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Mémoires Juives de Corse
Les Mémoires juives de Corse par Didier Long, parues chez l’éditeur Lemieux en 2016, traitent d’un sujet, relativement peu connu et qui est désormais accessible au plus grand nombre. C’est un essai qui se veut historique, puisant aux meilleures sources et soucieux de faire de l’histoire sans céder aux raccourcis faciles du récit légendaire.
C’est que la Corse fait penser à la langue d’Esope : pour les uns, c’est l’île de beauté tandis que pour d’autres, c’est une région peuplé d’insulaires plutôt infréquentables. La vérité se situe évidemment loin de ces deux vues caricaturales. Mais ici, ce qui nous intéresse, c’est l’attitude de cette île et de sa population à l’égard des Juifs depuis le Moyen Âge jusqu’à nos jours.
Je laisse de côté l’aspect confessions ou récit autobiographique, concernant la découverte par l’auteur de ses racines juives. Mais le lecteur ne sera pas insensible à l’évocation de la figure attendrissante de la grande-mère qui incarnait, sans vraiment le savoir, les racines juives de cette famille si bien intégrée en Corse.
L’auteur se souvient du lieu où habitait sa grand mère, non loin de la petite synagogue locale. Il se souvient surtout des cédrats confits que la vieille dame envoyait à sa progéniture au milieu de l’automne, ce qui nous renvoie évidemment à la célébration de la fête juive (souccot) des cabanes ou des tabernacles.
L’auteur a fini par comprendre que sa grand mère perpétuait ainsi, sans le savoir, la vieille coutume liturgique juive qui prescrit d’acquérir, conformément au commandement biblique, une branche de palmier, des feuilles de saule et un cédrat, afin de constituer le fameux bouquet festif de souccot.
Comment cette tradition multimillénaire s’est transmise au point d’arriver chez la grand mère de l’auteur, c’est ce que ce passionnant petit ouvrage entreprend d’expliquer en évoquant les pérégrinations de réfugiés à la recherche de rivages hospitaliers, loin des persécutions des tribunaux de l’Inquisition, laquelle s’était établie même dans les territoires amérindiens.Résultat de recherche d'images pour "cédrat souccot"
L’auteur s’en réfère aux diverses vagues d’immigration qui ont constitué la Corse que l’on connaît. Par arrivages successifs, les nouveaux venus ne se sont pas contentés d’arriver et de s’installer, ils se sont intégrés presque complètement, au point d’oublier leurs origines juives, lorsqu’il s’agissait de juifs fuyant la péninsule ibérique après les infâmes décrets d’expulsion de 1492.
La situation peut se résumer ainsi : la Corse, en ce temps là, était la seule grande île qui ne fût pas sous domination espagnole, donc soustraite aux persécution de l’Inquisition. La cité-Etat de Gêne prit les reines de l’île durant près de deux siècles et les juifs qui avaient fui l’Espagne pour se réfugier en Italie purent, grâce au trio constitué par Gêne, Livourne et la Corse, sauver leur vie et s’installer sur l’île.
Une île, nous informe l’auteur, qui fournira en milliers de cédrats les juifs du continent mais aussi des Etats allemands où la rigueur climatique ne favorisait pas la culture d’une telle agrume.
L’auteur nous apprend même, grâce à son mentor le rabbin Haïm Harboun, que les autorités rabbiniques de l’époque avaient décrété que les cédrats cueillis sur l’île de beauté étaient religieusement valides pour l’usage liturgique.
La plupart des juifs établis sur l’île étaient aussi des marranes, c’est-à-dire des juifs convertis de force mais qui judaïsaient en secret… Petit à petit, les rites religieux se fondirent en coutumes, en pratiques que l’on ne s’expliquait plus car le temps avait contribué à en estomper la provenance exacte : ainsi de cette liqueur de cédrat, la cédratine (sic) , généralement appréciée sur l’île.
C’est ainsi que se forment les cultures, c’est la genèse religieuse du culturel : par couches successives, les traditions se déposent les unes sur les autres, elles se fécondent mutuellement et le temps fait son œuvre.
Ainsi votre grand mère ou votre grand père reste attaché à des schémas ou à des pratiques dont vous ne soupçonnez pas la provenance ni la signification.
Même la Bible hébraïque n’échappe pas à cette loi de l’évolution historique : le cas de la vache rousses sont les cendres lustrales font disparaître la moindre d’impureté… Le talmud avoue lui-même en ignorer la provenance. Pour illustrer cet état, il spécifique que même le roi Salomon, auquel Dieu avait donné la plus grande sagesse, n’était pas parvenu à percer au jour un tel mystère…

Je suis tout à fait d’accord avec cette présentation d’une âme corse, étrangère à tout antisémitisme, accueillant l’étranger dans la détresse et respectant ses droits, à la seule condition qu’il ne menace pas l’identité de l’île… De Pascal Paoli à Napoléon, ce philosémitisme ne fut  jamais démenti.

Je suis tout à fait d’accord avec cette présentation d’une âme corse, étrangère à tout antisémitisme, accueillant l’étranger dans la détresse et respectant ses droits, à la seule condition qu’il ne menace pas l’identité de l’île… De Pascal Paoli à Napoléon, ce philosémitisme ne fut  jamais démenti.
Je me souviens d’un grand dîner à l’hôtel de ville de Paris ; à mes côtés se trouvait le sénateur-maire d’une ville de la banlieue parisienne. C’était un Corse et nous eûmes une intéressante conversation sur l’île et ses habitants. Je dénonçais alors courtoisement les méfaits de l’insularité et déplorais que les Corses n’aident jamais la police ou la justice à découvrir des coupables de crimes et de délits, au nom de je ne sais quelle solidarité entre Corses…

Monsieur, dans notre île, aucun Corse n’a dénoncé de juifs aux Nazis. Les choses se sont passées tout autrement sur le continent !

Le parlementaire, un homme d’un certain âge qui me connaissait de nom, me fit la remarque suivante :
Monsieur, dans notre île, aucun Corse n’a dénoncé de juifs aux Nazis. Les choses se sont passées tout autrement sur le continent !
Et c’était vrai. L’auteur du présent ouvrage le développe convenablement dans son ouvrage. Les autorités juives ont même parlé de la Corse comme de l’île des Justes, justes car n’ayant jamais livré le moindre réfugié à la Gestapo.

Alors les Corses, tous d’origine juive ? Certainement pas, mais un certain nombre d’entre eux…Il y a du juif en tout homme, le destin juif est frappé au sceau de l’universel. Job n’était pas juif et pourtant il incarne les souffrances humaines sur cette terre.

Alors les Corses, tous les Corses d’origine juive ? Certainement pas, mais un certain nombre d’entre eux… ET cela remonte à plusieurs siècles.
Je reprends ici une phrase d’Emmanuel Levinas dans son recueil intitulé A l’heure des nations :
Il y a du juif en tout homme, le destin juif est frappé au sceau de l’universel. Job n’était pas juif et pourtant il incarne les souffrances humaines sur cette terre.

Le peuple juif est un peuple-monde, ou un peuple éternel qui aspire à la paix et à la sérénité. Il les a trouvées aussi en Corse.

Maurice-Ruben HAYOUN

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Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève


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