MH17 : la Russie un peu plus compromise dans le crash
D’après les procureurs internationaux qui ont enquêté sur le drame, le Boeing 777 de la compagnie Malaysia Airlines qui a été abattu au-dessus de l’est de l’Ukraine en juillet 2014 a été touché par un missile Buk de fabrication russe tiré d’un village ukrainien tenu par les séparatistes prorusses
Correspondant à Moscou
Les circonstances du crash de l’avion de ligne de la Malaysia Airlines au-dessus du territoire ukrainien alors en guerre, le 17 juillet 2014, ne font désormais plus de doutes: le vol MH17 qui reliait Amsterdam à Kuala Lumpur avec 298 personnes à bord, a bien été abattu par les rebelles séparatistes prorusses à l’aide d’un missile BUK qui a été convoyé de Russie pour cette opération avant de revenir à son point de départ, a indiqué mercredi, le parquet néerlandais, Wilbert Paulissen. Ces conclusions sont le fruit d’une enquête menée par douze pays, dont les Pays-Bas, l’Ukraine, la Malaisie et les États-Unis, et qui devrait se poursuivre jusqu’en 2018.
La grande majorité des victimes de la catastrophe étaient néerlandaises. Dans les jours qui avaient suivi, les puissances occidentales adoptaient des sanctions économiques renforcées à l’encontre de Moscou. Le rapport a été aussitôt contesté par un représentant des républiques autoproclamées du Donbass, Edouard Basourin, expliquant que les combattants n’avaient pas à disposition de telles armes, ni les spécialistes susceptibles de les utiliser. Et pour cause.
Le 16 juillet 2014 au soir, soit la veille du crash, et selon les retranscriptions de conversations entre chefs rebelles, l’un d’eux s’inquiète: «je ne sais pas si mes gars vont pouvoir tenir. Si j’ai le temps de recevoir le Bouk le matin et de l’envoyer là-bas (sur la ligne de front, NDLR), ce sera bien. Sinon, on est cuits». Son vœu sera exaucé. La plateforme de missiles franchit la frontière russo-ukrainienne dans la matinée du 17 avant d’être chargé sur un camion Volvo, avec l’aide d’un groupe de combattants, nommé les «Bibliothécaires». Arrivés à proximité du village de Snejnoe alors contrôlé par les forces séparatistes, les missiles sont déchargés puis utilisés quelques kilomètres plus loin vers 16h20, près du bourg de Pervomaïski.
Moscou s’oppose à la création d’un tribunal spécial
Ce n’est que dans la nuit, après un obscur périple en territoire séparatiste que le convoi retraversera la frontière en sens inverse. Les enquêteurs affirment s’appuyer sur les témoignages de plusieurs personnes, sur des données satellites ainsi que sur l’analyse de fragments de débris du BUK retrouvés dans les dépouilles des victimes. Ils reproduisent par ailleurs plusieurs conversations téléphoniques entre rebelles, faisant ainsi état des pérégrinations du convoi. L’un d’entre eux s’inquiète notamment du «bordel» entourant le retour des missiles en Russie.
Pour autant, le parquet néerlandais se refuse à incriminer la Russie «en tant qu’État». L’enquête pénale, dont certains éléments n’ont pas été rendus publics, pourrait concerner une centaine d’individus impliqués de près ou de loin dans la tragédie. D’ores et déjà, Moscou s’est opposé à la création d’un tribunal chargé de punir les coupables sous l’égide de l’ONU. La veille de la présentation du rapport occidental, le ministère russe de la Défense avait affirmé que ses radars n’avaient décelé aucun «objet aérien» susceptible de provoquer le crash. Il s’agit de la troisième version présentée par Moscou depuis la tragédie et dont les points communs aboutissent néanmoins à incriminer l’armée ukrainienne. Mercredi, le parquet néerlandais a regretté une nouvelle fois le manque de coopération de la Russie dans l’enquête, ce qui rend très improbable la tenue d’un futur procès. Les familles néerlandaises pourraient même ne jamais connaître l’identité des véritables responsables de la mort de leurs proches.