Nous sommes encore une fois face au mal.

Rien ne sert de chercher à atténuer cette radicale confrontation : le mal existe, il possède une substance, il nous dévore.

Devant la mort atroce du père Hamel, les mots sont épuisés. Après la Syrie et l’Irak, après le Pakistan, c’est désormais en France que l’on tue des chrétiens. Qu’on les tue en tant que chrétiens.

Etrange que, sur ce sujet, l’on n’entende pas tous les Plenel de France et du monde, eux les ennemis de l’islamophobie, dire ce qui saute pourtant aux yeux – enfin, pas aux leurs apparemment : la haine contre l’islam, pour perverse et inutile qu’elle soit, ne fait pas de morts, mais la haine que porte le fanatisme musulman au reste de l’humanité est bel et bien inexorable.

Ce sont des chrétiens qu’on assassine aujourd’hui – mais aussi des athées ou des agnostiques, des apostats[1] et des juifs. Et c’est au nom de la religion de paix et d’amour, c’est au nom de cette religion, vous savez, qui n’a rien à voir avec quoi que ce soit qui se fasse en son nom, que cela est perpétré. Non, qu’on ne nous parle plus d’islamophobie, qu’on mette donc un terme à l’indécence !

On a beaucoup évoqué, ces dernières heures, la bévue du juge qui a cru bon, en mars dernier, de remettre en liberté le futur tueur. Le parquet avait fait appel de cette décision, sans succès. J’aimerais à ce propos offrir à mes frères chrétiens un enseignement du Midrash : il est dit de Saül, le premier roi d’Israël, qu’il épargna Agag, l’ennemi sanguinaire de son peuple, mais qu’il n’hésita pas à persécuter David, son innocent bienfaiteur ; or les commentateurs voient un lien direct entre ces deux attitudes. Soyez bons avec ceux qui ne le méritent pas, pardonnez, dans le douillet confort de votre bonne conscience, des crimes commis contre d’autres que vous : vous n’en oublierez que plus vite ceux qui mériteraient votre amour et votre protection. Le bien ne doit pas se donner à n’importe qui. Comme le dit Hugo de Thénardier à la fin des Misérables, lorsqu’avec l’argent que lui offre Marius et qui pourrait le racheter, il se fait au contraire négrier, « le contact d’un méchant homme suffit quelquefois pour pourrir une bonne action et pour en faire sortir une chose mauvaise ». Thénardier n’est pas Jean Valjean, et la générosité qui voudrait les confondre est une générosité de mauvais aloi.

Seulement, ici, la faute n’est pas romanesque mais bien réelle : l’indulgence de ce juge inique a tué un homme qui n’avait jamais, lui, fait de mal à personne. Alors qu’au moins l’on tire quelques conséquences de cette erreur judiciaire, car c’en est une, de ce crime légal, et que notre droit, une fois réformé, ne permette plus jamais à ce genre d’obscène bonté de se reproduire. N’oublions pas que derrière le visage de l’autre, luit celui du tiers, et que je me dois à lui : là, enseigne Levinas, réside la nécessité de l’Etat, de la police, de la prison, des peines, des codes de lois. Il y a à limiter mon amour infini pour l’autre si je ne veux pas léser tous les hommes. C’est le tiers qui m’empêche de pardonner les crimes et les injustices sans exiger réparation, me liant dans le cadre d’institutions qui permettent de ne pas l’oublier, de lui rendre justice. Le visage massacré de Jacques Hamel…

Aimer ses ennemis, dites-vous ? Aimer mon ennemi, mon ennemi à moi, celui qui en veut à ma vie, à mon bien : peut-être, si du moins j’en ai la force. Le Sermon sur la montagne n’inventait d’ailleurs pas cette grâce-là : elle est dans les Ecritures et en vérité, il n’est pas jusqu’à la joue tendue qui ne soit déjà dans ce que les chrétiens appellent « Ancien Testament », en l’espèce dans les Lamentations. J’aimerais bien savoir en revanche qui donc me donne le droit d’aimer l’ennemi de mon prochain. D’aimer celui qui hait et voudrait massacrer mes amis, ma femme, mon frère ou ma sœur, mes parents, mes enfants, mes concitoyens, mon prochain en général. Aurais-je le droit d’aimer, de pardonner pour autrui ? Que non ! Haïssons les barbares et aimons-nous, aimons-nous les uns les autres, oui, et protégeons-nous : nos vies en valent la peine, notre civilisation, nos valeurs le méritent.

Lâcheté. Lâcheté des bons, des pardonneurs professionnels et des padamalgamistes. Lâcheté, aussi, de ces « voisins » qui racontaient hier ne pas comprendre comment le gentil garçon qu’ils voyaient jouer au football et qui ne se rendait pas souvent à la mosquée (comme s’il fallait s’y rendre pour prier selon la loi musulmane) avait pu commettre un acte si contraire à la volonté d’Allah… Mais que vous faut-il donc pour vous réveiller ? Ne vous rendez-vous pas compte, malheureux, que l’« amalgame » que vous redoutez tant est fils de votre attentisme ?

Et surtout, comment diable peut-on encore nous rabâcher ce discours éculé quand on sait que le boucher de Saint-Etienne-du-Rouvray, quelle que fût son assiduité à la mosquée, n’avait pas fait mystère de son envie de « se faire une église » ?! Vous nous dites qu’il ne faut pas succomber aux démons de la désunion et vous avez raison, mais qui tue ici la confiance civique si ce n’est l’énergumène qui avoue tout naïvement à la presse, en jurant « sur le Coran de la Mecque », qu’il a choisi une amitié absurde et surtout l’orgueil communautaire, plutôt que les intérêts de son pays et des autres Français ? Si le juge qui a libéré notre djihadiste est coupable, ce bon copain qui ne l’a pas dénoncé au moment où il le fallait l’est tout autant.

Le 14 juillet, la Promenade des Anglais, c’était la liberté, la France qui lève la tête face aux cieux, qui ne se soumet pas, elle, aux décrets de la fatalité ; qui ne se prosterne pas. L’église de Saint-Etienne-du-Rouvray, ce sont ses racines, chrétiennes bien sûr – et que nul demi-habile ne s’avise, en ce jour, de nous les éluder.

C’est peut-être même plus que cela. L’islamisme hait les symboles de la République, de la République agnostique, laïque. Il hait aussi la religion chrétienne, il la hait pour ce qu’elle est et non comme épiphénomène, il la hait probablement parce qu’il sait bien les origines chrétiennes et bibliques de la liberté occidentale, de la démocratie, d’un pouvoir qui n’est pas dispensé d’en haut et qui, pour cette raison même, n’est pas immuable. De ces deux idées, si contraires à ses principes et venues de la Bible : Alliance et Incarnation.

Il la hait pour sa faiblesse et pour le doute qui la fonde : cette mort de Dieu par où elle débute, ce moment athée. C’est que le christianisme a repris au peuple juif le regard donné à l’absolu déchirement : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-Tu abandonné ? Amour de la vie, jusqu’à la puissance du négatif, amour fort comme la mort : l’islamisme, gigantesque régression métaphysique – à la mesure des cerveaux atrophiés de ces minables dont le martyre est la seule revanche qu’ils semblent avoir trouvée sur leur vaine existence –, l’islamisme est la négation de ça.

Alors une guerre de religions, Saladin contre les Croisés, non, à part dans l’esprit brouillon d’Al Baghdadi et peut-être de Jérôme Bourbon. Mais la guerre, y compris, espérons-le, au sein de l’islam, la guerre de deux métaphysiques, ça oui. Le conflit de deux ontologies qui s’opposent terme à terme. Chrétiens, juifs, agnostiques, musulmans, répondons à l’islamisme par le courage d’aimer la vie et la fierté de douter. Car ce qui nous relie est la conviction que Dieu se cache et, pour ceux qui croient qu’Il existe, qu’Il a laissé place à Sa créature bien-aimée. De cette conviction armés, nous vaincrons.

David Isaac Haziza

la règle du jeu

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marman68

tout le monde parle d’Islamohobie, la haine de l’islam, mais qui parle de Christiamophobie la haine des chrétiens
le gouvernement protège l’islam et tant qu’il les protégeron,t les attentats continueront, le gouvernement est responsable des attentats en France car il en connait les auteurs et ne fait rien et ils ne sont toujours pas en prison
ils font de grands discours, mais n’agissent toujours pas, ils vont jusqu’à même faire des alliance avec les criminels
Le gouvernement hollande et toute sa clic sont responsables des attentats qui ce sont produits en France et ça depuis l’élection de monsieur hollande

viviane Lee

Je suis indignée par la mort de ce prêtre , surtout sur son lieu de foi , néanmoins je pense aussi que lorsqu’un rabbin est attaqué , souvent tué , on n’entend pas s’élever l’indignation des chrétiens .Se sont-ils indignés au même point quand Mehra a tué ces enfants juifs ? S’indignent-ils autant quand des terroristes palestiniens attaquent des enfants, des mères de famille ,des vieillards sans défense ?
Voilà je voulais faire connaitre mon indignation contre des crimes lâches et odieux et rappeler aussi que nous JUIFS avons de la compassion pour les autres mais que la réciproque n’est pas vraie .

jacqueline arragon

Tiens, Viviane, je pense comme toi et viens de poster presque la même chose que toi sur un autre blog . Et pourtant beaucoup de chrétiens sont plus proches des musulmans que des Juifs alors que cela devrait être le contraire, c’est pourquoi je doute fort de la véracité de leur religion, même si je les respecte, mais, je suis comme toi, j’aime bien dire ce que je pense quand on regarde la réalité des faits. Maintenant, ils voient qu’ils ne sont pas à l’abri des terroristes, et nous devons nous rassembler coûte que coûte en respectant nos différences pour enrayer ce terrorisme. Chavoua Tov !

Serge M.

Nous avons ici la confrontation entre deux modes antagonistes de croyance en Dieu. La première, la plus primitive, qu’on peut qualifier d’enfantine, celle d’un Dieu se révélant de manière fulgurante, s’imposant par la force, la violence et écrasant toute contestation de sa toute-puissance. C’est effectivement le Dieu des terroristes de l’islam radical. La seconde croyance est basée sur l’expérience d’une rencontre « voilée », la prise de conscience de quelqu’un plus grand que nous, qui ne cherche pas à nous humilier, mais à nous élever, c’est la foi d’Abraham, la mission éducatrice et libératrice d’un peuple par Moïse, la traversée de la mort par le Fils de l’Homme, le Maschiach… Piocher, chercher, travailler, interroger les textes. Marcher humblement dans l’obéissance aux commandements. Non, effectivement Dieu ne se révèle pas comme le voudraient les terroristes et les médias qui malgré eux leur font la plus belle des pubs !