Par un curieux sentiment de devoir, la grande majorité des juifs reste profondément attachée à la fête de Pessah, presque autant que pour la célébration de Yom KIPPOUR. Respecter les commandements spécifiques liés à l’interdiction de posséder ou de consommer du Hamets, mais aussi et surtout participer personnellement et activement à la soirée du Seder.

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Il y a là, me semble-t-il un mystère, s’agissant des juifs non pratiquants qui, pour cette fête, font étalage d’une exigence peu commune. Il faut voir avec quel acharnement nos coreligionnaires organisent leur Seder même de façon approximative ou cherchent à se faire inviter pour bénéficier d’une soirée conforme à la tradition.

Bref, pratiquants ou pas, on retrouve la même volonté de faire le Seder pour affirmer son identité vis-à-vis de ses enfants et de toute la famille .L’habileté pédagogique de la HAGGADAH réside dans la force des premiers paragraphes qui créent un véritable «suspense» autour d’une nuit  différente des autres nuits, à la faveur de rites alimentaires, porteurs de symboles. Cette dialectique suscite le  dialogue, les  questionnements et les controverses autour des quatre enfants, étonnés de voir le message que peuvent transmettre les herbes amères, les galettes  de matsa et l’agneau pascal .Qui de nous ne se souvient de ces passages lus et relus, en hébreux ou en français, discutés et commentés, médités ou critiqués ? .La répétition annuelle du même texte  fait naître dans l’inconscient collectif juif, la dimension d’un destin national, commun  et auquel nous sommes tous attachés. Réussir à faire passer un tel concept n’est pas chose facile  et il faut reconnaitre à cet égard que le rituel  de la HAGGADAH  a largement contribué à répandre un certain nombre de notions fondamentales :

  • Tout le peuple hébreu (sage ou pervers, etc…) est concerné à la fois par le double problème de l’esclavage et de la libération ;
  • A bien considérer les déportés étaient purement et simplement réduits à l’état d’esclavage tout comme leurs ancêtres en Egypte ;
  • Tout le peuple hébreu s’est trouvé entrainé dans le processus de persécution installé dans l’Egypte des Pharaons ;
  • Les différents gestes rituels de cette soirée pascale doivent contribuer à nous faire saisir le sens de notre esclavage, à travers l’amertume des mets à consommer ;
  • A toutes les générations, et aujourd’hui encore, nos ennemis se dressent contre nous pour nous exterminer ;
  • A chaque génération, on doit se considérer comme étant soi-même sorti d’Egypte, sous une forme ou une autre d’enfermement ;
  • Plus on parle de la YETSIAT MISRAIM, la Sortie d’Egypte, et plus on a de mérites car on intègre, chaque fois plus, notre héritage spirituel.

  Si nous avions été présents à ce moment-là, nous aurions subi  le même sort que nos frères en Egypte.. Et, pour reprendre un des textes de la Haggadah « Si le Saint, béni soit-Il, n’avait pas fait sortir nos ancêtres d’Egypte, nous serions encore, nous, nos enfants et nos petits-enfants, assujettis au Pharaon d’Egypte » . La même logique peut s’appliquer à  ceux d’entre nous qui vivaient en Afrique du Nord, et  qui n’ont pas eu à subir les conséquences de la terreur nazie. S’ils avaient été présents à l’époque de la deuxième guerre mondiale, ils auraient eux aussi été pourchassés, raflés, déportés, gazés et brûlés dans les fours crématoires. Même si on n’a pas vécu cette période horrible, on n’a pas le droit d’ignorer les atrocités commises par la barbarie nazie .C’est un devoir impérieux de s’informer, un devoir d’écouter les ultimes témoins, un devoir d’en parler autour de nous et d’abord à nos enfants, un devoir de transmettre, un devoir de tirer les leçons de la catastrophe, un devoir d’assumer notre responsabilité dans le combat permanent contre l’antisémitisme, un devoir de défendre pleinement son identité juive.

Hall-of-Names

 Les tortionnaires qui agissaient ainsi se comportaient comme des bêtes sauvages, à l’image de ces chiens qui hurlaient à la mort lorsque les déportés descendaient des convois, en arrivant au camp de concentration d’AUSCHWITZ, de  BIRKENAU, de MAIDANEK ou de TREBLINKA .Ces bourreaux avaient-ils toute leur conscience lorsqu’ils humiliaient ces hommes, ces femmes et ces enfants, avant de les enfermer dans les chambres à gaz ? Savaient-ils que le bien le plus précieux de l’homme, c’est sa dignité ? Sans doute ces criminels, du plus important au plus insignifiant, pensaient-ils qu’en rabaissant les déportés, en les  ravalant au rang d’objets, ou de simples matricules, ils ne pouvaient plus les considérer comme des êtres humains. Ils pouvaient donc se permettre les pires tortures, les pires supplices, la faim, la soif, le froid, les coups, pour humilier encore ces  victimes décharnées, dénudées, faméliques, chancelantes….

La télévision nous a tellement habitués à la violence meurtrière, qu’il s’agisse de films et désormais de l’actualité quotidienne de la planète, qu’elle fait pratiquement partie de notre vie. Ce ne sont que voitures piégées, actes de terrorisme, attentats, folies des kamikazes, guerres fratricides, meurtres, assassinats, tueries en tous genres. La violence individuelle  est à peine soulignée pour laisser la place à la quantité de morts, qui se comptent par centaines et même par milliers finissant par faire partie d’une atroce banalité.

Pourtant, là est le danger : risquer de voir un fragment de la mémoire collective juive s’effilocher au fil des ans. Certains  prétendent qu’on a tant écrit, tant parlé sur la Shoah, qu’une lassitude s’est installée dans les esprits des juifs, et a fortiori des non-juifs .C’est sans doute pour cette raison que la Haggadah nous répète, mille et une fois, qu’il est indispensable de dire, de redire, de raconter, et encore et encore…

 

JForum.fr

 

D’autres génocides ont été perpétrés, en Afrique, en Europe même. D’autres minorités, et aujourd’hui les chrétiennes, ont été et sont encore persécutées sous nos, yeux, dans un silence condamnable.

Et pourtant, dans chacun des pays concernés par cet assassinat de masse, s’il n’y avait eu que 10 justes pour s’exprimer contre les lois infamantes proclamées par Hitler, cela nous aurait suffi !

Si, à l’époque, les consciences s’étaient réveillées face à l’injustice  et la cruauté, cela nous aurait suffi !

Si le règne de la force avait été enrayé par des hommes responsables, cela nous aurait suffi !

Hélas, il n’en a rien été et le pire s’est produit, une tache indélébile sur l’Humanité. Ainsi que l’écrivait le Grand Rabbin Gilles BERNHEIM «  Révélée dans la spécificité de la Shoah, l’expérience du mal absolu vécu par nos parents, s’inscrit dans la mémoire des générations suivantes et lui enjoint d’en reconnaitre la manifestation  sous des symptômes différents et des temps différents. » Le commandement «  SOUVIENS-TOI ! » demeure une priorité de notre mémoire religieuse, un impératif plus nécessaire que jamais !

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Moise  COHEN          

Président d’Honneur du Consistoire de Paris

 

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