La petite ville de Safed, en Israël, accueille certains des blessés les plus graves de la guerre civile qui se déroule de l’autre côté de la frontière, en Syrie. Des soins prodigués dans la plus grande discrétion. Reportage.

 

Ils s’appellent Mustapha et Ibrahim (*). Vingt ans chacun. De longs cheveux noirs tombent sur les épaules de ces combattants d’un groupe hostile au dictateur syrien Bachar al-Assad. Des barbes fournies leur mangent le visage souriant, et même rieur, parfois. Leurs corps sont en morceaux. Sous les draps vides, une jambe a été amputée à la cuisse pour l’un et des échafaudages de broches énormes se devinent pour l’autre… Ils ont été blessés dans les combats de la région de Damas. Quand on leur demande s’ils veulent y retourner, Mustapha répond simplement : « Si Dieu le veut ! ». Il aspire surtout à retrouver sa famille. Quant à Ibrahim, il n’a qu’un seul projet : « Combattre de nouveau al-Assad, et le tuer ! ». Dans leur chambre d’hôpital immaculée, devant des plateaux-repas copieux et intacts, un chirurgien arabisant assure la traduction. Car ici, où il a fallu construire de nouvelles salles d’opérations bunkerisées après que des missiles du Hezbollah avaient visé l’hôpital en 2006, nous sommes en Israël ! À 80 kilomètres, à vol d’oiseau, de la frontière syrienne et une dizaine seulement du plateau du Golan, d’où l’État islamique a lancé récemment des attaques contre des troupes israéliennes, en provoquant une riposte immédiate, la petite ville de Safed, tout au nord de l’État hébreu, est l’un des hauts lieux du judaïsme. Mais, actuellement, c’est aussi un centre très inattendu d’accueil des blessés les plus graves de la guerre civile en Syrie.

Une nécessaire discrétion

Comment peuvent-ils être arrivés là ? Un accord tacite lie l’armée israélienne aux ONG présentes sur la frontière syrienne : les blessés que personne ne pourrait sauver leur sont amenés. Les médecins militaires les « déchoquent » et les stabilisent, avant leur transfert à l’hôpital de Safed. Les Israéliens en escomptent une reconnaissance de la population syrienne, donc une réduction de la tension transfrontalière. Et aussi, sans le dire, un peu de renseignement. Le secret qui entoure les blessés est nécessaire : à leur retour en Syrie, personne ne doit savoir où ils ont été traités… Le professeur Alexander Lerner, chef du service de chirurgie orthopédique émigré de Biélorussie en 1990, a accueilli 680 blessés depuis 2013. Il passe son temps à tenter de sauver des membres. « Il faut éviter l’amputation, mais ce n’est pas toujours possible. Quand on reconstruit un bras, il ne pourra pas faire du sport, mais c’est un bras ! » Les patients restent, en moyenne, deux à trois mois, repartant pour la Syrie avec des prothèses dernier cri : « Quand ils nous quittent, ils nous disent choukran (merci) en pleurant ».

(*) À leur demande, les prénoms ont été changés.

De notre envoyé spécial en Israël.

© Le Télégramme 

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