Dans certaines communautés le 20 Tevet, aujourd’hui, on célèbre la Hilloula du Rambam. C’est l’occasion de retracer l’itinéraire et l’oeuvre de cette immense penseur et codificateur du judaïsme.

A l’exception de Rashi, Rabbi Salomon ben Isaac, Maimonide ou Rambam, nul autre rabbin n’a plus d’importance que lui dans la formation du judaïsme.

Ainsi l’expression populaire qui le désigne : « depuis Moïse, le prophète jusqu’à Moïse, ben Maimon, aucun autre Moïse ne s’est manifesté. »

Deux œuvres majeures s’imposent, elles sont commentées jusqu’à nos jours : le Michné Tora et le Guide des Perplexes.

D’emblée ce qui frappe, c’est l’aspect très mouvementé de la vie de Maimonide. Il a été obligé de fuir les persécutions du Croissant et de la Croix : ayant d’abord vécu en Espagne, il a ensuite trouvé refuge au Maroc, enfin il a passé la deuxième partie de son existence en Égypte. Grâce à la découverte par D. Goïten de documents dans La Genizah du Caire on connaît mieux la vie de celui qu’on a surnommé « l’Aigle de la Synagogue ».

 

Mishneh Torah

 

Cependant cette vie tourmentée ne l’a jamais empêché d’étudier, d’écrire, de s’engager dans la gestion des affaires courantes.
La première partie de sa vie se déroule en occident, la seconde en orient. Le 30 mars 1135 Moïse ben Maimon est né à Cordoue qui est considérée alors comme le foyer juif le plus actif de l’Espagne. Deux siècles plus tôt une grande personnalité a déjà rayonné : Hasdaï ben Shaprout (915-970), le premier dirigeant juif à jouer un rôle politique auprès du calife au cours de « l’âge d’or du judaïsme espagnol ».
Le jeune Moïse est le fils d’un juge du tribunal rabbinique : dés son plus jeune âge il étudie, avec son père la Bible (loi écrite), la Michna et le Talmud (loi orale) mais également les mathématiques, les sciences naturelles, la médecine.

Il faut rappeler que le célèbre Averroès étudie à Cordoue. Les capacités intellectuelles du jeune Salomon lui permettent d’accumuler des connaissances dans de nombreux domaines.

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Statue de Maimonide à Cordoue

Au moment où il atteint la majorité religieuse, les partisans d’un Islam pur et dur, les Almohades, s’emparent de Cordoue. Ils imposent aux Juifs et aux chrétiens, surnommés « les gens du Livre », le choix de la conversion ou de la mort.

La famille Maimon quitte la ville et mène une vie errante en Espagne pendant une dizaine d’années : elle refuse la conversion à l’Islam imposée par les nouveaux dominateurs.
Commence alors une nouvelle étape, qui a pour cadre Fès au Maroc. Dès le Xème siècle, Fès est un grand foyer d’études juives, comme Kairouan et Tlemcen, qui entretient des relations intenses avec les académies babyloniennes : un grand érudit a marqué l’histoire de Fez, c’est Isaac ben Yaacov Alfassi dit le Rif (1013-1103).

Dans ce centre marocain, Maimonide continue d’étudier les sciences profanes comme la philosophie d’Aristote, la théologie de l’Islam et la médecine. Il étudie avant tout la Torah ou loi écrite, le Talmud ou loi orale : il s’inspire d’un maître célèbre, Rabbi Juda Ha Cohen Ibn Soussan.

Les guerriers almohades vont franchir le détroit de Gibraltar et conquérir le Maroc : de nouveau la famille de Maimonide est placée devant le même dilemme : la conversion ou le martyr.

Le 8 août 1165, Rabbi Juda Ha Cohen, le maître de Maimonide, est exécuté sur la place publique. Rabbi Maimon et   sa famille parviennent à quitter Fès.

Pour soutenir les juifs obligés d’accepter la loi islamique, Maimonide écrit une lettre Higueret Hachemad dans laquelle il écrit ceci :

« Le conseil que je te donne, l’idée que je revendique pour moi-même et pour ceux que j’aime ainsi que tous ceux qui sollicitent mon avis sont les suivants: quittez donc ces lieux pour des sites où vous pourrez pratiquer votre religion et accomplir les préceptes de la Tora sans crainte ni oppression. Abandonnez maison, enfants et toutes vos possessions, car la religion que le Seigneur nous a donnée en héritage est bien plus importante que les choses….Si par malheur on vous contraignait à transgresser un seul commandement, il vous est interdit de continuer à résider dans un tel lieu. Partez, laissez tout derrière vous, marchez de jour comme de nuit jusqu’au moment où vous trouverez un havre de paix pour pratiquer votre religion! C’ est que le monde est vaste! »
Ainsi Maimonide montre que celui qui prie en secret et fait de bonnes œuvres reste Juif, malgré son simulacre de conversion. Cependant, il conseille à chaque Juif de quitter tout pays où on le force à se convertir.
Miraculeusement Maimonide et les siens échappent à l’arrestation et parviennent à s’enfuir par bateau pour rejoindre Erets Israel. Après une longue et pénible traversée ils arrivent à leur destination dominée alors par les Croisés. En octobre de la même année, ils se rendent à Jérusalem et Hébron, deux des quatre «villes saintes» juives, accompagnés par Rabbi Yeffet, grand rabbin d’Acco (Saint Jean d’ Acre).

A propos des juifs de Jérusalem, nous disposons d’un récit laissé par Benjamin de Tudèle : « C’est une petite ville fortifiée avec trois murailles et très peuplée d’Ismaélites, de Jacobites, de Syriens, de Grecs, de Georgiens, de Francs et de toutes les langues des nations. Une maison de teinturerie s’y trouve : les Juifs la louent chaque année au roi. Personne ne peut exercer le métier de teinturier à l’exception des Juifs. Il y a environ 200 Juifs qui résident sous la Tour de David, dans un coin de la ville».
En fait les Francs, pour des raisons commerciales, ont permis aux Juifs de se réinstaller à Jérusalem. Leur présence devient plus forte après la conquête de la Ville par Saladin.
Une quatrième étape commence en Égypte, elle va durer trente huit ans. La famille s’installe à Fostat, dans Le Vieux Caire. Deux disparitions marquent vivement Maimonide : d’abord le décès de son père et puis celui de son jeune frère David qui subvenait aux besoins matériels de la famille. Quinze plus tard, il confie dans une épître la profondeur de sa douleur.

Le médecin

La médecine de Maimonide puisait à trois sources :

  • les notions de santé dans la tradition hébraïque
  • la médecine pratiquée à son époque
  • ses propres recherches et analyses liées à des expérimentations personnelles

Une dizaine de livres de médecine lui sont attribués qui ont été écrits en arabe avant d’être traduit en hébreu, en particulier par son disciple Samuel ibn Tibbon de Montpellier. On peut citer entre autres:

Le « Traité des aphorismes » divisé en 25 chapitres il constitue une somme des connaissances médicales de l’époque, depuis les apports antiques de la Médecine Hippocratique jusqu’aux pratiques du XIIème siècle. Y sont abordés: l’anatomie et la physiologie, les humeurs, la déontologie, la symptomatologie, les troubles de la parole, la thérapeutique générale, les maladies « spéciales », les fièvres, les périodes d’incubation, les saignées, les purgatifs et les vomissements, la chirurgie, la gynécologie, l’hygiène, la condition physique et le sport, la balnéation, les aliments et les boissons, les drogues, les médicaments, la physio-pathologie, les cas rares. Un grand nombre de spécialités sont traitées depuis les troubles cardio-vasculaires, le diabète sucré, les tumeurs, la psychosomatique, les nerfs, le tube digestif, les troubles respiratoires, les maladies infectieuses et parasitaires, l’anatomie, l’embryologie, la gynécologie-obstétrique, le sport, l’anesthésie. Ce traité a été la source médicale la plus consultée du Moyen Age.

Dans son « Traité des poisons » et leurs antidotes, il décrit les symptômes de l’empoisonnement et sait distinguer les différents venins de serpents.

« Aussi ne faut-il pas trop y penser, ni trop se réjouir ni trop s’attrister, car bonheur et malheur ne sont grands que dans notre imaginaire. » Un « Traité sur l’asthme » Il y traite des troubles psychosomatiques, de thérapeutique, d’expérimentations personnelles, de l’alimentation : en quantité et en qualité, des horaires des repas, de l’environnement. Maimonide considère que la maladie résulte de la rupture d’un équilibre. Cet équilibre, physique et mental, sera maintenu chez celui qui saura s’en tenir au juste milieu. Le corps et l’esprit, bien que réalités distinctes, entretiennent chez l’être humain des relations d’interdépendances. Tout déséquilibre dans l’un se répercute sur l’autre, compromettant ainsi l’harmonie de l’être humain: « Il est clair pour les médecins, que l’on ne peut parvenir à la thérapeutique des maladies de manière directe ; il faut s’efforcer avant tout de bien connaître le tempérament du malade… »
 » Quant aux émotions, leur importance nous est connue ; c’est à dire que l’action de la souffrance morale et de l’oppression, que nous constatons, affaiblit les fonctions psychiques et physiques à tel point qu’au cours des repas, l’appétit disparaît à cause de la douleur, de l’angoisse, de la tristesse ou des soucis. Si l’homme veut alors élever la voix, cela lui sera impossible, car son émotion affaiblit ses organes respiratoires dont il ne pourra se servir convenablement… Il n’a même pas de force pour lever ou déplacer ses membres. Si cet état persiste, il tombera obligatoirement malade et si cela se prolonge, il mourra… La joie et le plaisir provoquent l’état contraire et renforcent le moral et les mouvements du sang et de l’esprit. Ainsi, l’organisme verra s’accomplir ses fonctions aussi complètement que possible ».

Dans son « Traité de la vie conjugale », il aborde les facteurs psychologiques, le nombre des partenaires, les aliments et boissons intervenants dans la sexualité, les aliments contre-indiqués, les mets cuisinés, recettes et aphrodisiaques et l’hygiène de vie à suivre.

Dans le « Traité des hémorroïdes » on peut lire des des conseils sur les mets bénéfiques et ceux à éviter pour qui souffre d’hémorroïdes, des mesures de prophylaxie et de thérapeutique générale et locale.

« L’essentiel pour l’alimentation (comme dans tous les domaines) est de parvenir à un équilibre et de s’y tenir… » Le « Traité de conservation de la Santé », donne des règles pour maintenir la santé physique, mentale, sociale. Il reprend les recommandations de la Tradition Hébraïque (Talmud Berah’ot 62 b) : « On ne mangera jamais que l’on ait faim et l’on ne boira jamais que l’on ait soif »-. -« On ne se retiendra jamais pour satisfaire ses besoins naturels même un instant tant pour uriner que pour aller à la selle » (Chabbat 82a).

Maimonide ajoute cette notion d’hygiène alimentaire: « … Lorsque l’homme travaille, se fatigue suffisamment, se nourrit modérément et lorsque ses intestins se vident facilement : ses forces se raffermissent… »
Par contre, qui mène une vie tranquille sans exercice physique, qui tarde à satisfaire ses besoins naturels,… mangerait-il des aliments sains… que, sa vie durant, il serait sujet à des affections diverses.. »

Maimonide apparaît même prémonitoire lorsqu’il écrit: « La gloutonnerie est comme un poison mortel pour le corps humain et la véritable cause de toutes les affections… dont la plupart ont pour origine les aliments nuisibles, une alimentation trop abondante, même lorsqu’il s’agit d’aliments sains ».

Dans ses « Commentaires des aphorismes d’Hippocrate  » il considère les aphorismes d’ Hippocrate comme l’oeuvre la plus utile pour un médecin tout en estimant utile d’en clarifier certains points. Il commente également l’oeuvre de Galien. Il éclaircit certains points obscurs, en réfute d’autres, son but étant de faciliter l’acquisition des connaissances.

Son « Traité des réponses médicales » contient des études sur la personnalité du Vizir Al Afdal et des conseils sur son emploi du temps, des aperçus sur les problèmes de déontologie, et enfin une mise en relation de la médecine et de la religion.

– En 1932, on a retrouvé un « glossaire de phytothérapie », de 350 remèdes à base de plantes, classées par ordre alphabétique avec leurs noms populaires (en arabe, grec, persan et en dialecte berbère, marocain, égyptien).

A la différence de ses confrères juifs, son oeuvre conseille la modération dans les prescriptions, associant les remèdes au soutien psychologique. C’est ainsi qu’il considère que les « médicaments ne servent qu’à soutenir la nature dans sa tâche, mais ne peuvent se substituer à elle. » Pour lui, la guérison est synonyme du retour à un équilibre antérieur (à la nature), momentanément perturbé par la maladie. Cette réflexion est un exemple accompli de médecine orientale et qui plus est en accord avec la Torah, dans laquelle la maladie est le contraire du bien-être.
Pour y parvenir, il conseille d’utiliser autant,
– les ressources du corps, que l’on pourrait appeler « l’hygiène de vie »,
– que les facultés de l’esprit mobilisées dans le cadre d’une dynamique pré-dictée par le Créateur. Il faut que l’homme fasse le bilan de ses actes par rapport à ce qu’il doit ou aurait dû faire et remédie à son grief ou à celui d’autrui, en réparant sa ou ses fautes.
Ce compromis peut laisser entrevoir, pour la médecine occidentale, les ressources de ce que l’on appelle aujourd’hui la médecine psycho-somatique.

La « Prière Médicale » qui lui est attribuée est un acte de foi professionnelle, aussi noble que le Serment d’Hippocrate, qui inspire encore aujourd’hui de nombreux médecins juifs:
« Mon Dieu, remplis mon âme d’amour pour l’art (médical) et pour toutes les créatures. N’admets pas que la soif du gain et la recherche de la gloire m’influencent dans l’exercice de mon Art, car les ennemis de la vérité et de l’amour des hommes pourraient facilement m’abuser et m’éloigner du noble devoir de faire du bien à tes enfants. Soutiens la force de mon coeur pour qu’il soit toujours prêt à servir le pauvre et le riche, l’ami et l’ennemi, le bon et le mauvais.
Fais que je ne vois que l’homme dans celui qui souffre. Fais que mon esprit reste clair auprès du lit du malade et qu’il ne soit distrait par aucune chose étrangère afin qu’il ait présent tout ce que l’expérience et la science lui ont enseigné, car grandes et sublimes sont les recherches scientifiques qui ont pour but de conserver la santé et la vie de toutes les créatures.
Fais que mes malades aient confiance en moi et mon Art pour qu’ils suivent mes conseils et mes prescriptions. Eloigne de leur lit les charlatans, l’armée des parents aux mille conseils, et les gardes qui savent toujours tout : car c’est une engeance dangereuse qui, par vanité, fait échouer les meilleures intentions de l’Art et conduit souvent les créatures à la mort. Si les ignorants me blâment et me raillent, fais que l’amour de mon Art, comme une cuirasse, me rende invulnérable, pour que je puisse persévérer dans le vrai, sans égard au prestige, au renom et à l’âge de mes ennemis. Prête-moi, mon Dieu, l’indulgence et la patience auprès des malades entêtés et grossiers.
Fais que je sois modéré en tout, mais insatiable dans mon amour de la science. Eloigne de moi l’idée que je peux tout. Donne-moi la force, la volonté et l’occasion d’élargir de plus en plus mes connaissances. Je peux aujourd’hui découvrir dans mon savoir des choses que je ne soupçonnais pas hier, car l’Art est grand mais l’esprit de l’homme pénètre toujours plus avant. »
(Traduction tirée de : Soulier, Du Serment d’Hippocrate à l’éthique médicale, Thèse médecine, Marseille, 1985)

Le vieux sage meurt à Foustat (le vieux Caire) en Egypte en 1204 et sera inhumé à Tibériade. Rabbi Moshe ben Maimon dit le « Rambam »est enterré aux cotés de son père, dont le caveau est parallèle au sien. Sur sa tombe est inscrit en Hébreu « Mi Moshé ad Moshé, Lo Kam ké Moshé » (« De Moïse à Moïse, il n’y eut personne comme Moïse). Dans ce cimetière se trouvent les caveaux de très grands rabbins et de très grandes figures du judaïsme.

 

Prière de Maïmonide
Il devient le chef de la communauté juive d’Egypte menacée par l’expansion des idées karaïtes. Il écrit, en guise de réponse, Le Guide des Perplexes (ou des Egarés).

Il assure cette responsabilité spirituelle en refusant toute rémunération. Maimonide continue d’étudier, de publier des lettres, de faire des conférences publiques sur des sujets philosophiques et d’écrire des ouvrages sur la loi juive. En particulier il finit de compiler le Michné Torah, un ouvrage fondamental.
Il entretient une correspondance avec les savants juifs de toutes les communautés situées autour de la Méditerranée (en particulier, Marseille, Lunel) qui lui posent des questions.
Il correspond avec les communautés juives, celle du Yemen, les encourage à résister à toute tentative de conversion. Il secourt financièrement les communautés en difficulté.
Le 13 décembre 1204 Maimonide meurt à Fostat, puis il est enterré à Tibériade, en Erets Israel. Admiré par les Musulmans d’Égypte, un jeûne est institué à Jérusalem, à la nouvelle de sa mort.

 

 

Adaptation par J.G

Source 1

 

 

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