Psychanalyste, Patrick Amoyel est le fondateur de l’association niçoise Entr’autres, qui aide des familles de jeunes djihadistes et forme des personnels de l’État à la lutte contre la radicalisation.

LE FIGARO. – À quel âge débutent les processus de radicalisation et d’embrigadement?

Patrick AMOYEL. – La radicalisation politico-religieuse et identitaire peut débuter dès l’âge de 9-10 ans. Les professeurs disent percevoir de vrais signes de rupture avec les valeurs républicaines et des positions de religiosité antioccidentales chez certains élèves dès les classes de CM1 ou de CM2. Cela dépend évidemment du cadre familial. Dans certains foyers, des fillettes sont voilées intégralement dès l’âge de 3 ou 4 ans. Selon l’Ifop, 28 % des musulmans français de plus de 15 ans peuvent être qualifiés d’«ultras». Cette tendance se retrouve chez les jeunes enfants de la quatrième génération. La question de l’embrigadement est plus complexe. La moyenne d’âge des jeunes acquis aux thèses de l’islamisme politique est plus élevée, plutôt entre 23 et 27 ans.

Ces adolescents embrigadés sont-ils aussi dangereux que leurs aînés?

Oui, leur jeune âge n’est pas une limite au passage à l’acte.

Le processus d’embrigadement des jeunes adolescents est-il différent?

Il peut être plus rapide car les adolescents sont par nature plus extrêmes dans leurs choix, qu’il s’agisse de leurs goûts musicaux, de leur habillement ou de leurs opinions. Il y a un terreau de radicalité propre à l’adolescence.

«Beaucoup d’adolescents rejettent l’autorité, les valeurs de la société, de l’école et prennent des risques»

Un mineur arrêté à Paris a dit que son but était de mourir en «martyr». Les motivations de ces jeunes sont-elles les mêmes que celles des adultes?

Elles sont les mêmes. Vouloir commettre un attentat, à 15 ans comme à 30 ans, suppose une idéologie politique. C’est une affirmation identitaire de rupture. Mais les mécanismes peuvent être différents à l’adolescence. La conscience de la mort et du danger n’est pas la même. Des moments de révolte, de crise pendant la deuxième partie de la puberté peuvent expliquer des passages à l’acte. Ils signent une volonté d’affirmation de soi par une prise de risque extrême, une mise en danger de sa vie.

Mais une crise d’adolescence, même extrême, ne suffit pas à expliquer le basculement dans le terrorisme…

Non, effectivement. Beaucoup d’adolescents rejettent l’autorité, les valeurs de la société, de l’école et prennent des risques. Mais il ne faut pas oublier la dimension décisive de l’entrée dans une idéologie qui appelle à tuer et qui n’est pas liée à un âge.

Les adolescents radicalisés sont-ils documentés, s’appuient-ils sur les mêmes textes et idées que leurs aînés?

Oui, ils connaissent les textes. Quand vous discutez avec des jeunes radicalisés de 14 à 17 ans, ils connaissent les références. Ils sont loin d’être des fins théologiens, mais ils ont cherché et appris les citations, les hadiths de l’islam salafiste ou wahhabite.

Est-il plus facile de «désembrigader» un mineur?

Oui. Le processus de désembricadement est plus efficace. Il est plus facile de reconstruire un autre système de sens avec un adolescent en quête qu’avec des trentenaires. Récemment, nous avons réussi à faire un bon travail avec un adolescent de 15 ans que nous avons pris en charge en coordination avec sa famille et avec la Protection judiciaire de la jeunesse. Quelque chose s’est calmé chez lui. Il reste radical dans ses idées religieuses et politiques, mais il a compris que la violence ne lui rapporterait pas grand-chose.

Par Agnès Leclair
Mis à jour le 22/09/2016 à 19h18 | Publié le 22/09/2016 à 19h05

Le Figaro

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