Une ligne dans le sable: le conflit franco-britannique qui façonna le Moyen-Orient

de James Barr, Perrin

Voici un ouvrage solidement documenté, qui a puisé à toutes les archives dans les différents ministères, tant au Foreign Office qu’au Quai d’Orsay, mais, fait plus étonnant, dans les collections de l’Agence juive de Ben Gourion et d’autres témoignages parfois assez étonnants, tant les rivalités franco-britanniques au Proche Orient tournaient facilement à l’aigre : on en était presque venu aux mains entre les deux puissances européennes pourtant liées par un solide pacte contre l’Allemagne nazie.

Notre intérêt pour cet ouvrage de grande qualité s’explique par les réalités d’aujourd’hui. Quand on regarde attentivement certains chapitres, on comprend mieux les déchirements qui caractérisent cette région du monde qui n’a jamais connu la paix et ne la connaîtra probablement pas avant de longues décennies.

L’expression une ligne dans le sable illustre le caractère très mouvant, pour ne pas dire instable, des frontières, des traités, des échanges, des alliances, etc…

Au fond, le général de Gaulle, qui avait tout fait pour que l’armée du Levant fasse défection et ne suive plus les ordres de Vichy, et qui s’était rendu en pleine guerre à Beyrouth, Damas, Haïfa et dans d’autres sites moins connus, n’avait pas tort de dire : vers l’Orient compliqué, je voguais avec des idées simples. En effet, Descartes n’est pas né en Orient mais en Occident judéo-chrétien… Et c’est là toute la différence.

L’histoire commence avec le dépeçage de l’homme malade de l’Europe, l’empire ottoman que les puissances chrétiennes ont dépouillé sans le moindre scrupule. Mais cet empire agonisant régnait, même simplement théoriquement, sur de larges portions de territoires, tant en Afrique du nord qu’au Moyen Orient.

Mais les deux puissances concurrentes qu’étaient la France et le Royaume-Uni voulaient s’approprier les dépouilles de cet empire. Les Turcs furent chassés d’Orient par des armées constituées de soldats occidentaux mais aussi de tribus de Bédouins, armées alternativement par les Français ou les Britanniques. Cela avait commencé avec la Première Guerre mondiale et cela va se poursuivre jusqu’à la fin de la guerre hitlérienne.

En gros, les Français voulaient acquérir la Syrie et le Liban, un pays qu’ils avaient aidé à se constituer afin de sauver les chrétiens orientaux, les Maronites principalement qui, furent maintes fois massacrés par les Druzes.

Quand on s’informe sur ce qui se passe aujourd’hui sous nos yeux dans des territoire comme la Syrie, l’Irak (appelé jadis la Mésopotamie), la Jordanie, l’Arabie saoudite, les choses deviennent moins étonnantes quand on fait appel à l’éclairage historique.

Les tribus arabo-musulmanes, les quelques résidents chrétiens sur place, ne se sont jamais vraiment acceptées ; toutes ces tribus furent contraintes de vivre dans un cadre étatique imposé de l’extérieur. C’est-à-dire par les puissances occidentales qui commencèrent à réaliser que les champs pétrolifères étaient plus intéressants que les mines de charbon dont la teneur énergétique était nettement supérieure. Or, à cette époque, il fallait produire beaucoup d’acier, beaucoup d’éléments d’électro-ménager, et surtout d’armes…

La France et la Grande Bretagne devaient donc s’entendre d’une manière ou d’une autre.

100 ans des accords Sykes-Picot : "Ils ont inventé une paix qui ressemble à la guerre"
Mark Sykes et François Marie Denis Georges-Picot. (akg-images)

L’entente Sykes-Picot n’avait pas résolu tous les problèmes. Certes, les Anglais avaient jeté leur dévolu sur l’Irak dont les richesses en pétrole étaient considérables et joueront aussi un rôle lorsqu’il s’agira de contrer l’Afrika-corps de Rommel ; le corps expéditionnaire du renard du désert subit une éclatante défaite à El Alamein, aux portes de la Terre sainte. Rommel avait conquis Tobrouk, un port vital pour ses lignes d’approvisionnement, notamment en carburant.

Le maréchal Montgomery qui fera aussi un séjour remarqué en Palestine pour mater la rébellion arabe grâce à son puissant corps expéditionnaire, changera le cours de la guerre et, par voie de conséquence, l’avenir du peuple juif réfugié en Terre sainte.Résultat de recherche d'images pour "déclaration balfour"

On peut donc dire que les années de 1916 à 1949 furent vitales, décisives pour l’avenir du Moyen Orient. L’année suivante, 1917, est passée dans l’histoire car c’est alors que Lord A. Balfour a promis l’établissement d’un foyer national juif en Palestine qui allait être arrachée aux Ottomans par Allenby qui fera une entrée triomphale à Jérusalem.

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Edmond Allenby

Dans cette fameuse déclaration Balfour on oublie souvent de préciser qu’elle contient aussi une ligne destinée à rassurer la population arabe dont les intérêts ne devaient pas être lésés…

Les Anglais du Foreign Office n’ont jamais été favorables au sionisme. On en veut pour preuve les deux cas, au moins, dans desquels ils interdirent l’accès en Terre sainte aux navires chargés de rescapés du nazis. Dans ces deux cas, des mines, posées par des inconnus, avaient provoqué la mort par noyade de centaines de réfugiés…

Membres de la Haganah en 1947/photo Wikipédia

Et là, nous allons de surprise en surprise : l’attitude des autorités françaises, affilées au général de Gaulle ont maintes fois renseigné les sionistes, notamment de la Hagganah, mais même le groupe Stern et l’irgoun qu’elles dotèrent d’armes et de munitions. Tout était bon pour neutraliser l’emprise britannique sur la région.

A la suite d’attentats particulièrement sanglants, commis par l’Irgoun, les enquêteurs britanniques remontèrent à des sources françaises qui avaient, en sous-main, renseigné et armé les brigades sionistes, leur expliquant que les attentats étaient le moyen de chasser la couronne britannique de la terre ancestrale.

La France a donc puissamment aidé les milices sionistes à s’armer, à se défendre et à bouter les Anglais hors de Palestine. Plus tard, lorsque les Arabes parviendront à imposer aux Anglais un livre blanc limitant l’arrivée de colons juifs, la France aidera à faire une immigration sur une très large échelle. Elle fermera aussi les yeux sur les décollages d’avions chargés d’armes et de munitions tchécoslovaques, à partir d’aérodromes français : sans cette aide vitale, la Haggana n’aura pas réussi à stopper les armées arabes qui avaient commencé à envahir le jeune Etat.

Que viennent faire les Arabes dans tout cela ? On doit à la vérité de dire que leurs divisions tribales et sectaires faisaient d’eux des proies faciles pour des puissance habiles à les dresser les uns contre les autres, en les corrompant ou en leur faisant des promesses jamais tenues…

La chance de la partie juive tenait au fait que les juifs avaient à leur tête une personnalité aussi brillante que David Ben Gourion que rien n’arrêtait. Jamais, il ne désespéra la cause sioniste – son ancien secrétaire Shimon Pérés le relate dans ses mémoires.Résultat de recherche d'images

Et puis, la fidélité à la terre d’Israël ne datait pas d’hier. Durant près de deux millénaires, l’espoir est resté vivant, les juifs ont consenti tous les sacrifices possibles et imaginables afin de faire refleurir ces arpents de terre sablonneuse dont la superficie globale ne dépasse celle de deux départements français de taille moyenne.. Et pourtant, tous les états arabo musulmans jurent qu’ils ne peuvent pas vivre avec une telle réalité… Quand donc renaîtra la fraternité abrahamique ? Quand donc les Arabes comprendront ils que rien ne peut éradiquer Israël ?

Quels enseignements devons nous tirer de tout cela ? Ce Moyen Orient ne repose pas sur des réalités historiques ou géographiques légitimes.

On le voit en écoutant le programme de partis extrémistes ou sectaires qui rêvent d’unir sous leur bannière islamiste des territoire entiers englobant plusieurs pays arabes et même Israël.

L’Etat juif est le seul de la région à avoir su tirer son épingle du jeu. C’est le seul qui soit vraiment démocratique, le seul à avoir une Cour suprême vraiment indépendante. Chaque jour que l’Eternel fait, cet Etat tente de survivre et de concilier deux impératifs : un état juif et un état démocratique.

Ce livre de James Barr apporte une contribution remarquable à l’arrière-plan historique d’une région qu’on ne comprend plus, tant la logique en est absente depuis des décennies…

Maurice-Ruben HAYOUN

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Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève

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Dominique Pérignon

Petite précision : la déclaration Balfour ne veut pas seulement « rassurer la population arabe dont les intérêts ne devaient pas être lésés » – ainsi que prétend l’article -, mais dit précisément que « rien ne devra être fait contre les intérêts civils et religieux des communautés non-juives ». Nuance !

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