Les Kurdes syriens ne s’effarouchent pas de l’amélioration des relations russo-turques

[Commentaire : notons un effet en escalier fondé sur le lent rapprochement israélo-turc depuis 2010 et la fameuse affaire du Mavi Marmara. Remarquons aussi la maladresse extrême du Turc Erdogan, dans tous les domaines de relations avec son voisinage immédiat, où il s’est, peu à peu, isolé de tous. Soulignons que les Kurdes, au contraire, plutôt que de s’en tenir à des positions intransigeantes ou séparatistes, ont d’abord semé les germes de leur implantation territoriale forte dans les zones incontrôlables par les puissances régionales et face aux ennemis que ces mêmes puissances ne parvenaient pas à combattre, en l’occurrence Daesh. Toujours est-il qu’Erdogan ne pouvait pas présenter ses excuses à la Russie, tant que le contentieux avec Israël n’était pas apparemment résolu. Effet de bord de l’accord israélo-turc, un « assouplissement » des attitudes du dictateur turc psychorigide Erdogan vis-à-vis d’une question kurde syrienne dont il a perdu l’entière maîtrise, puisque se déroulant sous couverture aérienne russo-américaine], devient, en tout cas, possible, si la Russie et les Etats-Unis l’y contraignent peu ou prou. Ici, l’influence indirecte d’Israël reste médiatrice, à l’intention d’alliés de toujours, les Kurdes]

ARA News 

QAMISHLI – A la suite de l’incident lors duquel la Turquie a abattu un avion russe, Moscou a augmenté son soutien diplomatique et médiatique aux Kurdes de Syrie. Cependant, maintenant que la Turquie fait des concessions à la Russie et lui demande pardon, en tâchant de réparer ces relations, les Kurdes affirment qu’ils n’ont pas de raison de penser que cela aura le moindre effet sur la situation au Nord de la Syrie et en Rojava en particulier.

Les présidences turques et russes ont confirmé que le Président turc Recep Tayyip Erdogan a présenté lundi ses excuses dans une lettre pour le tir de missile qui a abattu un avion SU-24M Russe en novembre 2015 et qu’il a pris des mesures afin d’améliorer les relations d’Ankara vis-à-vis de Moscou. Les Kurdes syriens perçoivent ces mesures comme un signe de faiblesse et de désespoir de la part du gouvernement turc, après son échec à empêcher les percées des troupes des YPG kurdes en Syrie. Les militants kurdes ont même posté des caricatures sur les réseaux sociaux montrant Erdogan faisant la révérence et s’inclinant devant le Président Vladimir Poutine.

Un ancien diplomate turc a déclaré à ARA News que la Turquie est le dos au mur, à la suite des dossiers de corruption impliquant des responsables gouvernementaux à très haut niveau. « Erdogan a dû sentir la pression des dossiers internationaux lui revenir en boomerang et il doit avoir appris les règles du jeu après 14 ans de pouvoir », a déclaré cet ancien responsable. « Et le fait d’être confronté aux succès militaires des Kurdes en Rojava l’amène à relâcher le gouvernail ».

Lundi, un groupe d’hommes politiques, de militants et de juristes allemandsa exhorté les autorités allemandes à enquêter sur le Président turc pour crimes de guerre et crimes contre l’humanité dans le sud-Est de la Turquie. 

S’exprimant pour ARA News, un ancien responsable de l’Administration de Kobané, Idris Nasan a déclaré : « La Turquie est de plus en plus isolée dans le cadre de sa politique syrienne et en ce qui concerne sa politique de répression contre les Kurdes. Donc, le fait d’avoir abattu un avion russe n’a fait que creuser encore cet isolement ».

« D’un autre côté, alors qu’Erdogan utilise le problème des réfugiés comme un moyen de pression sur l’Europe, il a perdu ses derniers alliés. Voilà pourquoi il est obligé de changer de politique pour les retrouver, puisque les Kurdes sont soutenus par ses anciens amis et ses nouveaux ennemis », d’après Nasan.

« Je pense que la Turquie cherche à obtenir un pied à terre [et à mener une nouvelle politique] à l’intérieur de la nouvelle carte de Syrie qui se dessine, sans quoi elle va se retrouver hors-jeu. Aussi, je pense que la Turquie va tenter de retourner la Russie contre les Kurdes, mais cela n’arrivera pas, à cause des relations fortes de la Russie avec le régime syrien. Aussi la Turquie est sur le point de se contenter de la nouvelle carte et devra bon gré mal gré tolérer le fédéralisme qui se met en place », a t-il déclaré à ARA News.

La Russie était aussi un ferme partisan du fait que le Parti de l’Union Démocratique du Kurdistan (PYD) se joigne aux discussions de Genève en Syrie , alors que c’est encore la Turquie qui a bloqué toute tentative d’inclure le PYD dans les négociations de paix.

« Le PYD n’a pas encore pu se joindre aux négociations de Genève, mais ce n’est pas uniquement à cause de l’opposition des Turcs. Il y a de nombreuses raisons en plus de l’obstacle turc, le plus important est l’absence de volonté sérieuse de la Russie et des Etats-Unis de laisser les Kurdes participer à ces discussions. Dès que les deux grandes puissances se mettront d’accord sur ce point, personne ne pourra plus les arrêter » a ajouté Nasan.

Ceng Sagnic, un chercheur du Centre d’Etudes Moshe Dayan sur le Moyen-Orient et l’Afrique, basé à Tel Aviv, a déclaré à ARA News que les effets d’une amélioration des relations russo-turques seront minimes et n’affecteront guère les Kurdes en Syrie.

« Les Kurdes syriens ont instauré des relations internationales libres de toute ingérence turque, grâce à l’expérience du GRK [Gouvernement Régional Kurde d’Irak] et du fait de la guerre menée contre Daesh », dit-il. « A propos de futures opérations le long de la frontière, oui, cela peut avoir certaines conséquences. Mais pas concernant tout ce qui a été instauré ces trosi dernières années », dit-il.

« Cela peut comprendre une implication turque plus importante dans le processus de prise de décision, en cas de rapprochement turco-russe à nouveau effectif. Similaire à l’approche américaine envers la Turquie, comme cela se passe actuellement à Manbij [en reconquête] », a ajouté Sagnic.

S’exprimant pour ARA News, le Dr Kamiran Haj Abdo, membre du Bureau des Relations Etrangères du conseil National Kurde en Syrie (CNK), a affirmé que la position de la Turquie est en train de s’affaiblir.

« Erdogan tente d’adopter une position différente. Il a perdu beaucoup à cause de sa position de force dans la guerre syrienne. Il essaie de neutraliser le rôle des Kurdes, mais je pense qu’il n’y parviendra pas », a t-il conclu.

Reportage de : Wladimir van Wilgenburg 

Source: ARA News 

Adaptation: Marc Brzustowski

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