L’Iran peut-il tenir en un seul bloc à long terme?©

Le New York Times offre un instantané parlant d’Ahvaz, une ville iranienne à majorité Arabe (sunnite) près de la frontière irakienne, où un mouvement de protestation grandissant a, récemment, été réprimé par les forces de sécurité :

Des jours de manifestations au milieu de la tempête de sables, des échecs du pouvoir et de la mauvaise gestion du gouvernement, dans l’une des villes les plus riches en pétrole, ont fini par se calmer après que les forces de sécurité aient déclaré toute manifestation illégale.

Les habitants d’Ahvaz, une ville dont la population est majoritairement arabe, près de la frontière avec l’Irak, a manifesté pendant cinq jours par des rassemblements de plus en plus vastes, qui circulent sur les vidéos des téléphones portables et les clips partagés par les réseaux sociaux. 

La région autour d’Ahvaz est un centre de production pétrolière en Iran et depuis que les sanctions économiques ont été levées, le gouvernement iranien a espéré un investissement étranger conséquent dans ce secteur, afin de mettre à noveau les raffineries et les centrales électriques, mais aussi corriger les problèmes écologiques qui  ne cessent de se creuser. 

Les clips sur téléphones montrent des manifestants appelant à la démission du gouverneur local. Et, alors que nombre de manifestants augmente, les revendications commencent à intégrer un appel aux hauts-dirigeants de la capitale,Téhéran, à se rendre à Ahvaz pour constater les problèmes par eux-mêmes. […]

Les locaux disent qu’ils se sentent ignorés et qu’ils en ont assez. « Nous nous sentons comme si nous vivions dans une zone spéciale, d’où le gouvernement ne fait uniquement que puiser de l’argent », déclare Mobin Ataee, un étudiant du coin. « Il semble qu’ils préféreraient les gens quittent la région de façon à la transformer entièrement en réigon exclusivement consacrée à l’extraction de pétrole”

Ces manifestations peuvent bien ne guère aller plus loin et il est important de ne pas sur-interpréter la signification d’un mouvement régional. Comme le Printemps Arabe nous l’a récemment appris, la presse occidentale – sans même mentionner les deux derniers Présidents – se livrent souvent à des prédictions prématurées sur l’impact transformateur de mouvements démocratiques au Moyen-Orient, tout en sous-estimant la capacité des régimes autocratiques à réprimer les dissidents et à s’accrocher au pouvoir.

Mais encore, le récit sur Ahvaz offre effectivement un aperçu du bouillonnement des tensions régionales et ethniques qui posent des problèmes de long terme à l’élite de Téhéran. La plus lourde tendance des politiques au cours des 150 dernières années, c’est l’éclatement des Etats multi-ethniques et multi-linguistiques en entités plus petites et plus homogènes,alors que les peuples revendiquent un plus grand contrôle sur leur propre vie. Et l’Iran est l’un des Etats au monde les plus vulnérables à cette tendance, avec les Azéris, les Kurdes, les Baloutches et et beaucoup d’autres minorités, sous le joug corrupteur, répressif et souvent très peu efficace et efficient des Mollahs.

S’il est vrai que l’ère de Sykes-Picot touche à sa fin au Moyen-Orient et que des Etats comme le Liban, la Syrie et l’Irak sont sur le point de voir leurs frontières se redessiner, il est difficile de voir comment ce processus peut être stoppé à la frontière entre l’Irak et l’Iran. Les Kurdes iraniens veulent leur Indépendance, et bien d’autres Arabes d’Iran rejoindraient avec joie leurs frères chiites (et les fidèles hommes des tribus dans bien des cas) de l’autre côté des frontières. L’ingérence même de l’Iran a joué un rôle central dans l’éclatement de l’ordre régnant à travers toute la région et l’inflammation des identités politiques qui plonge à présent, pays après pays, dans des es terribles. Les Mollahs ont-ils le don de jouer avec le feu sans jamais se brûler?