Hassan Rohani, considéré « réformateur », vient d’être réélu dès le premier tour avec 57 % Président de la République iranienne contre un adversaire catalogué « conservateur ». Cette élection est interprétée comme la manifestation de la volonté du peuple iranien de poursuivre la démarche caractérisée par la formule du président, « Le pays est désormais sur la voie du redressement. »
Le mandat achevé a été marqué par l’accord international sur le nucléaire iranien, la levée progressive des sanctions, et une ouverture de l’économie qui a créé un mouvement de croissance. Après une croissance négative de – 6,6 en 2012, de – 1,9 % en 2013, + 0,7 % en 2015, la croissance s’est envolée à + 4,3 % en 2016 et on attend + 4,2 % en 2017.
Intéressés par un marché de 80 millions d’habitants, par un pays où toutes les infrastructures sont à rénover, les industriels européens se sont précipités à Téhéran pour essayer de récupérer certains marchés. Le mouvement était tel que les économistes de l’assureur crédit Euler-Hermès l’ont qualifié « Iran : Back in the game ? », le retour de l’Iran…
La fin des restrictions d’exportations d’hydrocarbures a fait quadrupler la production de 1 à 4 millions de barils dont plus de la moitié est exportée. Avec la remontée des cours, la rente pétrolière améliore les ressources du pays. Aujourd’hui, le pays cherche avec l’aide des grandes compagnies internationales à moderniser son appareil productif et à développer sa pétrochimie Avec 10 % des réserves de pétrole et près de 20 % des réserves de gaz, l’Iran se place respectivement aux quatrième et premier rangs mondiaux.
Une trentaine de compagnies européennes et asiatiques ont été sélectionnées par l’Iran : Shell, Schlumberger, l’ENI, Gazprom, Lukoil, Mitsubishi, ou encore Total qui, avec la conclusion d’un contrat de 4,5 Md€ pour l’exploitation du grand champ gazier Pars-Sud, situé dans le Golfe, est ainsi devenu la première grande compagnie pétrolière et gazière occidentale à revenir en Iran.
Près de 1 000 responsables gouvernementaux et plus de 2 000 représentants d’entreprises étrangères sont venus en Iran depuis un an, mais il n’y a pas eu d’investissements conséquents. Or, le pays a besoin de 30 à 50 Md$ d’investissements pour atteindre une croissance de 8 % nécessaire pour faire reculer le chômage dont le taux officiel est de 11 % de la population active, juguler une inflation de 8 % après avoir dépassé les 40 % en 2013, stabiliser le rial iranien, et relancer le secteur industriel marqué par un manque d’investissements depuis 2012. Les ressources intérieures du pays ne permettent pas d’avoir une croissance supérieure à 3 %.
Dans son rapport annuel sur l’économie iranienne, le FMI estime que  » le regain d’incertitude concernant les sanctions assombrit le climat des affaires « . Cela est lié à l’opposition radicale de Donald Trump à l’accord de janvier 2016, et au risque de nouvelles sanctions. Début février, l’administration américaine a imposé de nouvelles sanctions compte tenu du non-respect par l’Iran des dispositions relatives aux missiles balistiques, et accusé Téhéran d’être le plus grand soutien du terrorisme dans le monde. Avant-hier, en Arabie saoudite, le Président américain a mobilisé le monde sunnite pour « isoler l’Iran ».
Au-delà des considérations géopolitiques qui influencent la situation, l’Iran est confronté à plusieurs défis systémiques :
  • L’évolution de son modèle économique. L’économique est dominée par le secteur des services, 52 % du PIB, traditionnels et insuffisamment orientés vers les services financiers et bancaires ou l’internet. L’agriculture représente moins de 10 % du PIB. Quant à l’industrie qui constitue 38 % du PIB, elle repose encore sur l’exportation de nombreuses ressources naturelles sans transformation locale
  • Le renforcement et la modernisation des services publics. L’Iran a passé une commande de plus de 100 Airbus et de 80 Boeing. Les aéroports du pays et plus particulièrement ceux d’Ispahan et de Machad sont l’objet de programmes de rénovation, tout comme le secteur ferroviaire.
Entre 2015 et 2017, les importations de biens ont augmenté de 52,4 Md$ à 66,3. Les Européens sont les grands bénéficiaires de la fin des sanctions, et principalement l’Allemagne suivie par la France, l’Italie, et le Royaume-Uni. Les Etats-Unis sont encore absents du marché avec seulement 1 % dans les importations iraniennes.
  • Engager des réformes structurelles dans de nombreux domaines, monétaire pour se prémunir contre toute nouvelle dépréciation de leur devise, le rial, bancaire et financier pour attirer les grands groupes internationaux, la mise en place d’une fiscalité plus moderne, la gouvernance des entreprises publiques…
  • Malgré les énormes richesses naturelles du pays, le PNB par habitant n’est que de 5 000 $. Même si sortent chaque année du système éducatif 500 000 détenteurs d’une maîtrise ou d’un doctorat, ils ne trouvent pas d’emploi… L’Iran a un énorme potentiel pour basculer dans le camp des pays émergents. Mais il lui faudra développer une croissance inclusive susceptible de profiter aux différentes catégories socio-économiques, et abandonner ses aventures extérieures si coûteuses…
 
Dov ZERAH. Le mardi matin à 7h05 sur Radio J 94.8 FM pour sa chronique économique et financière. 

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