L’enjeu de la Crise de l’Union Européenne pour les Juifs ©

L’ENJEU DE LA CRISE DE L’UNION EUROPÉENNE POUR LES JUIFS

Très étonnant cette conjonction de fièvre nationale à l’occasion de l’Euro de football et de célébration du 14 juillet  sur fond de Brexit. Il y a quelque chose de contradictoire dans ce paysage, à tout le moins, paradoxal. L’objet de la célébration n’est pas très clair. Que célèbre-t-on? Il semble que ce soit la nation mais où est-elle, alors que la France n’est plus souveraine dans l’Union Européenne? La réaction médiatique au Brexit fut de ce point de vue significative. Il montrait qu’il restait encore une nation forte  en Europe, la Grande Bretagne – ou plutôt l’Angleterre , celle qui inventa la démocratie avec la Glorieuse revolution de 1688. La sidération des Européanistes face à cet événement révéla avec force le fond utopique de l’Union Européenne, née avec le millénarisme des années 2000. Rappelons-nous! C’était la « fin de l’histoire », la guerre disparaîtrait, les frontières de l’Europe s’étendraient, elle incarnerait les droits de l’homme qu’elle répandrait sur la planète… Aucune limite ne semblait ramener ses élites au principe de réalité. Et du haut de cette frénésie suffisante, tous les esprits critiques n’eurent pour lot que la stigmatisation.

Mais la réalité est bien là: l’UE à donné naissance à un système à nul autre pareil dans l’histoire des relations internationales: non démocratique, bureaucratique, mettant les peuples au pas de ses réglements non votés. Un système qui a tout d’un empire. Mais sans tête, sans empereur, et dont la paix impériale qu’il promet l’expose à tous les dangers, avec la menace du terrorisme islamique, contre-coup entre autres de l’ambition européenne de pacifier la planète (hier la Libye, puis, la Syrie, le Sahel..) et la réaction de Poutine face à des frontières qui s’étendent de plus en plus dans sa direction …

Le problème central qui aggrave cet état de fait c’est qu’il n’existe aucune alternative souverainiste qui soit libre de l’emprise de la droite dure, ce que devrait incarner un vrai républicanisme, car il n’y a pas de République sans nation ni souveraineté.

Cette impasse est encore plus sensible pour les Juifs, notamment en France: ils ont tout intérêt à rester des citoyens français plutôt qu’européens. Cette citoyenneté les protège en effet bien plus, car l’UE fera d’eux une minorité religieuse transnationale, forcément très minoritaire, qui ne pèsera rien du tout sur le plan des rapports avec une autre minorité – réellement, elle, transnationale – bien plus nombreuse, puissante et revendicative. Ce qui est  déjà le cas dans la politique  française. Seul le cadre national et étatique (j’y compte aussi Israël) peut assurer la survie des Juifs, malgré leur petit nombre, s’ils restent en Europe. Sûrement pas le multiculturalisme propre à l’empire. Avec les débats sur la circoncision et l' »abattage rituel » nous avons eu une simulation de cette situation. Par ailleurs l’inimitié structurelle et quasi religieuse de l’UE envers Israël, une inimitié cachée dans la compassion de la mémoire de la Shoah, le fait que le nouvel antisémitisme s’y est développé en même temps qu’elle, qu’elle n’ait pas trouvé le moyen de le combattre sont autant de signes avant-coureurs de ce que risque de devenir l’avenir des Juifs dans l’Union Européenne.

 Shmuel Trigano

*Chronique sur Radio J, le 15 juillet 2016.