Manger kacher. Pourquoi?

 

     Paracha Chemini          

                           

                                   

 

Se nourrir est apparemment un  besoin qui concerne seulement le corps. Mais les lois alimentaires de la cacherouth énoncées dans la paracha Chemini (Vayikra – Lévitique – Chapitre 11), lue Chabat dernier, puis dans Réeh (Devarim- Deutéronome – Chapitre XIV)), vont permettre au Juif de donner à l’acte de nourriture une dimension où le corps rejoint l’âme.

       

Manger c’est assimiler le monde extérieur (végétal ou  animal) , l’incorporer à son corps et le rendre semblable à soi-même , c’est  transformer ce qui nous est extérieur , le superficiel,  en existence intérieure , dotée d’une âme comme nous .

Tel est le fondement de l’alimentation : transformer en humain le non-humain,  intérioriser le monde extérieur et l’élever en l’intégrant à la vie de l’homme.

Il est explicite, dans le texte même de la Torah,  que manger des fruits est une obligation (1)

Dans  Berechit – Genèse 2,16  « Dieu ordonna à l’homme : Mange de tous les arbres du jardin.». C’est dit sous forme d’injonction. La  première génération de l’humanité, qui porte en elle toutes les générations, a  reçu l’ordre de manger des fruits  Ce commandement de nature positive en l’occurrence était le seul donné à Adam.

Il semble juste de voir dans ce commandement la source de tous les commandements positifs

Telle est l’importance de manger, et en particulier des fruits.  Du temps d’Adam,  la nourriture ne se composait que de fruits mais nous  pouvons profiter de toutes les choses existantes : elles sont nos fruits.

Pourquoi fut-il ordonné à Adam de manger des fruits, et non pas de la viande.

Parce qu’il est apparemment plus facile d’en déceler la sainteté

(Cette alimentation n’étant pas compliquée de la  problématique  morale de  l’abattage) bien qu’il y ait une valeur  à la consommation de tous les aliments, même la viande.  (1)

Casher-Juif-Affiche_348_232

 

                     Vivre pour manger

 

Il existe en l’homme deux perspectives de vie : une  intérieure, en lui, et  une extérieure, le monde.

Nous comprenons qu’il nous faut transformer ce qui nous est extérieur, le superficiel, en  existence intérieure, dotée d’une âme comme nous.

Tel est le fondement de l’alimentation : intérioriser le monde extérieur et l’élever en l’intégrant à la vie de l’homme. Delà provient l’injonction : « Mange tous les arbres du jardin ». (Rav Yehouda Léon Ashkenazi, Manitou,  rapporté dans 1)

La première génération de l’humanité, qui porte en elle toutes les générations, a donc reçu l’ordre de manger des fruits

Se nourrir c’est, réalisé par un être supérieur, l’acte  d’assimiler  quelque chose d’inférieur.

Par exemple, lorsque nous nous apprêtons à consommer un fruit, le fruit non encore mangé appartient encore au monde végétal.

Un fruit consommé par l’homme se transforme en homme et non seulement en homme, mais également en paroles de Torah dites par le consommateur. Ainsi en mangeant nous élevons la création tout entière(1).  Par l’acte de nourriture, nous sanctifions le côté matériel du monde.

Il ressort de tout cela que, selon la Torah nous ne mangeons pas pour vivre mais nous vivons pour manger dans la sainteté bien sûr…

Telle est la finalité de l’homme.

Son rôle,  avant même qu’il ne faute,  fut défini ainsi : « Dieu ordonna à l’homme : «  Mange de tous les arbres du jardin ».

Cela nous amuse, car nous sommes habitués à relier l’alimentation à de basses notions d’intérêt, dénuées d’idéal : je mange parce que je le dois, non pas parce que c’est une valeur, mais afin de subsister. Dans notre monde matériel, où les besoins se substituent aux valeurs, et où parler de l’idéal de manger paraît ridicule, la faute devient possible. (1)

                Notre rapport au monde.

Notre alimentation  reflétant  notre structure mentale, notre  comportement alimentaire traduit, exprime,  pour une  large part le type de relation  que nous désirons  entretenir avec le monde.

Dans notre rapport au monde – matériel -, nous n’avons pas seulement à faire le bon choix, nous devons aussi affecter l’objet de notre choix à une fonction spirituelle.

Passées dans mon  corps, les substances prennent ses caractéristiques propres tout en ne perdant pas les leurs.

Manger c’est donc  vouloir s’identifier à ce que l’on mange. 

Pour constituer ma personnalité, que dois-je  choisir comme nourriture dans l’énorme diversité des aliments-valeurs-? Une diversité   qui va  être unifiée en moi après leur assimilation,  «acte d’unification monothéiste » par excellence.

Des limites s’imposent.                                                                         Quantitatives : on ne peut tout engloutir ; le désir infini de tout absorber (instinct de nourriture) doit être maîtrisé 

Qualitatives : en  priorité,  la violence, que l’homme  ne doit pas faire pénétrer en lui. Tuer un animal pour le manger implique une violence.

Idéalement, l’homme doit être végétarien (Adam au Gan Eden). Mais la violence existe, incontournable. Il faut la canaliser. D’ où  les lois de l’abattage rituel et celles qui règlent la vie du peuple d’Israël.

Enfin,  se nourrira de manière « kacher » celui qui se constituera d’espèces – d’éléments, de valeurs – conformes à l’idéal de l’Univers voulu par l’Eternel. Cela veut dire que les règles qui  président au choix  de la nourriture  sont  placées sous le signe du respect de la vie , de la distinction des genres et  des valeurs (absence d’équivoque , d’ambiguïté ) et de l’équilibre de l’esprit ( intériorité) et du corps ( extériorité ) .

Ainsi, chaque goutte bue, chaque bribe de nourriture absorbée  est  une occasion pour l’homme de penser à Dieu. Et dans le foyer juif,  le « coin  – cuisine »   et la table des convives  acquièrent  la  dimension du  sacré.

                  Manger pour ne pas être mangé

Notre société tout en valorisant l’image, laisse une place considérable aux slogans, aux messages et cela aussi bien dans la sphère culturelle que politique. Nous sommes quotidiennement assaillis d’idées ou de mots d’ordre dont la fonction est à la fois d’informer et de fabriquer, pour chaque individu, une conscience de la réalité qui l’entoure. C’est ce que tout un chacun appelle la « liberté de pensée » On pourrait comparer cela à un grand self- service idéologique où chacun vient choisir ses idées ou ses opinions sur  tout et sur n’importe quoi (2) .

Pour nous ce modèle social n’est qu’une illusion parce que la liberté n’est pas seulement la faculté de choisir, mais aussi (et surtout) la capacité intellectuelle de savoir choisir. C’est l’une des raisons pour laquelle Dieu nous a donné des « mitsvoth » ( des commandements ) Une mitsvah est comme un repère qui permet à l’individu à la fois de se situer par rapport à la réalité du monde et de connaître sa propre réalité intérieure. Sans mitsvoth,  l’homme poussera comme une herbe sauvage au gré de la pluie et du beau temps.

 

Ainsi l’homme moderne croit consommer des idées alors qu’en fait ce sont les idées qui le mangent.   Il est victime des modes et des courants de pensée qui régulièrement font et défont sa conscience : il pensera un jour que la peine de mort est une nécessité sociale parce que la veille un homme aura tué des enfants, mais changera d’avis à l’écoute d’un plaidoyer humaniste la condamnant. En fait il lui sera impossible de se créer une idée objective et dépassionnée de ce problème.(2)

 

                      Pur et impur

Pour y parvenir on trouvera dans notre paracha des éléments de réflexion pouvant nous y aider.

C’est la première fois en effet ici que la Torah nous ordonne de distinguer entre le pur de l’impur. Or cette injonction nous est donnée précisément en même temps que les premières lois alimentaires. L’idée  est claire : pour être capable de distinguer le pur (le bien) de l’impur (ce qui est mauvais pour nous) il faut faire attention à ce que l’on mange, c’est – à –dire allusivement à ce que l’on entend et ce que l’on voit, à ce qui formera notre conscience des choses.(2)

——————

La première catégorie d’animaux mentionnés dans notre paracha est celle des mammifères qui, pour être permis à la consommation devraient obligatoirement posséder deux caractéristiques : être ruminants et avoir des sabots fendus

En consommant la chair de ces animaux, ces deux caractéristique deviennent elles aussi (comme la viande) partie intégrante de notre nature.

L’animal qui rumine emmagasine dans sa panse de l’herbe qui sera plus tard triturée après avoir été ramenée dans  sa  bouche pour être digérée  définitivement par la suite.

Nous devons nous aussi adopter cette attitude devant toutes les idées que l’on tente de nous faire assimiler.

 Réfléchir et  y réfléchir sans cesse (principe de la rumination) pour garder ce qui est bon et rejeter ce qui peut être préjudiciable pour notre santé spirituelle. (2)

 

                  Le chameau, le lapin, le lièvre et le porc

 

La Tora précise pour quatre seulement des animaux interdits  les raisons de leur interdiction : le chameau, le lapin, le lièvre et le porc. Le texte biblique insiste sur le fait que  les trois premiers n’ont pas le sabot fendu et bien que ruminants, ils seront donc interdits .Quant au porc il a pour sa part les sabots fendus mais comme il ne rumine pas, il sera lui aussi inconsommable (3)

 

Les sages du Midrach (Midrash Raba, Chemini ‘XIII, 5) pensent que ces animaux symbolisent les quatre grands empires (ou civilisations) de l’Histoire : cela nous indique que  les critères de ‘kacherouth’ des mammifères (sabots fendus et ruminants) ne constituent pas uniquement des ‘signes extérieurs d’impureté’

Ils ne sont pas destinés simplement à nous faciliter le choix d’un animal consommable sur le marché, son impureté provenant d’autre chose que  de ses sabots ou du fait qu’il ne rumine pas.

Mais ils sont  au contraire des  révélateurs de l’identité profonde des animaux et en tant que manifestation d’une certaine intériorité, ils sont donc de nature absolument universelle. Voilà pourquoi on peut trouver les critères principaux qui définissent la pureté grâce aux signes en question, aussi bien chez les animaux que chez les hommes, ou les nations.

 

                                    Stabilité et réflexion

 

Selon rabbi Jacob Leiner (4Beit Yaakov Shemini , 35) (rapporté par S. Ouziel ), la rumination et les sabots fendus sont deux qualités opposées : la première est le signe du doute et de l’hésitation, alors que la seconde implique la certitude et la confiance.

 

En effet l’animal qui a les sabots fendus  se déplace et repose sur terre de façon absolument stable, puisque la plante de ses pieds est élargie.

De plus, précise le rabbi de Loubavitch (‘Likoutei Sihot, I, Shemini) (rapporté dans 3 ), la fissure de ses sabots lui permet de se rapprocher du sol et donc d’être en contact quasi direct avec lui , contact encore renforcé par le fait que ce sabot est formé de deux parties qui englobent deux directions opposées : la droite et la gauche.

 

A l’opposé dans la rumination, ce sont surtout les qualités de patience et de remise en question qui se dégagent : celui qui rumine ne se suffit  pas d’une réflexion rapide et superficielle mais s’impose la discipline sévère lui permettant de se renouveler à chaque fois. Il admet pouvoir s’être trompé et se sent tout à fait prêt, si nécessaire, à recommencer depuis le début…

 

(… )  [Muni de ses sabots fendus] l’animal pur a donc des pieds qui lui procurent stabilité et  fermeté afin de pouvoir être absolument inséré dans la vie de ce monde et afin d’agir avec rapidité et vigueur pour aider ceux qui l’abordent à se rapprocher de Dieu.

Par contre, le fait qu’il rumine souligne malgré tout que son esprit (qui réside dans la tête) ne se contente plus des impressions premières, mais se livre chaque fois à une analyse approfondie avant de décider quoi que ce soit : il ne laisse rien au hasard. (3)

 

Autre chose. Un sabot tout d’abord évite le contact  direct de la patte avec le sol. Ainsi doit-il  en être pour nous : pendre ses distances avec le monde matériel pour ne pas y être asservi.

 

On gardera dans ces conditions une certaine indépendance d’esprit.

Néanmoins la Thora n’exigera pas d’un Juif de se couper des choses terrestres.

 

C’est pourquoi le sabot doit être fendu..Même lorsqu’il sera immergé dans la matérialité  du monde, le Juif devra tracer une ligne de séparation entre ce qui est nécessaire à ses besoins quotidiens et ce qui est superflu. Ces précautions alimentaires lui donneront la conviction que l’on peut toujours influer sur le cours des choses même si le monde nous donne l’impression d’être manipulé par l’histoire.  (2)

 

                    Manger kacher- manger Juif

Puisque l’homme est essentiellement ce qu’il mange, il est évident que la Torah, en donnant au Juif une nourriture particulière, entend faire de lui un être différent. A l’inverse, un Juif qui ne mange pas kacher perd ce qui fait la différence essentielle entre lui et les autres. Même si un Juif reste toujours Juif, sa nature particulière reste cachée à l’intérieur de lui, sans se dévoiler, tant qu’il ne mange pas kacher. Il est donc évident qu’il lui sera impossible de penser et de ressentir comme un Juif véritable. Cette notion est vraie même sur le plan matériel. (4)

Tout dans ce monde dirigé par les Lois de la nature naît et meurt. Tous les peuples et toutes les civilisations disparaissent un jour parce que leur nourriture ne peut les soustraire à la nature. Israël, lui, traverse l’histoire et ne disparaîtra jamais.

 

Le secret de son éternité est lié entre autre à la nourriture kacher. Si cela concerne essentiellement le Peuple Juif dans son ensemble, chaque Juif en particulier tire lui aussi un bénéfice énorme lorsqu’il mange kacher.

Premièrement il participe consciemment à l’histoire de son Peuple et n’est plus qu’une simple victime d’une histoire qu’il ne comprend pas et dont il voudrait parfois s’échapper. Mieux vaut être Juif parce que l’on en comprend le sens plutôt que de l’être parce que les autres nous le rappellent.

 

De plus, en dévoilant dans son être la nature et la sensibilité d’Israël il parvient à découvrir l’immense Sagesse cachée dans la Torah et réussit grâce à elle à faire de sa vie un chemin de bonheur véritable et authentique.

La nourriture kachere est le bouclier d’Israël contre tous les dangers matériels et spirituels qui se dressent contre lui dans ce monde.(4 )

 

En conclusion  proclamons : ‘ Mangeons kacher et ne vivons pas cachés’ Et le voile du monde se lèvera

 

 

Info’SION Torah   Jérusalem-capitale (Israël)  Moshe  Pierre Caïn

                                                                                   La Torah au présent

                                                  ( d’ après  des  écrits  de  transmission de Torah ) **

par Moshé Pierre Caïn

             24  av 5769    14 août 2009 // 24 av 5774   20 août 2014  //   24 adar bet 5776 // 3 avril 2016

 

Références des textes adaptés ou reproduits 

  1. 1. Rav Oury Cherki, ; Vivre pour manger. Editions Ere , Jérusalem, p.8 à 13 .

     2  Gerard Touaty Actualité juive n°378, 7/04/94 

  1. Shmuel Ouziel, Le chameau, le lièvre, le lapin et le porc , Jerusalem Post édition française 22-28 mars 1995 ****

                                                                

  1. Rav Haim Dynovisz’ Manger cacher – manger Juifr PrésenceJ.net  avril 05   22 adar Beth 5765

 

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

0 Commentaires
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires