Se couper des villages palestiniens à l’est de Jérusalem?

Le 25 mars 2016, une tentative d’attaque au couteau commise par une terroriste palestinienne (âgée de 15 ans), a été déjouée à Guivat Tsarfatit situé dans la partie orientale de Jérusalem. Aussi, « le mouvement en faveur d’une Jérusalem juive » s’interroge-t-il sur la nécessité de maintenir dans les frontières de Jérusalem, un ensemble de villages peuplés exclusivement de palestiniens, dont est issue une partie substantielle des terroristes. Aussi, et avec son logo, un Lion (qui symbolise la capitale d’Israël) posé au centre d’une étoile de David, le mouvement milite pour une séparation des juifs et des palestiniens en proposant une solution pratique, facile à mettre en œuvre, et de nature à mettre un terme aux attaques palestiniennes menées depuis le mois d’octobre 2015 par des palestiniens qui ne craignent pas de se faire éliminer lorsqu’ils brandissent des couteaux.

Fondé par des leaders de la gauche israélienne (notamment l’ancien Ministre du Travail Haïm Ramon et Ami Ayalon candidat à la tête du parti travailliste), ce mouvement, fait de plus en plus d’émules sein de la population israélienne, y compris dans les rang de l’électorat de la droite israélienne. Sa finalité consisterait à isoler définitivement les quartiers palestiniens situés dans la partie orientale de Jérusalem grâce à une clôture de séparation, et d’en transférer le contrôle à l’Autorité palestinienne. Aussi, les 200 000 palestiniens de ces villages ne feraient plus partie de l’agglomération de Jérusalem : ils perdraient leur statut de résidents temporaires en Israël et n’auraient plus accès à Jérusalem.

En pareille hypothèse, Israël conserverait seulement le contrôle des quartiers juifs construits dans la zone conquise sur la Jordanie en 1967 (annexée au sein de l’Etat juif), ainsi que toutes les zones immédiates à proximité de Jérusalem au nord, à l’est et au sud, et bien évidemment, la vielle ville de Jérusalem.

Le transfert de ces villages palestiniens à l’Autorité palestinienne présenterait un triple avantage pour Israël: tout d’abord, la sécurité serait renforcée dans la capitale de l’Etat juif (qui devient actuellement la ville la moins sure du pays). Par ailleurs, il conduirait à réaliser des économies substantielles puisque les 3 milliards de shekels versés annuellement aux palestiniens au titre des aides sociales cesseraient de l’être. Enfin, cette séparation renforcerait la judéité de Jérusalem dans la mesure où le nombre actuel de palestiniens à Jérusalem passerait de 307 000 sur les 829 000 habitants, soit 37% de la population, à 107 000 sur 629 000, soit 17 % de la population. (Pour mémoire, Jérusalem comprend la plus grande agglomération du pays devant Tel Aviv avec ses 450 000 habitants. Or, en 1967, le nombre de palestiniens à Jérusalem se montait à 66 000 personnes, soit 24 % de la population).

S’agissant de la judéité de la ville de Jérusalem, rappelons qu’il existe un mouvement d’exode des juifs de la capitale qui serait partiellement jugulé. Les quartiers situés au-delà de la ligne verte sont peuplés en grande partie de juifs ultra orthodoxes qui étudient dans des yeshivot avec un nombre important de jeunes juifs religieux, âgés de moins de 18 ans. Or, les habitants les plus fortunés et les moins religieux désertent les « shtarim ». En 2015, 17 000 juifs ont quitté ces quartiers alors que 10 000 nouvelles personnes les ont rejoints, soit un déficit de 7000 personnes. De même, l’institut d’étude israélienne de Jérusalem a révélé qu’entre 2007 et 2011, le nombre de juifs ayant quitté la capitale israélienne se montait à 33 000. Il devient donc urgent de figer définitivement la nature juive de Jérusalem.

Accueillie favorablement en Israël, cette idée présente également de nombreux avantages pour les palestiniens de Cisjordanie. Tout d’abord, ils pourraient avancer sur le terrain de leur indépendance nationale par l’intégration de 200 000 palestiniens (qui cesseraient de dépendre d’Israël), au sein d’une organisation exclusivement palestinienne. En outre, ils pourraient installer la capitale de la Palestine au centre de ces villages, c’est-à-dire sur une zone qui a, un temps, fait partie de Jérusalem. Ainsi, l’ensemble de ces villages palestiniens installés sur une superficie de 70 kilomètres, deviendrait le siège de ce que les palestiniens nomment « Al Quods », en réalisant leur rêve d’établir leur capitale non loin de l’esplanade des mosquées. Enfin, sur le plan de l’organisation, cette séparation rapprocheraient les 200 000 palestiniens qui y vivent des villes palestiniennes que sont Ramallah au nord, Bethléem à l’est et Jéricho au sud. La nouvelle capitale palestinienne serait naturellement sous contrôle exclusif palestinien.

Notons également que cette séparation simplifierait grandement la vie des palestiniens. Actuellement, le gouvernement israélien n’accorde pas facilement de permis de construire aux palestiniens qui veulent édifier de nouveaux immeubles dans ces villages. Lorsqu’ils dépendront exclusivement de l’Autorité palestinienne, plus rien ne s’opposera à l’extension de leur patrimoine foncier. En outre, Israël retire parfois les statuts de résidents temporaires pour des raisons techniques. Aussi, et pour conserver leur titre de circulation en Israël, les palestiniens concernés sont tenus de prouver que leur centre d’intérêt se situe bien à Jérusalem. Désormais, le problème ne se posera plus car ils ne feront plus partie ni ne dépendront plus de l’Etat Israël : ils seront gérés exclusivement par l’Autorité palestinienne qui organisera leur droit d’aller et venir sur le territoire palestinien. Enfin, ils ne seront plus gênés par la clôture de sécurité autour de Jérusalem, d’une longueur de 120 kilomètres, construite en 2004, puisqu’ils n’auront plus à se rendre en Israël.

Cette perspective n’est pourtant pas réjouissante pour les 200 000 palestiniens de l’agglomération de Jérusalem. En cas de mise en œuvre de cette séparation, ils perdront leur statut de résidents israéliens, ne pourront plus se rendre à Jérusalem pour y travailler ou étudier et verront leur niveau de vie diminuer de façon importante. Enfin, ils seront coupés de l’Esplanade des Mosquées où ils ne pourront plus venir prier. Ces inconvénients seront néanmoins compensés par la réalisation de leur rêve de fonder leur Etat indépendant avec une capitale à proximité de la vieille ville de Jérusalem.

Pour l’heure, les palestiniens se disent frustrés de n’être pas associés à cette initiative israélienne, et c’est d’ailleurs le paradoxe de la population palestinienne de l’agglomération de Jérusalem. D’un côté elle réclame son droit à l’autodétermination, de l’autre, elle entend continuer de dépendre d’Israël pour tous les avantages procurés par l’Etat juif. Aussi, n’entend-elle pas troquer les statuts de résidents israéliens pour un statut administratif palestinien. De même, les palestiniens de Jérusalem assassinent les juifs pour revendiquer leur droit à l’existence autonome mais refusent dans le même temps leur exclusion de l’Etat juif…

Actuellement, le Premier Ministre Benjamin Netanyahou ne semble pas s’orienter sur cette voie. Il convient toutefois de faire preuve de pragmatisme. La vague de violence débutée en octobre 2015 n’est pas prête de s’arrêter pour une raison bien simple : le concept même de « palestinien » a été inventé pour s’opposer au projet sioniste en recourant aux mêmes fondements : une expulsion injuste dont ils auraient été victimes en 1948, l’aspiration à une indépendance nationale sur une terre qu’ils disent leur appartenir, et enfin le rêve d’un retour. La Palestine n’est en fait que l’antithèse du projet sioniste, même si les jeunes générations n’en ont pas conscience. Il convient donc de placer les palestiniens face à leur responsabilité.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach