L’avènement de trois Allemagnes contradictoires

 

L’Allemagne contemporaine se manifeste de trois façons : la vieille Allemagne, la nouvelle Allemagne et l’Allemagne « mutante ». De nombreux événements en Europe ont une grande signification pour Israël, pour les Juifs et/ou la compréhension de l’impact de la Shoah. En Allemagne, c’est plus souvent le cas que dans n’importe quel autre des pays européens.

L’extrême violence récente des anarchistes provenant de divers pays pour se rassembler à Hambourg, avant et au cours de la réunion des dirigeants mondiaux du G20, en est la parfaite illustration. Avant la rencontre, déjà, les émeutiers ont déclenché des incendies, mis le feu à des voitures, ont fait éclater les vitres de magasins et lancé des cocktails-Molotov. Près de 600 policiers ont été blessés.

On peut se demander pourquoi les 20.000 policiers, qui ont ensuite été appuyés par des forces supplémentaires, n’ont pas réussi à circonscrire cette violence en employant des actions plus contraignantes contre les émeutiers. En Allemagne, où les énormes crimes commis durant la Shoah sont souvent présents à la conscience et probablement bien plus encore dans le subconscient, on préfère que les citoyens subissent plus de désordres publics, plutôt que de risquer de tuer par erreur un émeutier.

Renforcé par diverses expériences de la radicalité, Israël traite ces questions de façon bien différente. Six millions de Juifs ont été tués par les Allemands au cours de la Seconde Guerre Mondiale. Le Gouvernement israélien fait de la sécurité de ses soldats la priorité bien au-dessus de celle de leurs adversaires.

A première vue, l’attitude des Allemands envers ces émeutiers n’a rien d’unique. Au cours des émeutes de l’automne 2005 en France, où les émeutiers, des jeunes immigrés originaires des pays musulmans, s’adonnaient au saccage et au pillage, le gouvernement a perdu le contrôle durant plusieurs jours. Les voyous brûlaient les voitures, les boutiques et les bâtiments publics.

Cependant, la raison pour laquelle le gouvernement français restait prudent dans ses actions contre les casseurs était différente de celle de l’Allemagne récemment. Si un émeutier avait été tué, des foules de jeunes de banlieue auraient pu se joindre aux violences et démultiplier les scènes de pillage. A Hambourg, cependant, même s’il y avait eu des manifestations de sympathie pour les casseurs dans divers cercles d’extrême-gauche, les émeutiers ne disposaient pas d’une armée de réserve significative.

Récemment, l’immigration majeure en Allemagne de réfugiés provenant principalement de pays musulmans, bénéficie également de « l’impact de la Shoah » et représentent, également, un facteur de risques pour les Juifs. En faisant entrer, en Allemagne, plus d’un million de réfugiés principalement musulmans, la Chancelière allemande Angela Merkel a voulu montrer au monde qu’il existe à présent une « nouvelle Allemagne ». Le message était clair : à la grande différence de l’ancienne Allemagne, qui a assassiné la minorité juive en  Europe, la nouvelle Allemagne accueille un très grand nombre de représentants d’une autre minorité, les Musulmans.

Il y a, cependant, un gros inconvénient. De nombreux nouveaux immigrants proviennent de pays où l’endoctrinement à la haine du Juif se propage. La nouvelle Allemagne a ainsi facilité l’immigration massive d’antisémites. Et ce n’est pas le seul prix à payer. Au cours des fêtes du Nouvel An 2015-2016, des immigrés des pays musulmans ont agressé sexuellement des centaines de femmes dans plusieurs villes d’Allemagne. La même chose s’est également déroulé dans d’autres villes européennes.

On doit donc examiner ce qu’est cette Nouvelle Allemagne d’un peu plus près. L’accueil, au cours des décennies passées, d’immigrés juifs russes est un bon indicateur de ce qu’est cette Allemagne nouvelle. De même que le sont les nombreux monuments en mémoire de la Shoah tout autour du pays. Pourtant, amener d’énormes foules d’antisémites supplémentaires, parmi les migrants, jette une ombre sur la nature de cette Allemagne nouvelle. En effet, le comportement des Musulmans les plus extrémistes risque de provoquer l’exode de certains des Juifs d’Allemagne.

De nouvelles versions de la vieille Allemagne subsistent également. Un petit pourcentage de la population est constitué de néo-Nazis. Ce ne sont pas seulement des antisémites classiques concernant les Juifs, mais ils haïssent tout autant Israël. Au-delà de cela, il existe un autre groupe important qu’on pourrait définir comme « l’Allemagne mutante ». Ceux qui y appartiennent ont remplacé la diabolisation des Juifs en tant que tels par celle d’Israël.

Sept études menées entre 2004 et 2015, dirigées respectivement par l’Université de Bielefeld et la Fondation Bertelsmann ont enquêté sur le pourcentage d’Allemands qui souscrivent à la proposition prétendant qu’Israël agit envers les Palestiniens comme les Nazis ont agi envers les Juifs. Dans un ondage de 2004, 51% des sondés s’accordent sur cette allégation. En 2015, le pourcentage était de 41%. Les médias allemands ont joué un rôle central dans cette diabolisation d’Israël. Plus de 70 ans après la Shoah, il existe suffisamment d’indicateurs pour démontrer que la démocratie allemande contemporaine comportent encore d’énormes gros points noirs.

Le fait de définir trois Allemagne contrastées est, par nature, une catégorisation très large. Cela dit, considérer cette approche comme un outil peut être utile à clarifier – ou, au moins pour se poser des questions bien définies autour de ces catégories- de nombreux événements disparates qui surviennent dans ce pays.

Par exemple, parmi les Musulmans, il existe des franges de population qui se rapprochent de l’ancienne Allemagne. Les incitateurs à la haine les plus visibles défilent chaque année pour la Journée d’Al Quds à Berlin. Cette manifestation est une invention du régime théocratique des Ayatollah iraniens, qui a pour but la disparition d’Israël, ce qui ne peut se produire que grâce à un génocide.

Un autre exemple s’exprime par l’entremise d’une étude du think tank britannique de Chatham House, qui démontre que 51% des Allemands veulent que le pays arrête d’accueillir des migrants musulmans. On peut raisonnablement supposer, que les « vieux Allemands », c’est-à-dire les néo-Nazis font partie de ceux qui s’opposent à l’immigration. Cependant, il serait éclairant de disposer d’un sondage d’opinion  qui ferait la démonstration du nombre parmi les autres sont plus proches de la « nouvelle Allemagne et qui appartient plutôt à l’Allemagne mutante.

Voici juste deux exemples, où l’outil analytique de ces trois Allemagnes divergentes devient très pratique.  On ne prend pas un grand risque en prédisant qu’il y aura bien d’autres événements, dans les années à venir, où l’emploi d’une telle classification permettra aux analystes de mieux les comprendre.

Par Manfred Gerstenfeld

Dr. Manfred Gerstenfeld est le Président d’Honneur du Centre des Affaires Publiques de Jérusalem. Il a reçu un Prix d’Excellence pour l’ensemble de ses réalisations, de la part du Journal for the Study of Antisemitism, et le Prix International du Leadership de la part du Centre Simon Wiesenthal.

 

Adaptation : Marc Brzustowski

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