Avec l’économiste Frédéric Lordon, Nuit debout a renouvelé le genre ancien du culte de la personnalité. On n’avait pas vu cela depuis les années Mao et révolution culturelle. La dernière apparition du maitre à penser du mouvement en atteste. Nous sommes mercredi soir, à la Bourse du travail, et pour la troisième fois le guide Lordon apparait à ses disciples. Signe qu’il n’est pas un Nuit debout comme les autres, il exige de disposer d’une chaise afin de pouvoir livrer sa parole aux fidèles assemblés à la Bourse du travail. Les disciples s’empressent d’obéir. Vite une chaise pour Lordon ! La règle commune, on parle debout à Nuit debout, souffre d’une exception pour l’universitaire charismatique. Privilège assumé d’autorité : « Je suis le représentant du courant l’université assise ».

A Nuit debout, tout le monde est à égalité mais Lordon est plus égal que les autres. En chaise à défaut d’être en chaire.

Sont rassemblés là, face au guide, les têtes pensantes de Nuit debout, les éléments les plus actifs et militants, les permanents de la place de la République. C’est une minute de vérité. Il faut voir et revoir cette intervention de 11 minutes, parce qu’elle livre la vérité sur Nuit debout. Qui le pense. Qui l’organise. Qui le manipule.

Nuit Debout accuse Finkielkraut …. d’antisémitisme et de paganisme heiddegerien… 

Et Lordon de dénoncer la secte malfaisante, celle de la « chefferie éditocratique »

Dans un premier temps, Lordon désigne l’ennemi. Les médias et la presse. Non pas les « journalistes de terrains, jeunes et précarisés » qui se reconnaissent en Nuit debout (pas fou Lordon) mais « la chefferie éditocratique » qui « confisque la parole autorisée ». Lordon met ses troupes en garde. La « chefferie éditocratique » veut pousser Nuit debout à débattre dans un cadre démocratique, afin d’imposer encore et encore « le citoyennisme intransitif, qui débat pour débattre, mais ne tranche rien, ne clive rien, et est conçu pour que rien n’en sorte ». Lordon tranche, il faut refuser cette démocratie « All inclusive ».

A Nuit debout, on ne débat pas, on combat. Pour Lordon, le débat démocratique, c’est l’impasse qu’entendent imposer « la secte malfaisante, la secte de l’oligarchie néolibérale intégrée », celle des « médias organiques de l’ordre social ».

Et Lordon de justifier l’intimidation physique infligée à Alain Finkielkraut, l’ennemi suprême : « Nous voilà sommés d’être inclusifs, violence du capital et violence identitaire raciste, violence dont Finkielkraut est peut-être le propagateur le plus notoire ». Et de réitérer le refus de la confrontation avec l’ennemi désigné : « Ces médias nous demandent d’accueillir Finkielkraut et bien non ! Pas d’animation citoyenne all inclusive comme le voudraient Laurent Joffrin et Najat Vallaud Belkacem ! » Et de conclure avec des mots lourds de sens : « nous ne sommes pas ici pour être amis avec tout le monde, et nous n’apportons pas la paix, nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique ».

Convenons que Lordon est cohérent. Et transparent. Le voici qui précise ensuite comment Nuit debout doit désormais mener le combat, hors du champ démocratique.

D’abord en dépassant le cadre revendicatif traditionnel des luttes sociales, qui n’est pas révolutionnaire : « Revendiquer est une nécessité, parfois même vitale », mais de portée limitée, « ceci n’aura pas de sens tant que nous ne mettrons pas en question les structures du néolibéralisme ». En vérité, Lordon veut casser le cadre dans lequel évolue les rapports de forces entre partenaires sociaux : « S’il n’y a plus d’alternative dans le cadre, il y a toujours possibilité de refaire le cadre. C’est de la politique, pas du revendicatif. On chasse les gardiens du cadre ».

Une fois le but assigné, Lordon passe à la méthode, celle « des grains de sable » : « Il faut mettre des grains de sable partout » lance-t-il, illustrant cette stratégie à l’aide d’exemples concrets : « C’est débouler dans une réunion d’Anne Hidalgo, c’est débouler dans la conférence d’une association d’étudiants à l’ESCP qui invite Florian Philippot ». Et de scander : « C’est faire dérailler le cours normal des choses, les harceler, leur ôter toute tranquillité ! »

Et Lordon de compléter le cours de méthode : grâce à la stratégie des « grains de sable », s’opérera « la jonction »,  soit la coagulation du « militantisme de centre-ville, des classes ouvrières et de la jeunesse ségrégée des quartiers », et « cette force sera irrésistible ». Constituée, elle se lancera à l’assaut du « cadre à refaire », notamment « les traités assassins, les traités européens et le TAFTA ». Lordon fait dans le prophétique, qui ne cache pas à ses ouailles que « La nuit debout, la grève générale, la république sociale, c’est loin ».

Et voilà.

Nuit debout a bien une feuille de route, tracée par un chef

Mercredi dernier, le rideau Nuit debout s’est déchiré. En réalité, l’évènement initié par François Ruffin et ses camarades dispose d’un cerveau qui montre le chemin, établit la feuille de route et fournit le prêt-à-penser des objectifs et de la méthode.

Nuit debout est bel et bien pensé, monté et organisé par des professionnels de la politique. Révisons notre Lénine. Là où il y a organisation, il y a direction. Là où il y a direction, il y a guide. Et ce guide, c’est Frédéric Lordon, dont les interventions savamment mises en scène le hissent au-dessus du bruit médiatique. A Nuit debout, tout le monde parle, mais on entend que Lordon. Rassurons Emmanuel Todd, qui s’inquiétait de l’avenir du mouvement « Pas de révolution sans organisation », l’organisation de Nuit debout, pour qui veut bien la voir, est bien là. Présente. Active. Et menaçante.

Relisons bien Lordon, et méditons. Le sous-texte de son intervention, applaudie à tout rompre, est empreint de sentiments qui ont peu à voir avec la gauche de Jaurès ou Blum. Refus du débat démocratique organisé. Haine de l’Europe du libre-échange. Promotion du populisme souverainiste. Négation de la liberté de la presse. Rejet de l’autre à raison de sa différence de pensée. Appel à des perturbations de réunions publiques…  Est-ce vraiment un programme politique destiné à libérer les opprimés ? A apaiser le pays ? A libérer les consciences ? Osons la question : s’il se trouve des esprits pour passer à l’acte selon les préceptes de Lordon, quelle sera l’étendue des dégâts à constater ?

Le Nuit debout de Lordon est bien loin de la vision idyllique que certains politologues tentent d’imposer, à l’image de Gaël Brustier déclarant (sans rire) au Figaro : « Il y a plutôt une forme de joie de vivre Place de la République… qui tranche justement avec la hantise du déclin commune à nos sociétés ». Cet éclairage fait honneur à la politologie contemporaine. Ainsi, quand Lordon déclare : « Nous n’apportons pas la paix » et « nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique », il est le Charles Trenet de Nuit debout chantant « Y a de la joie ». C’est tellement évident. Nuit debout, c’est fun. La politologie est (aussi) devenue un sport de combat.

Challenges 

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ABRAHYAM

Nuit debout a une feuille de route tracée par un chef

Le drame de la démocratie, c’est que des enseignants de toute obédiences profitent de leur position vis à vis des étudiants pour s’autoriser à les ‘endoctriner. C »est, malheureusement, le cas de toutes les universités du monde libre !

yatin

Quelle soupe, quel mélange infâme, quelle décadence de la pensée et de l’analyse… pour comprendre il faut penser à son nom, le nom en tant que signifiant en dit souvent beaucoup lorsqu’un aspect paranoïaque émerge dans un discours : il ordonne en effet. Le problème c’est que sa pensée, elle, est loin d’être ordonnée… pauvre France, pauvre université avec ses pseudos philosophes… tenons nous loin de ce genre de propos….

André

Lordon a vraiment une tête de Commissaire du Peuple. Ça fait froid dans l’dos !

André

«nous ne sommes pas ici pour être amis avec tout le monde, et nous n’apportons pas la paix, nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique».
————

Les néo-cons (nouveaux communistes) à la Lordon, Badiou et Cie, comme les anciens, sont évidement pour la guerre civile qu’ils appellent « révolution ». Et le Lordon sera évidement l’un des apparatchiks du nouveau régime qu’il appelle de ses vœux (c’est un croyant lui aussi). Les lendemains chanteront pour lui mais sûrement moins pour les ouvriers qui continuerons de bosser à l’usine. Quant aux récalcitrants et autres « petits-bourgeois » on connait déjà le sort que le Lordon leur réserve… Bref, rien de nouveau.

aval31

Je suis aval31, le premier à avoir rappelé en France la nature irréductiblement antisémite de l’idéologie palestinisme au point d’avoir un moment pensé qu’elle avait non seulement incité les nazis à commettre la shoah mais été son élément déclenchant (point sur lequel je suis revenu plusieurs années avant Netanyahu) .

Oui, l’Europe est responsable de l’absence de croissance actuelle, oui pediga et tous les autres mouvements d’extrême gauche ont parfaitement raison sur ce point !
OUi, on veut paupériser le peuple pour payer cette faute économique majeure et préserver l’accumulation de bien colossale que cette monnaie à permis aux propriétaire et surtout aux milliardaires qui ne se sont JAMAIS AUSSI BIEN PORTES …depuis « la grande de crise » de la fin du 19 siècle(faite « grande crise » sur google et vous verrez). Oui, il s’agit bien d’un retour de l’absence de cout du travail et de la toute puissance des propriétaire-rentiers auquel on assiste depuis 10 ans….. au détriment de la croissance mondiale.

Ils ont raison a un point qu’ils n’imaginent même pas : l’euro, cette monnaie idéologique artificielle, marxiste, est responsable de la crise de 2008 et donc de tous les problèmes économiques mondiaux que l’on connait aujourd’hui catastrophique comme l’ont été toutes les unions monétaires et autres indexation-fixation de la monnaie ….depuis que la monnaie existe (et s’il y avait un seul économiste ou historien en Europe, il l’écrirait lui même).

Je suis touché par la dénonciation du paganisme que supporterait Finkelkraut.

Le paganisme est en effet un grave danger qui touche nombre de jeunes post modernistes. Il est effectivement précurseur du nazisme, j’y suis très attentif au point d’avoir déjà attenté physiquement à quel qu’uns de ses protagonistes.

Je suis donc en parfait accord sur ce point avec Lordon qui du coup reconnait implicitement l’importance de « l’héritage judéo-chrétien » et même juif tout simplement. C’est une très grande avancée.

Héritage, il est vrai souvent renié par les juifs eux même et les religieux juifs en particuliers (pour être ignoré ou détourné dans ce qui ressemble à de l’islamisme versé dans la castration du peuple juif).

=> Seulement voilà, je n’ai vu nulle trace d’un support à Heidegger dans les écrits de finkie et donc encore moins au paganisme.

Et oui, le traitement de Finkie est bien effectivement que le symptôme d’un traitement mensonger en vue de créer l’ennemi public numéro un, le Goldstein de 1984 en 2016 comme l’avait été les juifs avant et Israel à présent.

Il est vrai que de nombreuses personnalités en Europe pour ne pas comprendre notre crise économique contribuent à un climat parfaitement justifié de recherche de boucs émissaires et parfaitement similaire à l’autre crise volontaire déflationniste des années 30 qui apporté Hitler au pouvoir. Elle n’a été résolue que par la guerre mondiale et non le new deal….

Les riches et propriétaires ont toujours préféré la destruction de l’économie à la perte de valeur de leur capital par des mesures inflationnistes (celles qui ont donné les trente glorieuses, avec 10 % d’inflation en moyenne aux états unis).

C’est le principal danger pour Israel actuellement aux main des oligarques qui profitent l’antisionisme et l’antisémitisme en vue de continuer à faire monter l’immobilier israélien et leur portes monnaies.

Au détriment d’un pays, d’un peuple, qui normalement devrait tourner à niveau de richesse par habitant de la suisse.

André

Ce qui nous ruine en France depuis 40 ans c’est cette immigration africaine à faible valeur ajoutée qui coute deux fois plus cher qu’elle ne rapporte. La France a besoin d’une main d’œuvre qualifiée, de diplômés, d’ingénieurs pour construire des navires et des avions et pas uniquement de mauvais cuisiniers et de futurs chômeurs…