo: Ido Erez

Photo: Ido Erez

Au sein du bataillon de Gal, les combattants sont polyvalents : certains mènent des missions d’infanterie comme des embuscades et des patrouilles près de la barrière, alors que leurs camarades de combat assurent leur couverture depuis des postes à l’arrière avec leurs monstres blindés, dissimulés au regard des cellules antitanks de Daesh. « Les Tanks ont déjà attaqué des postes, en tirs de représailles, comme au cours du récent incident survenu à la patrouille de l’unité Golani, mais nous sommes parés à un bombardement d’autres cibles pour tout autre incident (d’infiltration éventuelle), avec les mêmes tanks ou lors d’une confrontation montant en puissance », explique le jeune officier.

 

Photo: Ido Erez

Photo: Ido Erez

 

Le commandant de la patrouille de l’unité Givati parle calmement, en murmurant pratiquement, alors que nous franchissons la barrière, qui a été construite le long de la bande frontalière toute entière, depuis Hamat Gader, jusqu’au pied du Mont Hermon. Il nous indique le « projet Hourglass » (Le Sablier) censé se développer dans sa région : il s’agira d’une augmentation considérable de la barrière dans le triangle frontalier, faisant aussi face au côté jordanien, qui est tout autant concerné par les débordements de Daesh vers le Sud, à l’intérieur de son propre territoire. La nouvelle barrière à cet endroit, réalisera une meilleure couverture en signalant exactement où passe la frontière à quiconque aurait besoin d’une explicationplus précise », indique le Commandant de bataillon.

Des éclaireurs, des combattants de l’unité canine Oketz et des engins d’observation nous ouvrent la zone. A la surface, il n’y a plus de barrière qui nous sépare des dizaines d’hommes armés de Daesh présents dans le village d’Abadin, qui est situé à environ 2 à 3 kilomètres de là, sur la rive Est du fleuve Ruqqad. Juste en face de nous, en bas des contreforts de la montagne, nous apercevons les restes de ruines et de cendres du poste de Daesh qui a été bombardé par Tsahal lors de la confrontation avec les Golani.

« Les combattants de Daesh sont entraînés dans la zone habitable et à l’Est de la zone ouverte, parfois, en procédant à par des séries de tirs improvisés », explique le Lieutenant-Colonel Ben Hamo. « Ils ont des bastions et des quartiers-généraux qui se construisent et disparaissent peu de temps après, et des combattants qui leur arrivent de l’extérieur. Notre boulot consiste à créer une barrière entre eux et les fermiers d’ici, qui continuent de travailler la terre jusqu’au moindre centimètre-carré, autant que les nombreux randonneurs et les résidents des Hauteurs du Golan ».

 Par Yoav Zitun
Adaptation : Marc Brzustowski

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Max Dahan

Hourglass veut dire Sablier et non heure de glace