Oct 17, 2013 - Aleppo, Syria - ISIS fighters holding the Al-Qaeda flag with 'Islamic State of Iraq and the Levant' written on it. on the frontline. Islamic State of Iraq and the Levant aka ISIS. The group An-Nusra Front announced its creation January 2012 during the Syrian Civil War. Since then it has been the most aggressive and most effective rebel force in Syria. The group has been designated as a terrorist organization by the United Nations. April 2013, the leader of the ISIS released an audio statement announcing that Jabhat al-Nusra is its branch in Syria. (Credit Image: © Medyan Dairieh/ZUMA Wire/ZUMAPRESS.com) (Newscom TagID: zumaglobalfour067255.jpg) [Photo via Newscom]

La traduction de concepts d’une langue à une autre est une entreprise délicate. Traduire des concepts qui n’ont pas d’équivalent dans la langue cible est encore plus difficile. Traduire des concepts religieux dans une langue et une culture où la religion a cessé de remplir un rôle central dans la vie de l’individu et de la société est ce qu’il y a de plus ardu.

C’est peut-être la raison pour laquelle les idiomes religieux islamiques représentant des concepts comme Allahu Akbar, la ilaha illa Allah, et istishhad sont régulièrement mal traduits par les médias américains.

La difficulté de compréhension des concepts religieux ne concerne pas seulement l’islam. En 1993 aux Etats-Unis, il eut un défaut de compréhension de cet ordre entre les autorités et le fondamentaliste chrétien David Koresh, qui s’était enfermé dans un bâtiment de Waco, au Texas, avec des dizaines de supporters, dont des femmes et des enfants, et un arsenal d’armes. Assiégé par les autorités, qui avaient tenté de négocier avec lui, Koresh entreprit de réciter des prophéties bibliques concernant la Fin des Temps. Voulant trouver une issue pacifique à l’affrontement, les autorités le prièrent de “ne pas parler de religion maintenant”. Koresh, immergé dans ses croyances religieuses, ne pouvait répondre autre chose que “la religion est ma vie et ma mort”. C’était un “dialogue de sourds”, destiné à se finir de manière tragique, par la mort de nombreux innocents.

Le problème n’est pas celui de la relativité linguistique – qui a été largement abordé au siècle dernier par les linguistes de renom Edward Sapir et Benjamin Whorf[1]– car il existe des manières de transmettre la signification originale par une explication appropriée et succincte. Bien plus que de cela, il s’agit d’une tendance des médias à choisir la solution de facilité, à savoir une traduction familière pour les lecteurs, même au prix d’une certaine inexactitude.

Ainsi le mot istishhad dénote un acte de foi religieux par lequel un croyant s’efforce de tuer le plus grand nombre possible d’ennemis, au prix de sa propre vie,[2] comme moyen pour se rapprocher d’Allah, des prophètes, des justes et des martyrs[3] au Paradis. Le but de cet acte de foi est d’établir la suprématie de la religion d’Allah sur terre, par ce que son auteur pense être une imitation des batailles constitutives de l’islam à l’époque du prophète Mahomet et des quatre Califes bien guidés. Ce terme est traduit souvent de manière imprudente et inexacte par “suicide”, qui est un acte motivé par le désespoir personnel et pour lequel un autre mot – intihar – existe en arabe.[4]

C’est aussi la raison pour laquelle Allahu Akbar et la ilaha illa Allah – deux déclarations de foi qui traduisent le concept religieux de suprématie de l’islam et d’Allah – sont mal traduites. Tout d’abord, il y eut le combat pour établir la suprématie de l’islam monothéiste sur les idoles païennes dans La Mecque du septième siècle. Suivit le combat pour la suprématie sur les autres religions, y compris monothéistes, dans la péninsule Arabique, qui a entraîné l’expulsion des non-musulmans, comme le relate la compilation de hadiths pour le compte du prophète Mahomet : “Je chasserai les Juifs et les chrétiens de la Péninsule” »[5] Jusqu’à ce jour les institutions religieuses non musulmanes doivent se conformer à cette interdiction de territoire.

Plus tard ce fut un combat contre les autres empires religieux, comme l’empire perse et l’empire byzantin. Toutefois, traduire Allahu Akbar dans les médias par “Dieu est grand” omet l’aspect de supériorité du mot Akbar (qui signifie “plus grand” ou “le plus grand”, et non simplement “grand”) et efface la référence spécifique à Allah plutôt qu’à toute autre divinité. Dans la même veine, la illaha illa Allah est souvent traduit dans les médias américains par “Il n’y a pas d’autre dieu que Dieu” (au lieu de ‘il n’y a pas d’autre dieu qu’Allah”). Omettre la suprématie d’Allah sur toutes les autres divinités relève d’une mauvaise traduction, et conduit de plus à une faute logique – qui rappelle les vers absurdes de Lewis Carroll.

Une des raisons de ces mauvaises traductions est le fait que, dans le monde occidental moderne, le combat pour la suprématie entre les religions a presque totalement pris fin, et que dans la mesure où il existe encore, il est non violent. Par conséquent, les déclarations de foi religieuse qui rappellent un combat historique pour la suprématie religieuse divine n’ont pas de base conceptuelle religieuse / culturelle moderne leur permettant d’être comprises en Occident, et c’est la raison pour laquelle elles ne trouvent pas d’équivalent linguistique. Les médias américains, confrontés au risque de ne pas être compris en traduisant ces concepts islamiques, préfèrent apporter une traduction approximative, même si elle est intrinsèquement erronée.

Cela ne signifie pas qu’Allahu Akbar ne serait prononcé que par des djihadistes qui perpétuent le combat ancien pour la suprématie de l’islam et d’Allah. Au cours des siècles, ce slogan a été prononcé par des musulmans non religieux également, et même par des Arabes chrétiens. Dans de nombreux cas, il comporte une variété de significations – allant de l’admiration pour ce qui est perçu comme un acte merveilleux d’Allah à une expression de choc et d’horreur face à une calamité.

Une traduction doit toujours refléter le contexte, l’orateur et son intention. Mais ce qui arrive souvent dans les médias américains est que, lorsqu’un djihadiste proclame Allahu Akbar, cela est traduit comme si c’était un musulman non pratiquant ou un Arabe chrétien qui parlait. Cela est totalement erroné. Et lorsque de telles erreurs de traduction se produisent de manière répétée, intentionnellement ou par ignorance, cela entraîne une déformation profondément apologétique du concept et de sa signification culturelle et religieuse.

Quelle peut donc être la solution ? Une école de traduction préférera conserver le terme original, suivi d’une brève explication de sa signification, comme par exemple avec le mot japonais « kamikaze ». Dans ce cas, la solution a été si efficace que le mot original ne nécessite plus la moindre explication.[6] Il n’y a pas de raison pour que le même processus ne se produise pas avec le mot istishhad, qui aurait pu devenir au fil du temps aussi connu et bien compris que kamikaze.

L’alternative consiste pour les médias à adopter une approche plus professionnelle, en traduisant ces expressions dans chaque cas selon le contexte spécifique, l’orateur et la signification visée et non pas en se contentant d’un terme approximatif mais trompeur.

Cette série d’articles en trois parties vise à élucider les termes Allahu Akbar, la ilaha illa Allah, et istishhad selon leur signification originale, en apportant des exemples de leur utilisation par des djihadistes répertoriés dans les archives de MEMRI, au fil d’années de veille des médias arabes et musulmans. Cela ne signifie pas que MEMRI, au cours de ses 18 années de traduction de dizaines de milliers de contenus originaux tirés des médias arabes et musulmans, n’a jamais succombé à la tentation de donner la priorité à la compréhension par un lecteur non expert. Même dans le domaine de la translittération, nous avons accepté des translittérations inexactes, parce qu’elles étaient courantes dans les médias (par exemple “Coran” au lieu de “Qur’an”). Dans de nombreux cas, nous avons utilisé l’expression “opérations martyre” pour “istishhad, » alors même que « martyre » est une traduction inexacte, puisque ce terme se réfère à un individu qui accepte la mort pour ne pas avoir à transgresser ses croyances religieuses, tandis que le concept islamique d’istishhad désigne à l’époque moderne principalement le fait de tuer ses ennemis au prix de sa propre vie.

I. Allahu Akbar

L’expression Allahu Akbar désigne le combat pour la suprématie de l’islam, d’Allah et des croyants authentiques, au passé, au présent et au futur, effectif et symbolique, militaire, culturel ou au moyen des forces de la nature contrôlées et dirigées par Allah. C’est le cri de guerre et le slogan de ce combat pour la suprématie. La victoire des musulmans est la victoire de l’islam et du monothéisme, et c’est la victoire d’Allah contre les faux dieux. La victoire vient de Lui et elle établit Sa suprématie. C’était la signification principale de l’expression au cours des premiers siècles de l’islam. Aujourd’hui, c’est la marque de fabrique des islamistes et des djihadistes, ainsi que de tous ceux qui souhaitent restaurer la grandeur passée des empires islamiques, où “le croissant doit toujours être au-dessus de la croix”, comme l’a dit l’activiste des Frères musulmans basé à New York Ayat Oraby.[7]

Il convient d’observer qu’Allahu Akbar est proclamé tant par les djihadistes sunnites que par les dirigeants chiites de la République islamique d’Iran (qui a été fondée en tant qu’ « Etat islamique” bien avant l’Etat islamique de Daesh). Dans tous les sermons importants prononcés par le Guide suprême de la République islamique d’Iran, la foule, constituée de milliers, et parfois de dizaines de milliers de personnes, scande « Allahu Akbar » ainsi que “Mort à l’Amérique” et “Mort à Israël”. Voir par exemple :

http://www.memritv.org/clip/en/4154.htm

http://www.memritv.org/clip/en/5075.htm

http://www.memritv.org/clip/en/5011.htm.

Dans quelles circonstances « Allahu Akbar » est-il prononcé par les djihadistes ?

Comme le rapportent les médias occidentaux, les auteurs des attaques terroristes ont fréquemment été entendus en train de crier « Allahu Akbar. » Le cri de Allahu Akbar est aussi fréquent parmi les combattants de l’EI lors des décapitations :

Robert Hall – Abu Sayyaf releases grisly video of Robert Hall’s beheading

John Ridsdel – Video of Canadian hostage John Ridsdel’s beheading released

Nicholas Berg – http://www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/8928.htm

Jacques Hamel – http://www.memrijttm.org/normany-church-attackers-pledge-allegiance-to-abu-bakr-al-baghdadi.html

et d’autres types d’exécutions, comme les enfants qui fusillent des espions présumés :

http://www.memritv.org/clip/en/5028.htm

http://www.memritv.org/clip/en/4718.htm

http://www.memritv.org/clip/en/4889.htm

http://www.memritv.org/clip/en/5048.htm.

Ce cri est entendu dans les vidéos montrant des combattants de l’EI filmant un avion ennemi descendu :

http://www.memritv.org/clip/en/5556.htm

https://www.youtube.com/watch?v=yjWsoWdrhBI

https://www.youtube.com/watch?v=oD3qf2ZOucg,

ou lorsqu’un véhicule empli d’explosifs atteint la position ennemie visée, pour anticiper l’explosion : http://www.memritv.org/clip/en/1037.htm.

Dans l’Etat islamique, même la réintroduction des châtiments islamiques est perçue comme une victoire de l’islam, qui mérite que l’on scande « Allahu Akbar, » comme dans le cas de la punition des homosexuels projetés du haut d’immeubles, ou des cérémonies de lapidation de femmes soupçonnées d’adultère :

http://www.memritv.org/clip/en/4558.htm.

Les djihadistes eux-mêmes considèrent Allahu Akbar comme un cri de guerre qui garantit la victoire, comme à l’époque du Prophète ; c’est la « Marseillaise des conquêtes arabes, » la « bombe nucléaire” des musulmans, et ce que « l’Orient communiste et l’Occident capitaliste redoutent le plus. »[8]

De fait, il est fréquent que les combattants de l’EI chantent « Allahu Akbar » durant les décapitations de leurs ennemis. Pour un rapport détaillé sur les châtiments islamiques de l’EI – décapitation, crucifixion, lapidation, noyade, immolation, projection du haut d’un immeuble – voir www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/8928.htm.

On trouvera ci-dessous quelques exemples :

Une capture d’écran d’une vidéo de combattants britanniques de l’EI brandissant les têtes de soldats du gouvernement : ”Ce sont les têtes des kouffar que les moudjahidine ont rapportées. Allahu Akbar ! Un des soldats kouffar criait : ‘Etes-vous venus pour obtenir votre liberté ? ‘ et Abou Aisha a répondu : ‘Non, je suis venu pour ramener votre tête ! ’ Gloire à Allah qui en a obtenu un panier plein !” (www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/8928.htm).

Tiré du compte Instagram de l’adolescent saoudien Muadh Al-Jraish : « Urgent – le directeur de la prison d’Abou Ghraib a été égorgé avec un couteau dans la cour de la prison… Il a longuement torturé et tué les détenus et porté atteinte à leur dignité. Sa tête a été tranchée aujourd’hui, Allah Akbar. » (www.memri.org/report/en/0/0/0/0/0/0/8929.htm).

Et les tweets suivants :

« Allah Akbar, ramasser les têtes du Hezb Al-Lat [expression péjorative désignant le Hezbullah] aujourd’hui à #Quneitra [Syrie] aux mains des Moudjahidine, ô splendide matinée #Jabhat al-Nusra »

Par Yigal Carmon* MEMRI

« La tête du brigand Nusairi [Alaouite/ partisan du régime d’Assad] exécuté par les moudjahidine dans la Adra Al-Umaliyya dans les faubourgs de Damas en réaction au massacre d’al-Otaiba, Allah Akbar« 

MEMRI

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