** FILE ** In this April 19, 1943 file photo, a group of Jews, including a small boy, is escorted from the Warsaw Ghetto by German soldiers. The family of a Polish social worker Irena Sendler who is credited with rescuing 2,500 Jewish children from the Nazis during the Holocaust says she has died. Sendler's daughter, Janina Zgrzembska, says her 98-year-old mother died Monday, May 12, 2008, morning in a Warsaw hospital. Sendler organized the rescue of Jewish children from the Warsaw Ghetto during Nazi Germany's brutal World War II occupation. (AP Photo)/Poland_Obit_Sendler_FRA110/FILER, B/W ONLY/0805121107

C’est une photo terrible. Menacée par les mitraillettes de soldats nazis, une foule de femmes et d’enfants sort d’un bâtiment, mains en l’air. Alors que la plupart des acteurs du cliché, pressés les uns contre les autres, se partagent la partie gauche de l’image, quatre soldats occupent la droite de la photo.

Mais c’est un petit garçon, au centre de la photo, au premier rang, qui attire le regard. En culotte courte, une casquette trop grande pour lui vissée sur le crâne et un manteau qui lui arrive jusqu’aux cuisses, il ne doit pas avoir plus de huit ans.

« De par sa position, au cœur de la photographie, le garçonnet crève littéralement le cadre composé par l’opérateur », souligne Frédéric Rousseau, dans « L’Enfant juif de Varsovie. Histoire d’une photographie ».

La peur se lit sur son visage. A côté de lui, une femme se retourne en direction de trois soldats nazis, postés à la sortie de l’immeuble. Peut-être a-t-elle reconnu celui dont on distingue parfaitement le visage, et qui, torse bombé de fierté, pointe son arme dans la direction de l’enfant.

Il s’appelle Josef Blösche, c’est un Waffen-SS « sinistrement connu dans le ghetto pour sa cruauté », soulignent Pierre Bellemare et Jérôme Equer dans « Histoire secrète des 44 photos qui ont bouleversé le monde ».

Présente dans de nombreux livres d’histoire du secondaire, cette photo, puissante, illustre l’horreur de la Shoah. Car tout est là : les arrestations arbitraires, les civils pris pour cibles, l’absence de clémence pour les femmes et les enfants (en regardant un peu plus attentivement, on note tout de même quelques hommes, fondus dans le groupe).

Tout, sauf la mort, les camps de concentration, les chambres à gaz… Mais les photos de corps squelettiques à Auschwitz sont évidemment plus difficiles à montrer à un jeune public.

Si la photo est devenue iconique, c’est probablement aussi en raison de son cadrage, resserré, qui ne permet pas d’identifier clairement le lieu de la prise de vue. Indatable, non localisable : la photo devient un symbole universel de la barbarie nazie. Voire de la barbarie en général.

Une photo issue d’un rapport des SS

Initialement, l’auteur de la photo n’avait pas du tout pour objectif de montrer l’horreur du nazisme. C’est même exactement le contraire ! La photo, prise à Varsovie, fait partie d’un rapport, commandé par Friedrich-Wilhelm Krüger, général des Waffen-SS dans l’Est, en poste à Cracovie. Rapport adressé au général Jürgen Stroop, responsable de la liquidation du ghetto de Varsovie, au printemps 1943.

« Ce sera un matériau précieux pour l’histoire, pour le Führer, pour Heinrich Himmler et pour les chercheurs qui se pencheront sur l’histoire du IIIe Reich, pour les poètes et les écrivains nationalistes, pour la formation des SS, et qui témoignera de nos efforts et des lourds et sanglants sacrifices consentis par la race nordique et la Germanie pour la déjudaïsation de l’Europe et du globe terrestre tout entier », explique à l’époque Friedrich-Wilhelm Krüger.

Intitulé « Es gibt keinen jüdischen Wohnbezirk in Warschau mehr ! » (« Il n’y a plus de quartier juif à Varsovie »), le rapport – 75 pages dactylographiées accompagné de 53 photographies – est produit en trois exemplaires : un pour Friedrich-Wilhelm Krüger, un pour Heinrich Himmler, le chef des SS, et le troisième pour les archives personnelles de Jürgen Stroop, qui pensait s’en servir pour ses propres travaux d’histoire, expliquera-t-il plus tard à ses deux co-détenus.

Première page du rapport Stroop (WikiCommons)

On y retrouve toutes les étapes de l’opération allemande : arrestations de groupes de juifs, exfiltrés de force de leurs « bunkers » après y avoir été enfumés, leur acheminement vers l’Umschlagplatz, d’où les personnes arrêtées était déportées à Treblinka, la mort des « parachutistes », ces juifs qui « se précipitaient sur le sol, sur l’asphalte et les pavés, du haut des fenêtres, des balcons et des greniers des maisons dont le rez-de-chaussée était en flammes », et que les soldats tuaient « en plein vol » et enfin la « destruction » du ghetto.

Les légendes en allemand des photos du rapport ne laissent aucun doute sur l’objectif de Jürgen Stroop, qui avait personnellement et soigneusement choisi chaque reproduction : glorifier les soldats allemands et montrer comment les sections de « la grande opération » ont maté les « bandits juifs ». Le rapport précise que 56.065 d’entre eux ont été arrêtés ou « détruits ».

La photo du petit garçon, n°14 du rapport, est la seule photographie de l’album à montrer des enfants dans une posture de prisonniers de guerre. Elle est légendée ainsi : « Mit Gewalt aus Bunkern hervorgeholt » (« Tirés de force hors de leurs bunkers »).

L’image, comme toutes celles du rapport, avait donc pour fonction première d' »illustrer la force d’âme d’un grand chef, Jürgen Stroop, ainsi que le dévouement admirable de ces troupes d’élite capables de surmonter l’inhumanité apparente de leur mission au nom de l’idéal nazi », résume Frédéric Rousseau.


Jürgen Stroop, entouré de soldats nazis dans le ghetto de Varsovie. A droite, on retrouve le soldat SS Josef Blösche (WikiCommons)

Une pièce à conviction

A la fin de la guerre, le « Rapport Stroop » devient… une pièce à conviction. Il est en effet commenté pendant le procès de Nuremberg. Plusieurs des photos qu’il contient sont retenues par l’accusation.

« La photographie de l’enfant, pourtant retenue avec dix-sept autres, ne fut finalement pas présentée devant le tribunal : les accusateurs alliés préféraient établir précisément l’ampleur des massacres plutôt que de solliciter l’émotion », explique « Le Monde ».


(WikiCommons)

A l’époque, la photo du petit garçon n’est pas connue du grand public. Il faut dire qu’elle ne correspond pas au régime mémoriel de l’époque, dominé, comme le rappelle « Le Monde », par « le mythe ‘résistantialiste' » : on préfère « les symboles martiaux, plus valorisants » et on critique au contraire, parfois durement, la supposée « passivité » des Juifs qui ne se sont pas révoltés et se sont « laissés conduire » aux chambres à gaz.

Or, le soulèvement du ghetto de Varsovie, mené par la population juive contre les forces d’occupation allemandes, entre le 19 avril et le 16 mai 1943, est justement l’un des actes de résistance juive les plus important. On préfère donc glorifier les combattants du ghetto et montrer des photographies d’hommes ayant pris les armes, plutôt que celle d’un enfant et de femmes, levant les bras en signe de soumission.

La photo réapparaît toutefois sporadiquement : dans le court métrage d’Alain Resnais, « Nuit et brouillard », en 1956 (à 2m30s), dans le film de Frédéric Rossif « Le Temps du ghetto » (1961), puis en couverture de « L’Etoile jaune » de Gerhard Schoenberner (1969).

Un non-sens pour Frédéric Rousseau puisque « les juifs du ghetto ne portaient pas d’étoile jaune, mais un brassard » blanc, que l’on distingue au bras de certaines femmes de la photo. « Chacun le sait. Mais visiblement cela n’importe plus. »

La photo devient un symbole

En effet… car progressivement, sous l’effet de recadrages successifs, l’enfant se détache du groupe, qui disparaît, tout comme les soldats.

« A l’évidence, au fil du temps et de ses apparitions, le petit garçon de Varsovie est devenu le témoin universel des victimes de la Shoah », « un symbole universel et l’un des emblèmes de la force brutale », relève Frédéric Rousseau dans son livre, qui analyse justement ce processus par lequel « un simple cliché inséré dans un rapport militaire est devenu l’une des images les plus emblématiques de la Shoah ».

Pour l’historien américain Richard Raskin, qui s’est également penché sur la photo dans son livre « A child at gunpoint : a case study in the life of a photo », paru en 2004, d’autres éléments expliquent pourquoi la photo est devenue une telle icône :

« Le cliché est net, ne rebute pas au premier abord, comme certains autres d’enfants mourant. On peut donc la regarder longtemps. Alors on voit qu’elle porte en elle les termes du conflit : on y voit des Juifs contre des nazis, des femmes et des enfants civils contre des soldats, des armes contre des êtres sans défense, l’assurance contre la peur et, finalement, des bourreaux contre des victimes. »

Renaud Février

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Basta

Le commentaire de Francis Contis à dispar et ce n’est pas plus mal.

Marc

Contis est payé par le gouvernement Bouteflika pour passer ses journées entières, depuis Alger ou Anaba, à faire la propagande de l’Iran et du Hezbollah, négationnisme etc. sur les sites juifs. Il a une IP qui correspond à « Département de … sécurité »… (ça vole bas de plafond en Algérie, mais ils s’accrochent dur et ils y croient)

Ca donne : inetnum: 105.104.0.0 – 105.104.127.255
netname: RESIDENTIAL-ANNABA
descr: ADSL ANNABA
country: DZ
admin-c: SD6-AFRINIC
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mnt-by: DJAWEB-MNT
source: AFRINIC # Filtered
parent: 105.96.0.0 – 105.111.255.255

person: Security Departement
address: Alger
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nic-hdl: SD6-AFRINIC
source: AFRINIC # Filtered

% Information related to ‘105.96.0.0/12AS36947’

route: 105.96.0.0/12
descr: Algerie Telecom
origin: AS36947
mnt-by: DJAWEB-MNT
source: AFRINIC # Filtered

Basta

Francis Contis: Catherine le lay a essayé, en voulant substituer la photo bidon de Mohamed el durah à celle de ce jeune juif et elle n’y est pas parvenu ,donc il faudra vous y faire . je ne sais plus qui avait dit « les allemands ne pardonneront jamais Auschwitz aux juifs  » ,il savait de quoi il parlait quand on voit comment nous parlons encore de notre sortie d’Égypte.
Ça doit être dur pour vous .
Svp, essayez de souffrir en silence,rien ne vous oblige à aller sur ces sites.

jake

Bon, l’article se tient…mais pourquoi ne pas insister sur le FAIT que ceux qui se sont armés et révoltés ne furent que seulement 1200 Jeunes Juifs relativement épargnés par la chance d’avoir travaillé à la campagne dans des Kommandos stratégiquement importants) pour les nazis (et nécessitant de l’intelligence..) .et donc relativement épargnés et moins mal-nourris que ceux du Ghetto…
1200 ! Sur 500.000 au départ …et 70.000 avant la Grande Rafle de nettoyage final du Ghetto…
Tous les autres se soumirent… et ne firent rien…Ils « étudièrent et prièrent » et firent du Marché Noir….et tous les autres s’opposèrent à la Résistance fomentée….
Ne nous cachons pas derrière une plume….
La Réalité se venge toujours…et notre couardise endémique est la seule raison pour laquelle trop d’entre nous trouvent qu’Israël n’a « pas tout à fait raison »!