« Pour en finir avec le rien à-voirisme » et les lieux communs de la médiatisation du terrorisme
Après le dernier attentat attribué à un Algérien qui s’en est pris à une brigade de du dispositif Sentinelle à Levallois-Perret, Hamou Benlatrèche, la presse nationale et internationale qui fait du terrorisme ses meilleurs choux gras, inonde une fois de plus en non-stop le public des lieux communs du politiquement et de l’islamiquement corrects.
Par Alexandre Del Valle
Source : ATLANTICO
Tout d’abord, on nous répète une fois de plus que les attentats islamistes n’auraient « rien à voir avec l’islam », « rien à voir avec l’immigration et les étrangers », « rien à voir avec les mosquées », puisque les terroristes sont des « ignorants », des « malades mentaux », des « voyous » ou des « mauvais musulmans », et enfin des « loups solitaires », impossible à identifier.
En réalité, même si les profils sont tous différents, comme nombre d’autres jihadistes « désœuvrés » avant eux, Hamou alias Bachir Benlatrèche était connu des services de police : certes, pas fiché S, mais fiché pour infraction à la législation sur les étrangers et faisant donc l’objet d’un ordre d’expulsion.
Pourquoi n’a-t-il pas été expulsé ? Parce que notre soi-disant Etat de droit n’est capable d’expulser que 10 % des illégaux pourtant jugés et normalement expulsés manu militari.
Comme souvent avant lui nombre de terroristes qualifiés de « désœuvrés » ou de « psychiquement faibles » ( à l’instar d’ailleurs du bourreau de la pauvre Sarah Lucie Halimi, vielle femme juive sauvagement assassinée en avril dernier en banlieue parisienne par un jeune black-musulman animé par un antisémitisme islamique pro-Da’ech aux cris d’Allah Akbar), les médias et les autorités ont tout fait pour étouffer les motivations idéologico-religieuses du tueur, d’où les premières informations sur l’état mental de Hamou Benlatrèche Bachir, que certains veulent déjà juger « irresponsable ».
Conformément à la doxa politiquement correcte, il convient de faire croire le plus possible que les terroristes qui frappent régulièrement nos sociétés sont des asociaux, des « fous », des « voyous », des « nihilistes » animés par un ressentiment existentiel ou encore des fanatiques « superficiellement musulmans » et ignorants du « vrai islam » qui se vengeraient contre « l’islamophobie » de l’Occident post-colonial.
D’autres analystes un peu moins aveugles osent reconnaître qu’il s’agit de terroristes islamistes, mais ils commettent eux aussi l’erreur de croire que ces jihadistes nous haïssent à cause d’une « humiliation » ou des guerres en Irak, au Mali, en Afghanistan ou en Syrie, etc, alors qu’en réalité, les terroristes-jihadistes qui prêtent tous plus ou moins allégeance à Da’ech ou Al-Qaïda ne sont pas en majorité au départ des personnes haineuses (Mohamed Merah est à cet égard une exception, avec Zarqaoui au niveau d’Al-Qaïda), au contraire, et à commencer par Ben Laden au plus haut jusqu’à maints terroristes du 11 septembre ou de Manchester, Nice ou Bruxelles que leurs voisins jugeaient « sympas » et parfois « timides ».
Comme l’expliquait justement ces jours-ci au quotidien italien Il Messaggero, le grand stratège américain Edward Luttawak, « ce n’est pas vrai que les terroristes » nous tuent parce qu’ils aient l’Occident, ils nous tuent pour nous effrayer (Da’ch cite souvent l’expression ; « jeter l’effroi dans le cœur de l’ennemi ») dans le seul but de nous soumettre. Ils ne haïssent pas l’Humanité mais ils prétendent au contraire la sauver du Mal en l’obligeant à embrasser la Vraie foi ». Luttawak a raison de choquer en affirmant que la plupart des terroristes jihadistes sont avant tout des « idéalistes », certes extrêmes, souvent de fraîche date pour ceux qui frappent en Europe, mais des personnes fanatisées avant tout par une idéologie qui ne vient pas de nulle part.
Parfois ignorantes, parfois très instruites, pratiquant ou peu/pas, voyous, ou bons élèves ou cadres, pauvres ou riches. Seul point commun réel ou « idéal-type » : ils sont persuadés d’être sur le chemin d’une rédemption en pratiquant non pas une violence motivée par une haine nihiliste (thèse stupide d’Olivier Roy ou le défunt André Glucksman), mais par une vision islamiste-sunnite théocratique et totalitaire du monde qui vient du cœur du monde musulman (du salafisme wahhabite aux Frères musulmans en passant par l’islamisme pakistanais pré-taliban de Maududi) et qui constitue un véritable poison idéologique. Ce tsunami mondial qui ronge l’ensemble du monde musulman depuis des décennies, nous n’en recevons que quelques grandes vagues, les moins meurtrières en nombre, comparées avec ce que connaissent les pays musulmans, premières victimes de cette fanatisation et de cette violence totalitaire.
Les terroristes n’utilisent pas la violence de façon aveugle ou par folie (même si les cerveaux savent recruter des psychopathes), mais à des fins très précises : sidérer-effrayer les infidèles pour les pousser à la conversion-soumission à l’ordre islamique, et susciter par la terreur soi-disant aveugle, la mobilisation des médias qui servent de haut-parleurs et publicité gratuite aux organisations jihadistes.
« Rien à voir avec l’islam »
De ce fait, lorsque les terroristes font croire qu’ils en veulent plus à l’Occident en réaction à « l’impérialisme ou au colonialisme » passés, il ne s’agit là que de marketing culpabilisateur, d’une technique de guerre psychologique destinée à troubler et faire douter l’infidèle dans le cadre d’une véritable stratégie de la démoralisation et de la démobilisation de l’ennemi.
De ce point de vue, il convient non pas d’écouter les intellectuels européens encore abreuvés de tiers-mondisme paternaliste et déresponsabilisant, mais plutôt des intellectuels musulmans arabes comme Kamel Daoud ou Boualem Sansal, ce dernier écrivant récemment au Figarovox que : «l’ordre islamique tente progressivement de s’installer en France », comparant la situation actuelle de la France à celle de l’Algérie au début de la guerre civile. Sansal va plus loin : il ose faire ce que les post-chrétiens européens n’osent plus faire, en interpellant directement la religion. Il rappelle à juste titre un hadith célèbre prêté à Mahomet: «Je suis venu à vous avec l’égorgement». On a vu combien Da’ech a pris ce hadith à la lettre et combien de milliers de personnes ont été égorgées comme des moutons (…). Derrière le terrorisme, il existe un problème bien plus global d’islamisation de la planète ». En réalité, le terrorisme n’est que la face émergée de l’iceberg, la plus violente pour intimider et soumettre les âmes sidérées à son ordre comme on l’a vu depuis les attentats des « blasphémateurs » comme Théo Van Gogh et les journalistes de Charlie Hebdo : plus personne n’ose recommencer et l’islamisme terroriste comme le terrorisme psychologique non-violent des mouvements qui hurlent à l’islamophobie à chaque attentat, œuvrent parallèlement de façon différente au même objectif global d’imposition de leur ordre et de soumission des infidèles. Ces constats émis entre autres par les Boualem Sansal ou Kamel Daoud, qui ont assisté pendant des dizaines d’années à l’islamisation progressive de l’Algérie et du monde arabe par la terreur physique et l’islamiquement correct.