Une jeune militaire yazidie dans le quartier d'al-Sinaa, le 6 juillet. - Crédits photo : Morukc Umnaber/dpa Picture-Alliance/AFP
Les yazidies à Raqqa pour libérer leurs sœurs esclaves de Daech
Source : Le Figaro

Raqqa

Sautant au bas de leurs pick-up d’un pas léger, une vingtaine de combattantes en treillis, foulards fleuris noués autour du cou ou de la tête, sacs sur le dos et kalachnikov en bandoulière, débarquent joyeusement dans la fournaise de Raqqa. Avec leurs stocks de munitions et de nourriture, elles s’installent dans une petite mosquée et dans la maison adjacente, abandonnée par son imam à cause des violents combats qui se sont déroulés les jours précédents dans les rues alentour. Ces jeunes guerrières âgées d’une vingtaine d’années et qui établissent leur camp de base à proximité de la ligne de front orientale de la ville de Raqqa, sont arrivées en renfort, début juillet, pour participer, aux côtés des Forces démocratiques syriennes (FDS), la coalition arabo-kurde soutenue par les Occidentaux, à la reconquête de la capitale syrienne de l’organisation État islamique.

Rien d’étonnant à voir des femmes prendre les armes avec autant d’enthousiasme. Les Kurdes proches de la mouvance du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan) prônent la parité entre hommes et femmes dans toutes les institutions, y compris militaires, et leur branche féminine, les YPJ (Unités de protection des femmes), s’est rendue célèbre depuis le début de la guerre contre Daech en Syrie et en Irak. Environ 2000 combattantes participent à la reconquête de Raqqa. Mais ce bataillon de jeunes femmes qui monte au front n’est pas un bataillon comme les autres. Ce sont des YJS, les Unités des femmes du Sinjar, constituées en 2014 au moment de l’invasion par Daech de la région du mont Sinjar dans l’ouest de l’Irak, le fief historique des yazidis. Ces derniers sont une minorité religieuse de Mésopotamie. Le groupe qui pose le pied à Raqqa est entièrement constitué de résistantes yazidies, venues en Syrie pour venger leurs sœurs, martyrisées et réduites en esclavage par les militants du califat.

Une minorité persécutée

«Notre présence est symbolique en nombre, nous n’allons pas changer le cours de la bataille, mais ce n’est pas un détail non plus. Nous sommes ici pour l’histoire, pour que la tragédie vécue par le peuple yazidi ne soit pas oubliée», lance, sentencieuse, Deniz, 25 ans, la commandante du bataillon. Cette jeune guerrière a gagné ses galons à Sinjar, Shengal en kurde, où elle a combattu pendant deux ans. Elle a hâte de retourner en découdre. «Lorsque Daech a attaqué la région des yazidis, ils ont enlevé des centaines de femmes et d’enfants. Les jeunes femmes ont été violées, emmenées de force pour être vendues sur le marché aux esclaves ou livrées aux combattants. C’est pour les libérer que nous sommes ici, maintenant que les opérations parviennent dans le centre-ville», précise la commandante. Elle ajoute qu’un grand nombre d’enfants ont également été arrachés à leurs familles et embrigadés parmi les «Ashbal al-Khilafat», les Lionceaux du Califat, une sorte d’école de l’horreur où les enfants sont rééduqués, convertis à l’idéologie et aux pratiques sanguinaires des djihadistes, dès l’âge de 4 ans. Les yazidis, religion monothéiste antéislamique, sont considérés comme des «infidèles» par les islamistes et sont régulièrement persécutés dans les pays musulmans où ils sont établis.

«Nous sommes venues jusqu’ici parce que Daech a commis un génocide contre les yazidis, et des centaines d’esclaves restent encore probablement entre leurs mains. Principalement à Raqqa, qui est la capitale de leur califat», justifie, elle aussi, Shengale, 24 ans, une grande brune souriante dont le visage exprime à la fois douceur et détermination. «Seuls les yazidis peuvent savoir ce que cela représente. C’est le pire de tous les massacres que nous avons subis dans notre histoire et il y en a eu 74! Mon grand-père, quand j’étais petite, me racontait ces horreurs. Après les massacres de 2014, je ne pouvais pas faire autrement que de m’engager.»

Restées à l’écart, à l’ombre, dans la cour de la mosquée, deux jeunes femmes refusent d’être interviewées. Ces deux-là sont des rescapées, libérées par leurs camarades après avoir été emmenées de force par les djihadistes de l’État islamique et vendues comme esclaves à des combattants étrangers. «De Sinjar, de Mossoul et d’autres villes… Beaucoup sont rentrées auprès de leurs familles, avec leurs traumatismes. Certaines se sont immédiatement engagées avec nous», confirme Deniz, la commandante du bataillon. Pour se venger. Pour laver leur honneur bafoué dans le sang.

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